07/03/2009 info-palestine.net  7min #25825

 SOUDAN • Une justice internationale à géométrie variable

Un mandat d'arrêt qui divise la communauté internationale -justice blanche

La CPI va-t-elle poursuivre George W. Bush - dont le pays comme le Soudan ne reconnaît pas la CPI - pour avoir mené, sans mandat de l'ONU, une guerre contre l'Irak qui a causé des centaines de milliers de morts ? La CPI va-t-elle juger les criminels de guerre israéliens qui ont dévasté récemment Ghaza ?...

samedi 7 mars 2009 - 10h:19
Kharroubi Habib - K. Selim/Le Quotidien d’Oran

Un mandat d'arrêt qui divise la communauté internationale

par Kharroubi Habib

Le mandat d'arrêt international lancé mercredi contre le président soudanais Omar El Bachir par le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Luis Moreno Campo, a pour effet d'avoir divisé la communauté internationale sur son appréciation.

Aux réactions de satisfaction et d'approbation exprimées par les Etats-Unis, l'Union européenne, Israël et quelques autres Etats, s'opposent celles manifestées par les Etats arabes, les pays musulmans, l'Union africaine, la Russie, la Chine et d'autres dénonçant ou regrettant cette décision de la CPI.

Cette division internationale sur l'initiative de la CPI était prévisible tant les causes de la tragédie du Darfour et l'identification des responsables qui en sont à l'origine sont sujettes à des interprétations et à des désignations contradictoires.

Le premier camp a fait de la cause du Darfour son cheval de bataille en ciblant le président soudanais Omar El Bachir et d'autres responsables de son régime en tant que coupables d'une politique à l'égard de cette région du Soudan qui a conduit à des crimes contre l'humanité et de guerre (voire au génocide) dont ils sont comptables au premier chef pour avoir donné les ordres les ayant rendus possibles ou avoir directement participé à leur exécution. Normal donc qu'il applaudisse l'initiative de la CPI basée sur des conclusions reprenant les mêmes accusations qu'il développe contre le président soudanais.

L'autre camp, celui des opposants au mandat d'arrêt contre le président soudanais, dénonce la décision de la CPI aux motifs qu'elle crée un précédent, celui de déférer un chef d'Etat en exercice devant un tribunal international avec tous les risques de déstabilisation que cela peut provoquer dans son pays, voire régionalement. Qu'elle procède d'une justice à double vitesse devant laquelle ne sont justiciables que les dirigeants des pays faibles. Qu'enfin la tragédie du Darfour n'est pas imputable aux seuls président soudanais et son gouvernement, mais aussi à d'autres parties soudanaises, mais aussi étrangères intéressées à distraire cette région de l'autorité centrale de Khartoum.

Cela étant, il ne fait aucun doute que le président Omar El Bachir et son régime ont une grave responsabilité dans la tragédie qui a cours au Darfour, qui justifie que la communauté internationale lui en demande de rendre compte.

Pour autant, la « justice internationale » se serait grandie si elle avait décidé d'aller au fond des choses dans le dossier du Darfour en identifiant tous les protagonistes de la tragédie et en usant à leur égard de son droit à les déférer devant elle au même titre que le chef d'Etat soudanais.

Il y a aussi, et c'est encore plus troublant, que le mandat d'arrêt international contre El Bachir est lancé alors que des négociations de paix ont été pratiquement conclues entre le gouvernement soudanais et la principale faction armée qui le combat au Darfour. N'est-ce pas qu'il existerait alors des milieux étrangers opposés à cette sorte de solution au Darfour, qui, pour la rendre impossible, ont fait pression pour que la CPI lance à ce moment-là son mandat d'arrêt international ?

Pour être crédible et acceptée, « la justice internationale » ne doit pas avoir de relents pétroliers et surtout ne pas apparaître être aux ordres de grandes puissances.

 Analyse

Justice blanche

par K. Selim

Les Occidentaux savent bien faire les mises en scène planétaires qui leur octroient le beau rôle en réservant les plus mauvais aux autres, Africains, Arabes, et éventuellement à leurs « alliés » chinois et russe. Eux ne veulent pas « interférer » dans le cours de la justice internationale qui veut juger le chef de l'Etat soudanais en exercice, coupable présumé de crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Les Arabes et les Africains qui s'en inquiètent sont automatiquement classés dans la case des défenseurs de tyrans et on se moque même de leur souci, pragmatique, de faire aboutir un processus de paix difficile au Soudan au « détriment » de la justice.

Sur l'aspect pratique de la mise en application du mandat d'amener, l'ancien président du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, Antonio Cassese, a fait remarquer qu'il ne pouvait être exécuté que si les forces de l'ordre soudanaises « arrêtent Al-Bachir et le remettent à La Haye ». Une probabilité quasi nulle. Son seul effet, et c'est bien ce qui inquiète les Africains, est de porter un rude coup aux efforts actuels entrepris pour ramener la paix au Darfour.

La première réaction d'un des leaders de la rébellion au Darfour, après l'émission du mandat d'amener, a été de décréter Omar Al-Bachir illégitime et de se proposer de le faire tomber pour le remettre à la justice internationale. La première réplique du Soudan a été de renvoyer des organisations humanitaires suspectées de contribuer à la confection du dossier à charge contre le président. Antonio Cassese estime que la justice internationale ne doit pas faire « obstacle aux solutions politiques des crises internationales complexes dans le cadre desquelles de très graves crimes sont commis. Dans tous les cas, la justice spectacle doit être évitée à tout prix ».

Or, on est bien en plein dans la justice spectacle, celle où les rôles sont répartis pour la bonne conscience occidentale, soutenue par une armée d'ONG qui ne sont pas toutes politiquement désintéressées.

Le président sénégalais a ouvertement déclaré que beaucoup d'Africains « ont l'impression que la Cour pénale internationale (CPI) est un tribunal destiné à poursuivre seulement les Africains ». C'est, au-delà des aspects pratiques liés à l'exécution du mandat d'amener et de ses conséquences sur les efforts pour ramener la paix, la question morale et politique de fond. Sommes-nous réellement devant une justice internationale qui s'exerce de manière abstraite et égale contre tous les tyrans présumés ? La CPI va-t-elle poursuivre George W. Bush - dont le pays comme le Soudan ne reconnaît pas la CPI - pour avoir mené, sans mandat de l'ONU, une guerre contre l'Irak qui a causé des centaines de milliers de morts ? La CPI va-t-elle juger les criminels de guerre israéliens qui ont dévasté récemment Ghaza ?

On le sait, même s'il n'est pas difficile de constituer le dossier judiciaire, de telles poursuites sont « impensables » car il n'est pas question de justice mais de rapports de force. Cette « justice internationale », fondée sur un double standard distinguant entre les « criminels honorables » assurés d'une impunité éternelle et les « mauvais criminels », suscite et suscitera encore la suspicion légitime de n'être, jusqu'à preuve du contraire, qu'une justice de Blancs.

 Editorial

De Kharroubi Habib :
-  Un tribunal hors normes
-  L'extrême droite raciste en arbitre en Israël
-  Une surenchère inspirée
-  Pas d'autre solution qu'un Etat palestinien
-  Merci monsieur Erdogan

De K. Selim :
-  On chauffe les tambours !
-  Sortir d'une stratégie absurde
-  Le vice-président américain évoque à Munich la nouvelle diplomatie américaine : le style change, le fond demeure
-  Erdogan, le magnifique
-  Un Belge sous la lune

 info-palestine.net