10/05/2024 dedefensa.org  8 min #248333

Guénon et les raisons de notre impuissance

 Les Carnets de Nicolas Bonnal  

Nous sommes impuissants face au mal, surtout en occident – et en France : nous le voyons progresser, se diversifier, faire semblant de s'opposer (toute maison divisée contre elle-même triomphera…) lors d'élections dérisoires et truquées, ridiculiser toute opposition même faible et bavarde, imposer sans problème notre agonie digitale. La monstruosité de nos dirigeants mondialistes-progressistes et de ces bienveillants milliardaires génocidaires échappe totalement au troupeau qui est hébété (mot utilisé par Mgr Gaume, Baudrillard, Tocqueville ou Guénon tout de même…) mais aussi «parfaitement enthousiaste», comme disait Céline. Car le Kali-Yuga a la vie dure. Je l'ai compris en relisant McLuhan : la mutilation que nous a fait jadis subir la typographie fut irréparable (voir ici mon texte sur Lévi-Strauss et l'invention de l'Ecriture). Nous irons au génocide sur ordre précédé par le camp d'extermination électronique et sanitaire. Merci à nos hommes politiques et à leurs électeurs.

Pourquoi ne pouvons-nous plus rien faire alors ? C'est que notre mal vient de plus loin, comme dit Jean Racine. Relisons juste le chapitre de Guénon sur la Grande Muraille (Règne de la Quantité, XXV) :

« Aussi avons-nous parlé de « fissures » par lesquelles s'introduisent déjà et s'introduiront de plus en plus certaines forces destructives ; suivant le symbolisme traditionnel, ces « fissures » se produisent dans la « Grande Muraille » qui entoure ce monde et le protège contre l'intrusion des influences maléfiques du domaine subtil inférieur. »

Il y avait une grande muraille, il n'y en a plus. Guénon défend cette grande muraille pourtant matérielle (c'était comme les frontières, mieux que rien) :

« il importe d'ailleurs de remarquer qu'une muraille constitue à la fois une protection et une limitation ; en un certain sens, elle a donc, pourrait-on dire, des avantages et des inconvénients ; mais, en tant qu'elle est essentiellement destinée à assurer une défense contre les attaques venant d'en bas, les avantages l'emportent incomparablement, et mieux vaut en somme, pour ce qui se trouve contenu dans cette enceinte, être limité de ce côté inférieur que d'être incessamment exposé aux ravages de l'ennemi, sinon même à une destruction plus ou moins complète. »

Ce courageux (pour lui) point de vue pragmatique défend l'idée d'une société figée et protégée. Nos sociétés sont devenues « ouvertes » ; j'ai expliqué ailleurs pourquoi Guénon avait raison de s'en prendre à Bergson (sa sœur était l'épouse du patron de la Golden Dawn…) et à sa spiritualité ouverte qui inspire le vieux saurien.

Guénon ajoute que nous allons encore descendre (NDLR : « nous » allons TOUJOURS descendre) et qu'il n'y a plus de protection) :

« Or, comme nous l'avons dit, la « descente » n'étant pas encore achevée, cette « coquille » ne peut que subsister intacte par le haut, c'est-à-dire du côté où précisément le monde n'a pas besoin de protection et ne peut au contraire que recevoir des influences bénéfiques ; les « fissures » ne se produisent que par le bas, donc dans la véritable muraille protectrice elle-même, et les forces inférieures qui s'introduisent par-là rencontrent d'autant moins de résistance que, dans ces conditions, aucune puissance d'ordre supérieur ne peut intervenir pour s'y opposer efficacement ; le monde se trouve donc livré sans défense à toutes les attaques de ses ennemis, et d'autant plus que, du fait même de la mentalité actuelle, il ignore complètement les dangers dont il est menacé. »

Un rappel sur les entités qui nous dirigent et dont des gens comme John Buchan, Chesterton ou Jack London avaient conscience :

« Dans la tradition islamique, ces « fissures » sont celles par lesquelles pénétreront, aux approches de la fin du cycle, les hordes dévastatrices de Gog et Magog, qui font d'ailleurs des efforts incessants pour envahir notre monde ; ces « entités », qui représentent les influences inférieures dont il s'agit, et qui sont considérées comme menant actuellement une existence « souterraine », sont décrites à la fois comme des géants et comme des nains… »

Puis vient l'essentiel dans ce chapitre : le caractère progressif et historique du processus. Ici on sort de la Tradition gelée et on reconnaît l'historique effondrement. Il fut un temps où on pouvait encore résister donc :

« Seulement, si le Kali-Yuga tout entier est proprement une période d'obscuration, ce qui rendait dès lors possibles de telles « fissures », cette obscuration est bien loin d'avoir atteint tout de suite le degré que l'on peut constater dans ses dernières phases, et c'est pourquoi ces « fissures » pouvaient alors être réparées avec une relative facilité… »

C'est qu'il y a eu deux époques des Temps modernes : les temps mécaniciens de Moscovici (le père de l'autre…) liées à la solidification guénonienne ; puis les temps de mon ère du cool...

