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Chaque accusation est un aveu: Israël et le double mensonge des « boucliers humains »

Par  Craig Mokhiber

Un Palestinien blessé attaché à l'avant d'un véhicule militaire israélien et l'utilise comme bouclier humain, Jénine, 22 juin 2024. (Photo : Social Media)

De nombreux rapports sur les droits de l'homme montrent que les groupes armés palestiniens n'utilisent pas de boucliers humains, contrairement à Israël. Les fausses affirmations d'Israël sur les boucliers humains palestiniens ne sont que des tentatives de justifier son propre ciblage des civils.

 Craig Mokhiber, 21 septembre 2024

La prétendue pratique des « boucliers humains » est l'un des arguments les plus fréquemment déployées dans l'arsenal de la hasbara israélienne.

Parmi les armes les plus fréquemment déployées dans l'arsenal de la hasbara [propagande] israélienne figure la ruse dite des « boucliers humains ».

Depuis des décennies, Israël utilise systématiquement ce procédé de propagande pour justifier ses crimes de guerre, pour rejeter la responsabilité de ses crimes sur d'autres, pour contourner le principe de distinction en droit humanitaire, pour déshumaniser les victimes palestiniennes et pour fournir à ses mandataires occidentaux et à ses médias complices des munitions pour protéger l'impunité israélienne.

Mais une série d'enquêtes internationales révèle deux conclusions claires à propos de ces accusations : premièrement, les organisations armées palestiniennes n'ont pas une pratique courante de recours à des boucliers humains. Deuxièmement, Israël le fait

Le droit international

L'expression « boucliers humains » désigne une violation particulière du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Cette pratique est strictement interdite en toutes circonstances.

Comme le résume  le commentaire du CICR, qui fait autorité en la matière, il s'agit du « regroupement intentionnel d'objectifs militaires et de civils ou de personnes hors de combat dans l'intention spécifique de tenter d'empêcher que ces objectifs militaires soient pris pour cible ». (« Les personnes hors de combat » comprennent les combattants qui ont déposé les armes, les prisonniers, les malades et les blessés, etc.)

Le cas classique est celui d'un groupe de soldats qui force des civils de l'autre camp à marcher devant eux dans une zone de combat ou dans une structure non sécurisée, dans l'espoir que l'ennemi ne tirera pas sur les soldats de peur de toucher les civils.

Mais Israël, qui prétend systématiquement qu'il s'agit de «boucliers humains» chaque fois qu'il tue un grand nombre de civils et détruit des infrastructures civiles protégées, ne prête aucune attention à cette définition. Il étend simplement cette expression à tous les décès de civils. Sur commande et sans preuve, les politiciens occidentaux complices, leurs porte-parole officiels et les médias répètent alors consciencieusement le mantra du bouclier humain d'Israël, encore et encore.

Pour Israël, les réfugiés vaquant à leurs occupations quotidiennes dans les camps de réfugiés, les patients et les médecins dans les hôpitaux, les personnes priant dans les églises et les mosquées, et les travailleurs humanitaires distribuant de la nourriture sont tous des boucliers humains.

Peu importe qu'ils n'aient pas été contraints par le Hamas de le faire, qu'ils ne se soient pas portés volontaires pour protéger qui que ce soit ou quoi que ce soit. Et peu importe qu'il n'y ait souvent aucun objectif militaire légitime (ou proportionné) dans les situations où Israël affirme la présence de boucliers humains.

Si ces civils sont tués par des bombes ou des balles israéliennes, selon le discours israélien, c'est leur faute ou celle du Hamas, car ils vivent tous deux dans les mêmes endroits densément peuplés.

Mais la simple présence de forces armées ou d'ennemis dans des zones civiles peuplées ne constitue pas un recours à des boucliers humains. Israël devrait même examiner attentivement les implications de ses affirmations répétées selon lesquelles c'est le cas, étant donné qu'il maintient son quartier général militaire dans un quartier animé de la ville de Tel-Aviv.

La présence de combattants dans un lieu civil protégé ne lui retire pas non plus le statut de lieu protégé. On peut voir des soldats israéliens dans tous les hôpitaux israéliens. Cela fait-il de ces hôpitaux une cible militaire légitime ? Bien sûr que non. Refuser la même protection aux Palestiniens serait à la fois une grave violation du droit humanitaire et (que les journalistes occidentaux en prennent note) un acte flagrant de racisme.

Il va sans dire que ce n'est pas ainsi que fonctionne le concept de bouclier humain en droit international. En prétendant le contraire, Israël et ses mandataires occidentaux ignorent volontairement trois éléments gênants : la logique, les faits et le droit.

La pratique d'Israël consistant à cibler les civils

Premièrement, accepter ces affirmations nécessite que les mandataires complaisants d'Israël en Occident ignorent des décennies d'expérience et quantité de preuves recueillies montrant qu'Israël ne fait souvent aucune distinction entre civils et combattants dans ses activités militaires et, dans de nombreux autres cas, cible directement les civils et les infrastructures civiles.

