06/06/2024 arretsurinfo.ch  5min #249990

Ukraine: la folle marche de l'Histoire

Par  Jean-Luc Baslé

Tentant de comprendre la guerre au Vietnam, l'historienne américaine Barbara Tuchman publia en 1984 un livre intitulé : « La marche folle de l'Histoire » dans lequel elle s'interrogeait sur les raisons qui conduisirent des rois ou des dirigeants, tel Montezuma, George III et bien d'autres, à poursuivre des politiques contraires à leurs intérêts vitaux en dépit d'alternatives évidentes. La guerre en Ukraine nous le remet en mémoire.

Pourquoi poursuivre cette guerre alors qu'une architecture européenne de paix, comme le proposa Vladimir Poutine en décembre 2021, aurait pu l'éviter ? Washington y répondit par une note brève qui en reconnaissait l'intérêt avec quelques réserves, tout en se gardant bien d'y donner suite. En conséquence, l'affrontement russo-américain par Ukraine interposé qui ne date pas de février 2021 mais du coup d'état de 2014, ourdi par Victoria Nuland, secrétaire d'état assistante pour l'Europe et l'Eurasie, prend avec le temps une dimension imprévue et tragique. Des analystes politiques s'en inquiètent. Leur inquiétude provient de la récente décision de Joe Biden d'autoriser les Ukrainiens à utiliser les missiles longue-portée qui leur sont fournis par les occidentaux, à frapper des objectifs en Russie sous réserve que ce soit des objectifs militaires. Cette restriction ne rassure guère. Dans le passé, les Occidentaux ont allègrement franchi les limites qu'ils s'étaient imposés concernant les chars, les avions de combat F-16, les missiles anti-aériens et les missiles longue-portée. Il est donc permis de penser que des objectifs civils seront aussi visés d'autant qu'il est parfois difficile de déterminer dans quelle mesure l'objectif est civil ou militaire. La guerre prendra alors une autre tournure.

L'inquiétude vient aussi des messages qu'adresse Vladimir Poutine aux Occidentaux. Dans sa conférence de presse du 28 mai, il a rappelé que les missiles longue-portée étaient contrôlés par les Occidentaux et non par les Ukrainiens. Il a ajouté que cette escalade sans fin pourrait avoir de sérieuses conséquences en Europe et dans le monde. Sergueï Lavrov a aussi tenu des propos peu amènes dans sa conférence du 18 mai, considérant que les Occidentaux ont fait le choix d'une confrontation sur le champ de bataille. En bref, les Russes nous disent ceci : nous sommes prêts à vous affronter. Leur message subliminal est plus inquiétant : nous ne bluffons pas. Nous avons les moyens non seulement de nous défendre mais aussi de vous détruire (les missiles Sarmat contiennent plusieurs missiles hypersoniques indétectables et les missiles sous-marins Poséidon peuvent provoquer des raz-de marée sur les côtes américaines). Aussi, ne faut-il pas s'étonner que les messages d'alerte en provenance de personnalités aussi connues et respectées que Paul Craig Robert, Gilbert Doctorow, M. K. Bhadrakumar, Jacques Baud, Alastair Crooke, etc. se soient multipliées ces derniers jours. Que nous disent-ils ? Refusant la défaite, l'Ouest a choisi l'escalade. Espérons qu'ils se trompent.

Le monde est aussi irrationnel aujourd'hui qu'il l'était au temps de la guerre au Vietnam. Barbara Tuchman le regretterait certainement, mais ne serait pas surprise.

 Jean-Luc Baslé, 3 juin 2024

Tentant de comprendre la guerre au Vietnam, l'historienne américaine Barbara Tuchman publia en 1984 un livre intitulé : « La marche folle de l'Histoire » dans lequel elle s'interrogeait sur les raisons qui conduisirent des rois ou des dirigeants, tel Montezuma, George III et bien d'autres, à poursuivre des politiques contraires à leurs intérêts vitaux en dépit d'alternatives évidentes. La guerre en Ukraine nous le remet en mémoire.

Pourquoi poursuivre cette guerre alors qu'une architecture européenne de paix, comme le proposa Vladimir Poutine en décembre 2021, aurait pu l'éviter ? Washington y répondit par une note brève qui en reconnaissait l'intérêt avec quelques réserves, tout en se gardant bien d'y donner suite. En conséquence, l'affrontement russo-américain par Ukraine interposé qui ne date pas de février 2021 mais du coup d'état de 2014, ourdi par Victoria Nuland, secrétaire d'état assistante pour l'Europe et l'Eurasie, prend avec le temps une dimension imprévue et tragique. Des analystes politiques s'en inquiètent. Leur inquiétude provient de la récente décision de Joe Biden d'autoriser les Ukrainiens à utiliser les missiles longue-portée qui leur sont fournis par les occidentaux, à frapper des objectifs en Russie sous réserve que ce soit des objectifs militaires. Cette restriction ne rassure guère. Dans le passé, les Occidentaux ont allègrement franchi les limites qu'ils s'étaient imposés concernant les chars, les avions de combat F-16, les missiles anti-aériens et les missiles longue-portée. Il est donc permis de penser que des objectifs civils seront aussi visés d'autant qu'il est parfois difficile de déterminer dans quelle mesure l'objectif est civil ou militaire. La guerre prendra alors une autre tournure.

L'inquiétude vient aussi des messages qu'adresse Vladimir Poutine aux Occidentaux. Dans sa conférence de presse du 28 mai, il a rappelé que les missiles longue-portée étaient contrôlés par les Occidentaux et non par les Ukrainiens. Il a ajouté que cette escalade sans fin pourrait avoir de sérieuses conséquences en Europe et dans le monde. Sergueï Lavrov a aussi tenu des propos peu amènes dans sa conférence du 18 mai, considérant que les Occidentaux ont fait le choix d'une confrontation sur le champ de bataille. En bref, les Russes nous disent ceci : nous sommes prêts à vous affronter. Leur message subliminal est plus inquiétant : nous ne bluffons pas. Nous avons les moyens non seulement de nous défendre mais aussi de vous détruire (les missiles Sarmat contiennent plusieurs missiles hypersoniques indétectables et les missiles sous-marins Poséidon peuvent provoquer des raz-de marée sur les côtes américaines). Aussi, ne faut-il pas s'étonner que les messages d'alerte en provenance de personnalités aussi connues et respectées que Paul Craig Robert, Gilbert Doctorow, M. K. Bhadrakumar, Jacques Baud, Alastair Crooke, etc. se soient multipliées ces derniers jours. Que nous disent-ils ? Refusant la défaite, l'Ouest a choisi l'escalade. Espérons qu'ils se trompent.

Le monde est aussi irrationnel aujourd'hui qu'il l'était au temps de la guerre au Vietnam. Barbara Tuchman le regretterait certainement, mais ne serait pas surprise.

 Jean-Luc Baslé, 3 juin 2024

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