Première époque :

" Il vint ensuite une époque où, par suite de l'excessive « solidification » du monde, ces mêmes « fissures » furent beaucoup moins à redouter, du moins temporairement ; cette époque correspond à la première partie des temps modernes, c'est-à-dire à ce qu'on peut définir comme la période spécialement mécaniste et matérialiste, où le « système clos » dont nous avons parlé était le plus près d'être réalisé, autant du moins que la chose est possible en fait. »

C'est l'époque bourgeoise et on se souvient combien nos cinéastes (voyez ma destruction de la France au cinéma) ou nos littérateurs ont aimé la détruire cette époque bourgeoise : en réalité on ne visait que le christianisme et une fois ce dernier anéanti (il y en a encore qui jouent au grand monarque ou aux messies, on voit ce que ça donne en Israël ou en Amérique), on a pu liquider comme le demandait Sartre « le mâle blanc et bourgeois » - et c'est pourquoi on adore Joe Biden (ne jamais oublier la sottise du diable dont Guénon parle) !

Guénon aurait pu ajouter que même l'époque de la solidification avait ses temps de débauche et de débâcle (Blanchot dans son dernier bouquin a bravement parlé de désastre) : on a eu ainsi la Renaissance italienne, la Régence, l'époque géorgienne, et enfin les fameuses et méphitiques sixties. A partir de cette époque comme me disait Serge Beketch avant de mourir tout est devenu irréparable. Les années 2020 marquent la fin des deux générations de la culture du satanisme et du néant. Ils en sont maintenant nos ministres et commissaires européens aux temps de la récolte : agonie digitale, famine sur ordre et guerre mondiale au programme avec consécration de toutes les antivaleurs méphitiques de notre histoire. Ces Jeux Olympiques vont sonner le glas, attentat russe-bidon ou pas à la clé.

Guénon donc voit cette époque venir sans doute dès la fin du XIXème siècle : il n'est pas le seul. On a Tolstoï et son livre sur l'art, on a aussi Max Nordau qui dénonce cette culture de la déchéance en occident, si bien illustrée ensuite par Visconti et le cinoche italien.

Deuxième partie des temps modernes donc (temps de la dissolution en termes guénoniens), temps où nous sommes IMPUISSANTS :

« Maintenant, c'est-à-dire en ce qui concerne la période que nous pouvons désigner comme la seconde partie des temps modernes, et qui est déjà commencée, les conditions, par rapport à celles de toutes les époques antérieures, sont assurément bien changées : non seulement les « fissures » peuvent de nouveau se produire de plus en plus largement, et présenter un caractère bien plus grave que jamais en raison du chemin descendant qui a été parcouru dans l'intervalle, mais les possibilités de réparation ne sont plus les mêmes qu'autrefois ; en effet, l'action des centres spirituels s'est fermée de plus en plus, parce que les influences supérieures qu'ils transmettent normalement à notre monde ne peuvent plus se manifester à l'extérieur, étant arrêtées par cette « coquille » impénétrable dont nous parlions tout à l'heure ; où donc, dans un semblable état de l'ensemble humain et cosmique tout à la fois, pourrait-on bien trouver une défense tant soit peu efficace contre les « hordes de Gog et Magog » ?

Puis Guénon cite un mot important : l'inertie (cf. l'hébétude…).

« Ce n'est pas tout encore : ce que nous venons de dire ne représente en quelque sorte que le côté négatif des difficultés croissantes que rencontre toute opposition à l'intrusion de ces influences maléfiques, et l'on peut y joindre aussi cette espèce d'inertie qui est due à l'ignorance générale de ces choses et aux « survivances » de la mentalité matérialiste et de l'attitude correspondante, ce qui peut persister d'autant plus longtemps que cette attitude est devenue pour ainsi dire instinctive chez les modernes et s'est comme incorporée à leur nature même. »

Enfin Guénon ajoute quelque chose de juste mais de déplaisant : nous qui luttons sommes aussi imbibés d'esprit moderne que les autres. D'où cette incapacité à résister sérieusement (voyez mon texte sur Evola et l'homme fuyant) :

«... c'est que ceux qui voudraient le plus sincèrement combattre l'esprit moderne en sont eux-mêmes presque tous affectés à leur insu, si bien que tous leurs efforts sont par-là condamnés à demeurer sans aucun résultat appréciable ; ce sont là, en effet, des choses où la bonne volonté est loin d'être suffisante, et où il faut aussi, et même avant tout, une connaissance effective ; mais c'est précisément cette connaissance que l'influence de l'esprit moderne et de ses limitations rend tout à fait impossible, même chez ceux qui pourraient avoir à cet égard certaines capacités intellectuelles s'ils se trouvaient dans des conditions plus normales. »

La suite ? On verra bien. Je ne me satisfais pas de cette fin de l'illusion dont parle Guénon, je ne me satisfais pas de sa Cité divine qui ressemble à celle de Davos et de Schwab (un super-cerveau pour mille marionnettes), et je voudrais savoir à quoi va ressembler leur monde de « mangeurs inutiles » en 2030.

On aura fait ce qu'on a pu, c'est-à-dire rien.

Sources

 classiques.uqac.ca

 dedefensa.org

 les4verites.com

 lesakerfrancophone.fr

 esprit-universel.over-blog.com

 dedefensa.org

 Commenter