Israël attaque régulièrement des hôpitaux, des écoles, des abris et des camps de réfugiés. Ses snipers et ses drones traquent et exécutent des civils. Et ses armes guidées par l'intelligence artificielle, étiquetées avec des noms cruels comme « Où est papa ? », sont conçues pour attendre que les cibles soient chez elles avec leurs familles avant de les bombarder. Israël abat même des civils, y compris des enfants et des femmes, agitant des drapeaux blancs. Ces pratiques criminelles sont bien connues et bien documentées dans les travaux d'enquêtes successives de l'ONU et d'organisations internationales, israéliennes et palestiniennes de défense des droits de l'homme.

Mais la logique même des boucliers humains repose sur l'idée de dissuasion selon laquelle les soldats hésiteront à tirer si des civils sont en danger. Or, une telle logique n'existe pas avec une force militaire comme celle d'Israël, qui ne fait pas de distinction entre civils et combattants et qui cible systématiquement les civils.

 En effet, la doctrine Dahiya d'Israël, sur la base de laquelle il procède depuis longtemps à la destruction massive intentionnelle de zones civiles pour terroriser les populations civiles, est la preuve qu'Israël ne peut être dissuadé par l'utilisation de boucliers humains palestiniens ou libanais. La vague actuelle de génocide perpétrée par Israël à Gaza ne laisse aucun doute sur sa volonté de tuer intentionnellement et sans hésitation des civils palestiniens. Et sa  directive Hannibal, en vertu de laquelle Israël tue ses propres citoyens (soldats et civils) pour les empêcher de faire obstacle à ses objectifs militaires, signifie qu'il ne peut même pas être dissuadé par l'utilisation de boucliers humains avec ses propres citoyens.

Etant donné que les forces de résistance qui défient Israël sont parfaitement conscientes de cela, pourquoi essaieraient-elles d'utiliser une tactique qu'elles savent vaine ? La réponse est qu'elles ne le font pas. Ainsi, l'accusation de boucliers humains échoue au test de la logique.

Mais elle ne résiste pas non plus au test du droit

Premièrement, les situations dans lesquelles Israël prétend se trouver devant des boucliers humains ne sont pas des cas de boucliers humains au sens de la définition en droit international décrite ci-dessus. En d'autres termes, et comme le montre clairement cette définition, la simple présence de combattants à proximité ne transforme pas comme par magie des civils en boucliers humains.

En conséquence, l'accusation portée par Israël concernant les boucliers humains n'a aucun fondement juridique général.

Deuxièmement, Israël invoque l'utilisation de boucliers humains pour tenter d'exclure la responsabilité de ses forces et de les absoudre de toute responsabilité juridique. Mais ce qu'il oublie, c'est que même si des boucliers humains étaient utilisés, cela ne réduirait pas pour autant les obligations juridiques des assaillants.

En fait, les allégations d'utilisation de boucliers humains ne justifient pas une attaque contre des civils qui ne tiendrait pas compte des contraintes imposées par le droit international humanitaire et la législation des droits de l'homme, et l'agresseur reste responsable, même si l'utilisateur de boucliers humains est également responsable.

L'assaillant doit néanmoins respecter les principes de précaution, de distinction et de proportionnalité pour éviter de nuire aux civils. En d'autres termes, affirmer la présence de boucliers humains n'est pas une « carte de sortie de prison gratuite » selon le droit international.

Par conséquent, en droit, même lorsque des boucliers humains sont présents, la tentative de déporter la responsabilité et d'absoudre celui qui tire de toute responsabilité est irrecevable.

Les Palestiniens n'utilisent pas de «boucliers humains», mais Israël le fait.

Et puis il y a le problème épineux des faits.

Israël n'a produit aucune preuve crédible de l'utilisation de boucliers humains par les organisations palestiniennes de résistance dans les attaques israéliennes actuelles contre Gaza. Il s'appuie plutôt sur la répétition acritique et routinière de cette accusation par ses sponsors et mandataires occidentaux et par les médias pro-israéliens.

Cela ne signifie pas qu'aucun combattant palestinien n'a jamais utilisé de boucliers humains dans l'histoire. Mais l'accusation selon laquelle ils le font régulièrement ou systématiquement est une accusation sans preuve, et elle est régulièrement brandie non pas pour demander des comptes aux contrevenants, mais plutôt pour justifier la perpétration de crimes de guerre israéliens.

Parallèlement, nous avons tous vu des  vidéos de soldats israéliens utilisant des Palestiniens comme boucliers humains à Gaza (et en Cisjordanie). Nous avons vu de nos propres yeux des images de Palestiniens (souvent des enfants) attachés au capot de jeeps militaires israéliennes, forcés de marcher devant une colonne de soldats de l'occupation israélienne ou de conduire les soldats dans des bâtiments ou d'autres structures. Cette pratique est aussi ancienne que l'État d'Israël lui-même.

Dans toutes les attaques israéliennes successives contre des communautés palestiniennes, le schéma a toujours été le même : Israël accuse les Palestiniens d'utiliser des boucliers humains, les organisations internationales et les groupes de défense des droits de l'homme enquêtent, et les enquêtes révèlent que la partie qui utilise systématiquement les boucliers humains n'est pas la Palestine, mais plutôt Israël.

