17/05/2024 basta.media  5min #248765

 Géorgie : Le Parlement adopte une loi controversée sur l'influence étrangère, l'Ue appelle le gouvernement à abandonner le texte

En Géorgie, un grand danger plane sur la presse et les Ong

L'adoption de la loi « sur la transparence de l'influence étrangère » marque un tournant inquiétant pour la Géorgie. Des ONG et médias pourront être désormais classés « agents de l'étranger ». Un danger pour la démocratie, alertent des journalistes.

L'édito international d'Emma Bougerol. Pour découvrir notre revue de presse « Chez les indés - International »,  inscrivez-vous ici.

Dans les rues de Tbilissi, la capitale de Géorgie, une marée de policiers en imperméables ou vestes noires, tous cagoulés ou masqués, capuches, casquettes et casques sur la tête, font face à une foule colorée, d'où l'on voit se détacher quelques drapeaux européens ou rouge et blanc, les couleurs nationales. L'atmosphère est tendue, elle se ressent jusque  dans cette vidéo sans commentaires du média géorgien Studio Monitor, titrée : « Comment s'est déroulé le rassemblement de protestation après l'approbation de la "loi russe" ? »

Cet événement est le point d'orgue de plusieurs semaines de manifestations d'une ampleur sans précédent en Géorgie. « Des dizaines de milliers de manifestants se sont rassemblés contre la loi à Tbilissi au cours du week-end, lors des plus grandes manifestations depuis la révolution des roses en 2003 »,  raconte EUobserver le 14 mai, jour de la promulgation de la loi « sur la transparence de l'influence étrangère ».

L'influence du milliardaire et politicien Bidzina Ivanshivili

Le texte, soutenu par Rêve géorgien, le parti à la tête du gouvernement, prévoit de considérer comme des organisations « poursuivant les intérêts d'une puissance étrangère » toute ONG ou média financé à plus de 20% par des subventions ou dons étrangers. EUobserver souligne que « cette loi est "très dangereuse pour les ambitions européennes de la Géorgie" ». Pourtant, selon les derniers sondages, près de huit Géorgiens sur dix souhaitent que leur pays rejoigne l'Europe. Le pays a d'ailleurs obtenu en décembre dernier le statut officiel de candidat à l'entrée dans l'UE.

Ce revirement, écrit EUobserver, « signifie que le président honoraire du parti Rêve géorgien, Bidzina Ivanshivili, a choisi de rompre avec l'Occident, réduisant à néant 20 ans d'espoirs pro-européens depuis la révolution des roses en 2003 ». Le milliardaire géorgien, co-fondateur du parti à la tête du gouvernement et ex-dirigeant du pays, « a fait fortune dans les métaux et la banque en Russie ». « Il a déclaré à EUobserver en 2013 que son "rêve" était de faire de la Géorgie un centre d'affaires de type Dubaï entre l'UE et la Russie », complète le média.

« Bidzina Ivanishvili a passé la majeure partie de la dernière décennie à contempler les anciens toits de Tbilissi depuis son château de verre, une maison perchée au sommet d'une colline qui, selon ses détracteurs, ressemble à l'antre d'un méchant de films James Bond », décrit The Guardian en ouverture d' un portrait consacré à l'oligarque. Discret depuis quelques années, il a récemment pris la parole dans un meeting pour défendre la loi sur ces « agents de l'étranger ». « Son discours était empreint de sentiments anti-occidentaux et de théories du complot », décrit le journal britannique.

Un mois avant l'adoption du texte, déjà, Amnesty International  alertait sur le projet de loi, indiquant qu'il « représente une menace directe pour les droits aux libertés d'association et d'expression ». Le directeur adjoint pour l'Europe de l'Est et l'Asie centrale de l'organisation, Denis Krivosheev, a déclaré : « Cette dernière tentative en date du gouvernement géorgien de faire adopter une législation répressive, tout en réprimant les manifestations pacifiques contre celle-ci, doit cesser immédiatement. »

Menaces sur l'opposition

Début avril, le site d'investigation géorgien iFact révélait comment le parti au pouvoir a utilisé des fonctionnaires pour  disséminer de la propagande en faveur de la loi sur les réseaux sociaux. « Actuellement, au moins 20 000 personnes sont employées dans les municipalités et les villes autonomes de Géorgie, et nos observations indiquent que le parti au pouvoir tente de tirer pleinement parti de cette main-d'œuvre »,  révèle le média géorgien dans une des suites de l'enquête.

« La loi controversée sur la transparence de l'influence étrangère a profondément divisé le pays lorsqu'elle a été examinée pour la première fois par le Parlement géorgien à la mi-avril », écrit le consortium international Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), qui dénonce  les menaces reçues par les opposants au texte. « Aujourd'hui, ceux qui ont ouvertement critiqué le projet reçoivent des appels menaçants et trouvent sur les murs de leur quartier des affiches affichant leur visage et portant la mention "agent de l'étranger". »

« Nous avons plus de 3000 ONG en Géorgie. Peut-être plus de 90 % d'entre elles reçoivent des dons de l'étranger. La Géorgie est un pays pauvre ; nous dépendons de nos partenaires et de nos donateurs », explique Nino Ramishvili, journaliste d'investigation pour Studio Monitor, cité  par le Global investigative journalism network (GIJN). Parmi les principaux donateurs du média géorgien figure la National Endowment for Democracy, une organisation privée à but non lucratif basée aux États-Unis, note le GIJN.

« Le projet de loi est familièrement appelé "loi russe" à Tbilissi car il reprend les tactiques juridiques utilisées par le président russe Vladimir Poutine  pour entraver des publications telles que Novaya Gazeta et Meduza », souligne le site. Dans ces vacillements de la démocratie, les médias indépendants sont essentiels. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils sont attaqués.

Emma Bougerol

Photo de une : À Tbilisi, en Géorgie, le 12 mai. Un graffiti "Non au régime russe" sur le mur du Parlement à côté de policiers gardant l'arrière du bâtiment lors d'une manifestation au Parlement de Tbilissi, la nuit précédant le vote d'une loi sur l'influence étrangere/©Maxime Gruss/Hans Lucas.

 basta.media

newsnet 2024-05-17 #14075

ils arrivent bien après la discussion, seuls à tenir des propos antinomiques avec tous les commentateurs