18/06/2024 arretsurinfo.ch  7 min #250694

Que se taisent les « tambours de la guerre »

Par  Gabrielle Lefèvre

Les chiffres les plus récents du SIPRI: démonstration de la folie humaine.

« Les tambours de la guerre battent en Europe », lit-on sur le site du CADTM. (1) Un beau titre qui résume bien l'absurdité de la situation politique actuelle : contrairement à ce que veulent faire croire nombre de nos dirigeants, il semble bien que la majorité de la population ne souhaite pas de guerre.

Elle se préoccupe bien plus de sa survie économique et sociale dans une Europe apaisée et qui permet le développement économique « durable ». Bref, les Européens pensent à leur avenir et surtout à celui de leurs enfants et voient avec méfiance les rodomontades guerrières des représentants et dirigeants politiques préparant avec une étrange frénésie les conditions d'une véritable guerre - avec armes de destruction massive - contre la Russie. Des millions de citoyens ne comprennent pas que les mêmes dirigeants ferment les yeux et n'interviennent pas efficacement contre le gouvernement israélien et son armée qui pratiquent une extermination de masse à Gaza à l'encontre du peuple palestinien. Une politique des deux poids deux mesures qui risque de déboucher sur un troisième conflit mondial avec l'Iran comme centre.

« Le total des dépenses militaires mondiales a atteint 2.443 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de 6,8 % en termes réels par rapport à 2022. Il s'agit de la plus forte augmentation d'une année sur l'autre depuis 2009. », annonce l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), référence mondiale à ce sujet. (2)

Des sommes inimaginables sont ainsi consacrées à la destruction possible de pays entiers au lieu de servir au développement durable, à la lutte contre les inégalités et les injustices croissantes. Les consciences citoyennes sont altérées par des propagandes multiples, des fausses informations, des événements spectaculaires comme l'Eurovision, les Jeux olympiques et autres grands spectacles destinés à occulter l'enjeu fondamental du devenir de nos civilisations : la coopération plutôt que la compétition la sauvegarde de l'environnement et du vivant non-humain.

La montée irrésistible des partis d'extrême-droite et du nationalisme pourrait s'expliquer, en partie, par cette peur de l'avenir guerrier que l'on nous annonce imminent et inéluctable.

Quant aux progressistes, ils n'ont pas réussi à expliquer aux populations que la guerre n'est pas la condition de la paix mais bien la destruction d'un système de dialogues, de traités, de diplomatie, qui avait été érigé sur les ruines du désastre mondial de 1939-45.

Le maquillage vert de l'Europe

L'Europe a tenté de se teinter de vert, avec son « Pacte Vert » mais ne change rien à sa pensée profonde qui est néo-libérale, capitaliste et néo-colonialiste, expliquent les auteurs de l'analyse du CADTM. Et la perspective d'une guerre offre les conditions idéales pour renforcer ce type d'économie inspirée de la doctrine américaine de la suprématie mondiale:

« Tout est permis lorsque nous sommes en guerre. Un bon exemple en est la rapidité et la facilité avec lesquelles le maquillage vert de l'UE a été jeté par-dessus bord lorsque la Commission européenne a décrété que le gaz et l'énergie nucléaire devaient être considérés comme de l'énergie verte sous le prétexte de briser la dépendance énergétique de la Russie. »

Exit donc les Verts européens, trop écologistes et pacifistes (sauf les Allemands) et donc peu rassurants pour une population soumise à la société de consommation et réticente à un changement de mode de vie. Pour accentuer cette tendance, certains gouvernements et notamment la France, n'hésitent pas à qualifier d'« écoterrorisme » des actions de protestations citoyennes et pacifiques pour le climat, la protection de la nature, l'équilibre des écosystèmes, l'agriculture durable, etc.

Excellent prétexte pour renforcer toutes les forces de sécurité ; polices, gendarmeries, CRS et autres militaires. Contester, manifester devient de plus en plus périlleux.

