10/05/2024 infomigrants.net  5 min #248393

Londres et Kigali visent de premières expulsions de migrants au Rwanda au printemps

Manifestations, grève de la faim: au Royaume-Uni, l'opposition au Plan Rwanda s'élargit

Des opposants à l'expulsion de migrants au Rwanda manifestent devant le Home Office à Londres, le 13 juin 2022. Crédit : Reuters

Depuis le début du mois de mai, les interpellations de demandeurs d'asile se multiplient. Le gouvernement britannique arrête et place en rétention les personnes susceptibles d'être envoyés au  Rwanda dans le cadre du plan d'expulsion très controversé, adopté le 22 avril par le Parlement.

Au sein des communautés de migrants, c'est l'inquiétude. Ils sont nombreux à se cacher de peur d'être arrêtés et expulsés au Rwanda.  Certains quittent même le Royaume-Uni pour l'Irlande, qui envisage donc de durcir sa législation à son tour.

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"Le Rwanda n'est pas un pays sûr"

D'autres ont décidé de protester contre ce projet d'expulsion. Depuis l'adoption du Plan Rwanda, le gouvernement est confronté à une fronde croissante. D'une part venant des ONG, qui multiplient les actions et les prises de position contre ce plan jugé "inhumain". Mais la mobilisation vient aussi des exilés eux-mêmes, terrifiés à l'idée d'être envoyés dans un pays qu'ils ne connaissent pas.

Ainsi, plusieurs dizaines de demandeurs d'asile, majoritairement afghans, ont manifesté mercredi devant le Parlement britannique. "Nous demandons que les Afghans soient retirés de la liste des expulsables au Rwanda car ce n'est pas un pays sûr, et que les demandes d'asile soient déposées et étudiées au Royaume-Uni", a déclaré Qamar Jabarkhil, l'un des organisateurs de la manifestation. Ils mettent notamment en avant que nombre d'entre eux ont travaillé avec l'armée britannique dans leur pays.


Lors de la manifestation à Londres. Crédit : Qamar Jabarkhil

En parallèle, une autre manifestation avait lieu devant Downing Street, cette fois-ci organisée par la coalition StopRwanda, un regroupement d'associations et d'ONG mobilisées contre le plan d'expulsion britannique. Celui-ci "ne fait rien pour offrir protection ou sécurité aux personnes qui ont vécu les horreurs les plus inimaginables telles que la torture et l'esclavage moderne", a déclaré le PDG de Care4Calais, Steve Smith, lors du rassemblement. Et d'ajouter : "Nous avons aidé à arrêter un vol vers le Rwanda, et nous travaillerons sans relâche pour recommencer".

La protestation gagne même les centres de rétention, selon le  Guardian. Une manifestation de plus de 50 détenus a eu lieu dans la cour du centre de rétention de Brook House, dans le sud de Londres. "Le ministère de l'Intérieur nous demande de parler à nos avocats ou aux assistants sociaux du ministère de l'Intérieur, mais nous n'obtenons aucune réponse. Nous sommes amenés de personne en personne comme un ballon de football. Nous avons organisé cette manifestation parce que nous sommes effrayés par notre situation et que nous voulons des réponses du ministère de l'Intérieur", a déclaré un participant au journal britannique.

Grève de la faim

Dans un autre centre, c'est une grève de la faim qui a été lancée, selon des ONG et avocat d'aide aux migrants. Des dizaines de personnes du centre de rétention de Colnbrook, près d'Heathrow, ont arrêté de se nourrir. "Nous sommes extrêmement préoccupés par le bien-être des personnes actuellement détenues et menacées d'expulsion vers le Rwanda. Ils connaissent des niveaux élevés de désespoir et d'anxiété dans un système qui s'est déjà avéré en difficulté. Nous continuerons à rendre visite et à soutenir les gens, mais nous sommes extrêmement préoccupés par leur état", a informé Anna Pincus, directrice du Gatwick Detainees Welfare Group, une association qui intervient dans ce centre.

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De son côté, le gouvernement britannique maintient son cap. Il a informé la Haute-Cour de Londres qu'il prévoyait de commencer les premières expulsions vers le Rwanda entre le 1er et le 15 juillet. Le gouvernement espère ainsi avoir expulsé au moins 5 700 personnes d'ici la fin de l'année.

Recours en justice

Mais les opposants au projet n'ont pas non plus dit leur dernier mot. Plusieurs actions en justice lancées par des associations ou des syndicats peuvent ralentir, voire mettre un terme au processus. Le juge Martin Chamberlain, de la Haute-Cour de Londres, a organisé la semaine dernière une audience sur un recours contre le Plan Rwanda déposé par le syndicat FDA, qui représente les fonctionnaires.

"Il ressort du recours que certains fonctionnaires croient, ou ont été informés, qu'il serait contraire [à leur code, ndlr] de se conformer à la décision ministérielle de procéder à des expulsions vers le Rwanda", avait-il déclaré.

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Le prochain rendez-vous des opposants à la loi est d'ores et déjà fixé. Une grande manifestation nationale, à l'appel d'associations, ONG et syndicats, doit avoir lieu le 29 juin prochain.

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