25/07/2024 2 articles dedefensa.org  6min #253402

la Russie maîtresse du ciel

 Ouverture libre

• Une description de la campagne aérienne russe en Ukraine, essentiellement de sa défense aérienne, par Drago Bosnic. • L'Ukraine révèle un très grand changement dans la guerre aérienne : avec la prolifération de missiles, de drones, l'arrivée des hypersoniques, la guerre aérienne réduit considérablement le rôle des aéronefs. • C'est un gros problème pour les États-Unis qui ont basé toute leur puissance aérienne considérable sur la "Domination Aérienne" assurée par les aéronefs. • Cette doctrine a perdu l'essentiel de sa pertinence aujourd'hui.

Le  texte ci-dessous est paru sur un des sites indépendants les plus sérieux ('SouthFront.press') des questions liés au conflit ukrainien et à la puissance armée russe. Son auteur, Drago Bosnic, également un indépendant évidemment critique de l'OTAN et des USA, est un spécialiste incontesté de la puissance armée russe ; on ne peut en aucun cas le classer dans les différentes armées de propagandistes, d'un côté comme de l'autre. Il y a tout lieu de croire que son texte est le plus sérieux et le plus précis possible selon ce qu'on peut savoir à partir de sources référencées, envisagées selon un jugement indépendant. Le titre du texte porte sur un seul aspect du problème développé, qui est le sentiment du Pentagone sur les capacités de défense aériennes russes. Le titre est ci-après, avec le seul détail qui se réfère à un avis précis du Pentagone :

« Qu'est-ce que dit le Pentagone de la défense aérienne russe »

« Le Pentagone donne des évaluations très différentes [de celles des Ukrainiens]. En effet, l'armée américaine donne en privé des chiffres complètement opposés, soulignant que les défenses aériennes de l'armée russe ont un taux de réussite stupéfiant de 97 %. »

En effet, diverses déclarations plus ou moins relayées ou publiques, des fuites diverses, montrent que le Pentagone est très fortement impressionné par les capacités militaires russes (notamment pour notre compte, la défense aérienne). Par exemple, le général Casoli, SACEUR de l'OTAN et commandant des forces US en Europe, lors d'un séminaire à Aspen,  ce week-end, - et parlant de la puissance militaire russe :

« "À la fin du conflit en Ukraine, nous aurons un très gros problème avec la Russie", a estimé Le commandant des forces américaines en Europe (Eucom), le général Cavoli. Et ce, "quelle qu'en soit l'issue". ».

Il ne fait aucun doute que les capacités de défense aérienne russes et notamment cette souplesse qui peut la rendre offensive, en même temps que les capacités offensives de l'artillerie, constitue l'un des aspects fondamentaux de ce « très gros problème » dont nous avertit Cavoli. Bosnic passe en revue tous les aspects de la défense aérienne russe en action en Ukraine, avec un luxe de détails et de précisions à la fois techniques et opérationnels qui montrent combien la défense aérienne n'est pas (n'est plus) une simple défense plus ou moins statique mais un instrument extrêmement mobile, capable de remplir plusieurs missions et de tenir donc un rôle essentiel dans la guerre russe, y compris et d'une façon non négligeable, dans les opérations offensives. Cela est si évident qu'en fait de "défense aérienne", on devrait plutôt parler de la composante centrale, offensive et défensive, de la force aérienne russe par rapport à un théâtre d'opération tactique.

La conception américaniste

Les États-Unis (et leurs obéissants imitateurs européens) ont toujours eu une conception complètement différente. Pour eux, la défense aérienne est complètement secondaire dans la mesure où ils sont censés exercer, - et ils exercent, selon eux, sur le reste une considérable supériorité aérienne, laquelle interdit par définition l'activité ennemie, et par conséquent rend la défense aérienne très secondaire. Cette conception connut son zénith en 1990-1991, lorsque l'USAF réussit une formidable offensive aérienne contre l'Irak. L'on changea même, de façon très significative, le concept : de "supériorité aérienne", qui supposait une concurrence possible mais de toutes les façons écrasée, on passa à la "domination aérienne" ('Aur Dominance') qui introduit une sorte d'absolu. Une "domination" suppose une sorte d'hégémonie que nul ne peut songer à concurrencer, - un nouveau signe de l'exceptionnalité américaniste.

(Pour mieux comprendre cette évolution, voir notre 'Analyse' du  12 décembre 2008 qui, en, même temps qu'elle présentait l''Air Dominance', en signalait la crise potentielle à laquelle elle se trouvait confrontée.)

Ainsi, les américanistes, à la différence des Russes, ont toujours négligé la défense aérienne propre aux forces terrestres. Les Russes, au contraire, parce qu'ils sont étrangers à la présence d'un absolu dans un domaine de la guerre et parce qu'ils n'ont pas ce même sentiment d'exceptionnalité, ont toujours considéré comme nécessaire de développer une défense aérienne très puissante et fortement intégrée dans les forces terrestres, en plus de défendre les différents domaines et points stratégiques. Au départ, cette tendance situe évidemment l'importance centrale à laquelle ils mettent les forces terrestres, à la différences des théoriciens américanistes influencés par le rôle de la puissance aérienne dans la "projection de forces" à partir de la présence des étendues navales.

La leçon ukrainienne

L'Ukraine est, dans l'histoire moderne, le premier conflit majeur et équilibré, c'est-à-dire avec des forces employant des moyens de guerre équivalent au plus haut niveau et impliquant, directement et indirectement la Russie et les USA. En ce sens, c'est un cas exceptionnel et, qui plus est, intègre opérationnellement des moyens de guerre tout à fait inédit.

A notre sens, le domaine le plus important et le plus "révolutionné" est celui de la guerre aérienne où le rôle (surtout tactique de théâtre) des aéronefs a été largement réduit par l'emploi massif d'engins divers, - bien entendu, les missiles de toutes catégories, les missiles hypersoniques et les drones en quantité considérable. (Les Russes utilisent très peu leurs aéronefs en appui direct, mais beaucoup en plate-formes pour tirer de loin des armes guidées vers le sol, jusqy'aux monstrueuses FAB-3000.) Le résultat est que les notions de supériorité aérienne, et encore plus de "Air Dominance", n'ont plus guère de sens. Au contraire, la disposition d'une défense aérienne au sens le plus large, très souple et en bonne partie mobile jusqu'à parfois devenir offensive, est devenue complètement fondamentale, surtout quand elle est renforcée par des capacités de guerre électronique sans égales (les Russes). On voit bien qui est favorisé et qui ne l'est pas, et l'on comprend les craintes du général Cavoli. L'ultra-puissante USAF n'est absolument pas structurée et équipée pour cela, les Russes oui...

Le texte de Drago Basic décrit la guerre de la défense aérienne comme instrument de guerre universel, telle que la conçoivent les Russes et telle qu'ils l'ont appliquée et continuent à l'appliquer en Ukraine.

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25/07/2024 dedefensa.org  6min #253403

 la Russie maîtresse du ciel

Qu'est-ce qu'en dit réellement le Pentagone?

Drago Bosnic

L'ex-Union soviétique accordait une grande importance à la défense aérienne dans le cadre de sa doctrine militaire. Les hauts gradés de Moscou n'ont jamais compté mener une guerre avec une supériorité aérienne absolue, comme c'est le cas en Occident politique, en particulier aux États-Unis. Ainsi, l'URSS et plus tard la Russie ont conçu et produit les meilleurs systèmes de défense aérienne de l'histoire.