20/09/2024 dedefensa.org  7min #256973

 L'occidentologie: un concept clé pour la décolonisation de la Russie

L'occidentologie de Douguine

• Douguine propose un mot nouveau (néologisme ou non dans ce cas), l'occidentologie, - pour désigner et étudier l'ennemi à éradiquer sans la moindre retenue. • Ce faisant, il élargit fortement ses conceptions, car l'occidentalisme n'est pas l'ennemie de la seule Russie, ni même du Sud Global, mais également d'une grande majorité des peuples dits "occidentaux". • C'est le porteur de la modernité devenue une religion apparentée à la démonologie qu'il désigne, atteignant ainsi conceptuellelment à l'éclaircissement des enjeux de la bataille.

Douguine poursuit-il un rêve chimérique face aux innombrables concepts complotistes, dont la plupart fabriqués par les services occidentaux qui présentent ainsi la production corrompue et dégénérée du simulacre qu'ils ont créé ? Possible, comme sont possibles aujourd'hui d'innombrables pistes et certitudes d'innombrables interprétations qui ont la vertu convaincante, chacune, d'expliquer instantanément tous les événements étranges qui nous frappent avant de passer demain à une autre interprétation du même phénomène de subversion intérieure et monstrueuse qui nous entraîne depuis des millénaires, avec une fantastique accélération dans les dernières décennies et même les dernières années, dans un destin écrit d'avance et dont nous avons chaque jour une traduction différente mais des effets catastrophiques semblables.

Comme à notre habitude, nous laissons de côté ces certitudes occultes qui ne cessent de différer après avoir cru avoir raison, au moins le temps d'être diffusées ; et cela, en attendant la finale-dernière qui sera la jour de notre anéantissement. Certes, Douguine a choisi une autre voie. Dans cet univers hautement subjectif, nous préférons explorer cette voie, - et nous fesons référence à une volonté personnelle de fer de notre part pour ce choix qui tient compte essentiellement de la hauteur de la vision de Douguine. Notre naïveté selon certains, aura au moins servi à nous épargner la fièvre du voyant qui s'aperçoit qu'il voit tout avant les autres.

Douguine le mystique qui annonce la couleur et rejette la mortelle pseudo-rationalité occidentaliste connaît l'étrange destin de se retrouver parmi les plus "rationnels" (dans le bon sens du terme) au milieu de cet asile qui ressemble à 'The Animal Farm' d'Orwell où même les animaux avaient conçu la conspiration fatale. Enfin, passons, pour nous retrouver avec "l'occidentologie" de Douguine... Et l'on (Douguine) nous avertit aussitôt :

« "L'occidentologie est un nouveau concept qui devrait être adopté maintenant que le conflit entre la Russie et les pays de l'OTAN s'est intensifié en raison des opérations militaires en Ukraine, surtout si nous prenons en compte le fait que ce conflit, qui a commencé comme un conflit purement politique, s'est progressivement et irréversiblement transformé en un conflit entre les deux civilisations".

» Cependant, il serait erroné de réduire l'ensemble du débat sur l'occidentologie à une lutte pour la création d'une science souveraine. Dans ce cas, il vaudrait mieux l'appeler "russologie" ou "eurasiologie". Mais l'objet principal de ce champ d'étude est l'Occident. Pourquoi ? Parce qu'il est nécessaire de changer notre approche de la science occidentale en tant qu'avancée, en tant que "progrès". »

Idée absolument, décisivement essentielle déjà développée par le Grand Sachem et Grand Inspirateur (par l'action expliquée par l'Esprit), le président Poutine. Il s'agit d'une remarque, et plutôt comme on dit "en passant", dans son discours du 30 juillet 2022, sur l'incorporation des nouvelles républiques russes du Donbass. En effet et pour autant, nous ferons là aussi remarquer que Poutine est aussi avare de telles précisions que l'est Douguine, - car les deux sont Russes et bien Russes, et même s'ils s'en défendent ils ne parlent que de la Russie :

« La dictature des élites occidentales est dirigée contre toutes les sociétés, y compris les peuples des pays occidentaux eux-mêmes.