« Business de la xénophobie »

Pour renforcer ce système sécuritaire, et puisque la guerre est contenue dans les limites de l'Ukraine, « la politique de sécurité des frontières extérieures de l'UE est devenue au fil des ans une mine d'or pour l'industrie européenne de la défense. Ce sont ces mêmes entreprises de défense et de sécurité qui tirent profit de la vente d'armes au Moyen-Orient et en Afrique, en alimentant les conflits qui sont à l'origine de la fuite de nombreuses personnes vers l'Europe en quête d'un refuge. Ce sont ces mêmes entreprises qui fournissent ensuite l'équipement des gardes-frontières, la technologie de surveillance des frontières et l'infrastructure technologique permettant de suivre les mouvements de population. Tout un « business de la xénophobie », selon les termes de la chercheuse française Claire Rodier », lit-on dans l'article du CADTM.

L'Europe entend financer son effort de guerre en Ukraine avec les bénéfices des avoirs russes bloqués sur les comptes de la banque Euroclear (dont le siège est à Saint-Josse ce qui mobilise donc beaucoup notre Premier ministre démissionnaire Alexander De Croo).

Les sommets de chefs d'Etats se succèdent sous la houlette du président US Biden afin d'inciter les pays occidentaux à poursuivre la politique de déstabilisation de la Russie par le biais de la guerre en Ukraine. L'Allemagne se réarme et restructure son armée alors que ses perspectives de redressement économique sont faibles.

Jamais nos dirigeants n'évoquent une sortie honorable de ce bourbier guerrier par des négociations de paix et de coexistence pacifique, qui sont pourtant l'essence même de ce que devrait être la diplomatie européenne.

Le droit à l'objection de conscience

Rares sont les médias qui font entendre cette voix pacifiste, pourtant réclamée par des millions de citoyens dans le monde au travers d'associations humanistes, religieuses, pacifistes, écologistes, tiersmondistes... A titre d'exemple, voci l'appel des associations d'objecteurs de conscience qui veulent obtenir la libération du pacifiste ukrainien Yurii Sheliazhenko :

« Les organisations soussignées demandent instamment à l'Union européenne (UE) de veiller à ce que la reconnaissance et la pleine application du droit à l'objection de conscience, en tant que garantie vitale des valeurs et principes démocratiques en cas d'urgence nationale causée par l'agression russe, soient considérées comme une condition nécessaire à l'adhésion de l'Ukraine à l'UE au cours des prochaines négociations. Le droit à l'objection de conscience est reconnu, entre autres, dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE (article 10 - Liberté de pensée, de conscience et de religion). » (3)

Cet appel est relayé par Pressenza, promoteur médiatique de la troisième Marche mondiale pour la paix et la non-violence qui sera lancée au Costa Rica le 2 octobre 2024. (4)

On ne sait pas encore ce qu'il se passera au Sommet pour la paix en Ukraine qui se tiendra en Suisse les 15 et 16 juin, réunissant plus de 90 Etats et organisations. « L'objectif principal sera de développer une compréhension commune de la voie possible vers une paix juste et durable en Ukraine, fondée sur la Charte des Nations unies et les principes fondamentaux du droit international. Cette entente pourrait permettre d'inspirer un futur processus de paix. », dit le communiqué officiel. Que peut-il en sortir en l'absence de la Russie, de la Chine ?

En attendant les bombes pleuvent sur l'Ukraine, d'autres menacent la sécurité de villes russes limitrophes. Et le monde contemple Gaza, devenue un vaste cimetière. Une impuissance voulue, organisée au profit de puissances hégémoniques, néocoloniales et guerrières.

Seule la paix permet de construire, de reconstruire non seulement des maisons, des routes, des infrastructures, des usines, mais aussi ce qu'on appelle une civilisation, un système de valeurs que l'on partage avec tous, sans l'imposer.

 Gabrielle Lefèvre |Journaliste |le 13 juin 2024

Source:  entreleslignes.be

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