22/06/2024 reseauinternational.net  6min #251000

 Le Niger retire le permis d'exploitation d'un grand gisement d'uranium au français Orano

Le Niger reprend les droits sur ses ressources naturelles

par Mikhail Gamandiy-Egorov

Les pays membres de l'Alliance des États du Sahel renforcent l'orientation stratégique qui concerne non pas seulement le cadre militaro-sécuritaire et géopolitique, mais également celui de la géoéconomie à l'heure de la nécessité d'un contrôle souverain des ressources nationales et d'un choix de partenaires basé sur les intérêts des pays à qui appartiennent les dites ressources stratégiques. La toute récente décision du Niger de reprendre le contrôle d'une grande mine d'uranium à un groupe hexagonal conforte ces orientations.

Les autorités du Niger ont retiré le permis d'exploitation d'une grande mine d'uranium, celle d'Imouraren, à la compagnie hexagonale Orano (ex-Areva). Comme le  note l'Agence nigérienne de presse (ANP), le ministre des Mines, le colonel Abarchi Ousmane, a notifié au Directeur général d'Imouraren SA, que le terrain couvert par le «Permis Imouraren» fait retour au domaine public et se trouve libéré de tout droit en résultant, en application des dispositions des articles 59 et 61 de l'ordonnance n°93-16 du 02 mars 1993 portant sur la loi minière.

Le ministre des Mines a appuyé cette décision du gouvernement nigérien par le fait que le plan d'exploitation proposé dans la lettre du Directeur général d'Imouraren du 26 avril 2024, «ne répondait pas à nos attentes». Par lettre citée en référence, «vous avez été mis en demeure pour la deuxième fois, de reprendre les travaux d'exploitation dans un délai de trois (3) mois, conformément aux dispositions de la loi minière et à l'étude de faisabilité transmise à l'Administration des Mines et validée par l'État du Niger». Cette mise en demeure expirait le 19 juin 2024.

Cette décision du Niger a créé un véritable choc supplémentaire parmi les instruments propagandistes hexagonaux, qui continuent d'ailleurs à nommer les autorités nigériennes comme celle des deux autres pays de l'Alliance des États du Sahel (AES), de «junte», n'arrivant surtout pas à digérer le positionnement pris par les trois nations de la région sahélienne. Le tout  après avoir mis à la porte les troupes des régimes de l'Hexagone et de Washington.

Pour revenir aux questions géoéconomiques, le retrait du permis d'exploitation de la mine d'Imouraren à l'hexagonal Orano, conforte également la thèse que les leaderships des trois pays membres de l'AES visent strictement l'indépendance y compris économique. D'autant plus que jusqu'à présent les partenariats économiques avec les intérêts occidentaux étaient tout sauf honnêtes et certainement pas à l'avantage des pays possesseurs des ressources naturelles stratégiques, y compris dans le cas de l'uranium dont le Niger fait partie des plus importants producteurs mondiaux.

Sinon comment expliquer que le Niger qui était longtemps  le principal fournisseur d'uranium à l'Hexagone et à l'UE, représentant quasiment un quart des livraisons à l'espace européiste, n'ait jamais pu réellement  profiter de sa qualité d'un des plus importants exportateurs d'une ressource réellement stratégique, ne serait-ce que sur la base du taux d'électrification du pays ?

La raison est pourtant simple. Il n'a jamais été dans l'intérêt ni de l'Hexagone, ni de l'Occident dans son ensemble, à proposer un partenariat véritablement gagnant-gagnant. Et du moment que le pays se trouvait sous contrôle occidental, les centrales nucléaires françaises comme autres pouvaient se fournir à très moindre coût en uranium, pendant que le Niger ne pouvait même pas profiter d'une électrification nationale à large échelle.

Certains pseudo-experts dans le petit espace occidental répondront que les prix de l'uranium avaient connu une baisse significative suite à l'accident nucléaire de Fukushima, au Japon. Et c'est précisément là qu'il faudrait certainement revenir à la question primordiale de la détermination des prix internationaux sur les ressources stratégiques. Des ressources en très large partie se trouvant dans les pays appartenant à la majorité mondiale non-occidentale, mais dont les prix continuent à être si souvent fixés dans le petit monde occidental, qui tout en ayant extrêmement besoin de nombre des dites ressources stratégiques, cherche à fixer unilatéralement la formation des prix et les règles de commercialisation.

C'est justement en ce sens que les BRICS et les pays du Sud global devront fort probablement ensemble créer le cadre nécessaire à la défense des intérêts de la majorité mondiale, à l'instar d'autres actions nécessaires sur le plan géoéconomique, déjà en cours ou à venir. Et pour revenir au Niger et à sa récente décision concernant la mine d'uranium d'Imouraren, il faudrait noter plusieurs points importants supplémentaires.

Coïncidence ou pas, la décision des autorités nigériennes arrive au moment où le régime hexagonal en coordination avec d'autres régimes occidentaux, en premier lieu washingtonien, mène une guerre informationnelle et psychologique à l'encontre des pays membres de l'AES. Au cours des derniers jours, c'était d'ailleurs le Burkina Faso qui était particulièrement visé. Dans tous les cas, le coup du Niger fait mal et les réactions dans le monde propagandiste hexagonal le confirment amplement.

Et de deux, comme déjà  noté précédemment dans l'analyse d'Observateur Continental, les intérêts économico-commerciaux représentant l'Occident portent bien souvent le même niveau de responsabilité que les régimes politiques auxquels ils sont affiliés. Et aujourd'hui, le plein retour des flammes les touchent et les touchera encore. Bien longtemps, les dits groupes économiques du petit monde occidental pensaient connaître, à l'instar des régimes politiques auxquels ils sont affiliés, le même degré d'impunité et du pratiquement tout permis. Mais chaque chose a une fin. Surtout à l'heure de l'ordre multipolaire international.

Quant au fait et comme l'affirment les propagandistes hexagonaux et autres occidentaux, à savoir que l'uranium pourra être livré en quantités plus importantes en France et dans l'espace européiste à partir du Kazakhstan, premier producteur mondial, en remplacement des pertes subies au Niger, évidemment. Sauf qu'il faudra y payer le prix net du marché, tout en tenant compte que la liste des clients est loin de se limiter à ceux en provenance du petit monde occidental, la Russie et la Chine étant des partenaires clés du Kazakhstan dans le secteur de l'uranium. En ce qui concerne le Niger, le pays possède légitimement le droit à pouvoir mettre en place les conditions de partenariat dans ce domaine avec les acteurs qui seront prêts à s'y adapter et travailler dans un cadre digne et honnête.

 Mikhail Gamandiy-Egorov

source :  Observateur Continental

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