» Elles promeuvent avec défi la négation complète de l'homme, la subversion de la foi et des valeurs traditionnelles, ainsi que la suppression de la liberté, [au point qu'elles] ont acquis les caractéristiques d'une religion, d'un satanisme ouvert. »

La chose essentielle étant dite pour nous, - alors qu'elle est tout juste mentionnée par Douguine et Poutine, qui restent au fond d'eux-mêmes des nationalistes spiritualistes russes fervents, - on peut envisager le concept d'"occidentologie", nous Européens et nous Français, qui nous concerne autant, sinon plus, que les Russes eux-mêmes, parce que nous en sommes somme toute les premières victimes. C'est alors en venir à l''optimisme eschatologiste' de Daria Douguina au moment où elle fut assassinée, - c'est-à-dire cette volonté catastrophique d'un immense cataclysme qui susciterait et porterait, au-delà de nos terreurs bien compréhensibles, notre enthousiasme pour l'anéantissement sans pitié et sans faiblir, par l'acte eschatologique, des tares qui nous sont imposées et pèsent sur notre condition humaine.

Comme à l'habitude avec Douguine, les choses qui paraissent compliquées lorsqu'il s'agit des concepts de philosophes, restent des concepts de philosophes, et parmi les plus hauts, et s'avèrent être finalement, par leur évidence, sans aucune de ces complications propres aux philosophies occidentalistes modernistes qui habillent leur absence des simplicités essentielles des oripeaux des complications conceptuelles. L'occidentologie est donc « un concept clé pour la décolonisation de la Russie » (titre initial du texte), mais aussi sinon plus encore pour "notre" décolonisation commune à nous tous une fois bien mise en lumière la véritable signification du terme "décolonisation", - cette "mise en lumière" devant d'ailleurs conduire à l'abandon de l'usage du terme...

Car il est vrai que nous abusons de ce terme, - et les Russes ne sont à cet égard pas les derniers, - en nous ébattant béatement dans son sens moderniste alors que la bataille est d'échapper à la modernité pour mieux l'anéantir, et donc de détruire tout ce qui est moderne, y compris dans les actes vils et monstrueux. "Colonisation" et "décolonisation" ont un sens bien précis, fixé dans à peu près 125 ans d'histoire pour les opérations essentielles et conçues comme telles, et mettant en cause quelques politiques extérieures similaires des pays américanistes-occidentalistes. Or, on a tendance à les universaliser, à les idéologiser dans des sens bien plus larges que la portion de l'histoire qui les contient, et à les appliquer à tous les actes de l'histoire de la modernité, et même de la pré-modernité sinon de l'Antiquité. C'est commettre à notre sens une bévue considérable parce que ces termes sont considérablement restrictifs et n'embrassent pas l'ampleur du problème que pose la modernité, et sa branche opérationnelle américaniste-occidentaliste dans sa dimension maléfique et démonologique.

Ce que nous devons dénoncer et combattre, cet occidentalisation qui est l'objet de l'"occidentologie", a été justement définie par Poutine. Cela dépasse absolument, complètement, l'ensemble "colonisation"/"décolonisation" telles qu'elles se perçoivent selon notre connaissance et l'influence sur nous des idéologies, - lorsque Poutine dit dans la deuxième partie de la citation déjà faite, en parlant de l'œuvre des élites occidentalistes, du Mal qu'elles propagent, à la fois nihilisme et néantissement qui débouchent sur rien de moins qu'une religion du satanisme :

« Elles promeuvent avec défi la négation complète de l'homme, la subversion de la foi et des valeurs traditionnelles, ainsi que la suppression de la liberté, [au point qu'elles] ont acquis les caractéristiques d'une religion, d'un satanisme ouvert. »

Ce qui est décrit ici, c'est la production du  Mal absolu, et le Mal mérite alors une description générale bien précise à la lumière d'une perception qui doit l'être tout autant. Il est ainsi constitué, selon notre perception telle qu'elle est si parfaitement définie par Plotin, pour ne pas former l'essence et la totalité des créatures et moyens humains qui en sont porteurs, - dans le cas qui nous occupe, même les élites occidentales ne se suffisent pas à la seule représentation du Mal, elles ne sont pas que le Mal. Ainsi Plotin disait-il, parlant parfaitement et avec maîtrise à la satisfaction de ce que nous percevons :

« Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses. Mais les autres, ceux qui participeraient de lui et s'y assimileraient, deviennent mauvais, n'étant pas mauvais en soi. »

... Le texte de Douguine, dans 'geopolitika.ru',  traduit dans 'euro-synergies.hautefort.com'.

 dedefensa.org