En effet, l'organisation israélienne de défense des droits de l'homme B'Tselem a documenté l'utilisation répétée de boucliers humains par Israël  au moins depuis 1967. Les enquêtes menées par  Amnesty International et  Human Rights Watch sur les attaques israéliennes « Opération Plomb Durci » à Gaza ont révélé qu'Israël avait utilisé des boucliers humains (y compris des enfants), mais n'ont trouvé aucune preuve que des groupes palestiniens l'aient fait.

De même, les commissions d'enquête successives de l'ONU qui ont enquêté sur les attaques massives israéliennes contre Gaza en 2008-2009 et en 2014 ont examiné les allégations d'Israël et n'ont trouvé aucune preuve d'utilisation de boucliers humains par les Palestiniens. Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU a constaté « l'utilisation continue (par Israël) d'enfants palestiniens comme boucliers humains » de 2010 à 2013. Le rapporteur spécial de l'ONU sur le terrorisme a fait part des mêmes conclusions.

 L'enquête d'Amnesty International sur les attaques israéliennes du programme Plomb durci fait une constatation typique :

« Dans plusieurs cas, les soldats israéliens ont également utilisé des civils, dont des enfants, comme « boucliers humains »... Cependant, contrairement aux allégations répétées des responsables israéliens concernant l'utilisation de « boucliers humains », "Amnesty International n'a trouvé aucune preuve que le Hamas ou d'autres combattants palestiniens [aient fait cela] ».

Et dans le  rapport sur les « meurtres sous drapeau blanc » de civils palestiniens, Human Rights Watch a confirmé qu'« Israël affirme que le Hamas a combattu à partir de zones peuplées et utilisé des civils comme « boucliers humains » - c'est-à-dire qu'il a délibérément utilisé des civils pour dissuader les attaques contre les forces palestiniennes... Human Rights Watch n'a trouvé aucune preuve que les victimes civiles (dans son enquête) aient été utilisées par les combattants palestiniens comme boucliers humains.

Mais la pratique israélienne de recourir à des boucliers fait depuis longtemps l'objet d'un débat public. Des soldats israéliens, s'adressant à l'organisation israélienne Breaking the Silence, ont eux-mêmes avoué cette pratique généralisée. Elle a été rapportée dans les médias israéliens, le plus récemment dans un article publié dans Haaretz le mois dernier. L'armée israélienne a même  défendu publiquement son « droit » à utiliser des boucliers humains dans plusieurs  affaires judiciaires israéliennes. Bien entendu, les cas où elle a perdu son procès n'ont eu que peu d'impact sur l'armée, qui continue cette pratique jusqu'à aujourd'hui.

Les procédés de désinformation israéliennes ont donc constitué un pilier important de sa stratégie de destruction de Gaza depuis le début de la vague de génocide actuelle à Gaza il y a près d'un an. Les fausses accusations de boucliers humains ont joué un rôle clef dans ces tactiques

Mais cette supercherie s'effondre après un examen même des plus superficiels. Si les hommes politiques et les journalistes occidentaux faisaient preuve d'un minimum de réflexion avant de répéter les affirmations israéliennes, s'ils les soumettaient aux tests du droit, des faits et de la logique, la vérité serait rapidement révélée. La partie au conflit qui utilise régulièrement des boucliers humains est Israël, pas la Palestine.

Un refrain habituel dans le discours public sur la Palestine est que « chaque accusation israélienne est un aveu ». Le double mensonge des boucliers humains en est un parfait exemple.

 Craig Mokhiber

Source :  Mondoweiss, 21 septembre 2024

 Craig Mokhiber, 21 septembre 2024

La prétendue pratique des « boucliers humains » est l'un des arguments les plus fréquemment déployées dans l'arsenal de la hasbara israélienne.

Parmi les armes les plus fréquemment déployées dans l'arsenal de la hasbara [propagande] israélienne figure la ruse dite des « boucliers humains ».

Depuis des décennies, Israël utilise systématiquement ce procédé de propagande pour justifier ses crimes de guerre, pour rejeter la responsabilité de ses crimes sur d'autres, pour contourner le principe de distinction en droit humanitaire, pour déshumaniser les victimes palestiniennes et pour fournir à ses mandataires occidentaux et à ses médias complices des munitions pour protéger l'impunité israélienne.

Mais une série d'enquêtes internationales révèle deux conclusions claires à propos de ces accusations : premièrement, les organisations armées palestiniennes n'ont pas une pratique courante de recours à des boucliers humains. Deuxièmement, Israël le fait

Le droit international

L'expression « boucliers humains » désigne une violation particulière du droit international humanitaire et des droits de l'homme. Cette pratique est strictement interdite en toutes circonstances.

Comme le résume  le commentaire du CICR, qui fait autorité en la matière, il s'agit du « regroupement intentionnel d'objectifs militaires et de civils ou de personnes hors de combat dans l'intention spécifique de tenter d'empêcher que ces objectifs militaires soient pris pour cible ». (« Les personnes hors de combat » comprennent les combattants qui ont déposé les armes, les prisonniers, les malades et les blessés, etc.)

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