19/10/2024 reseauinternational.net  4min #258915

Le chancelier Thomas More commente les affaires du Moyen-Orient

par Mendelssohn Moses

Homme d'État et de loi, philosophe, le chancelier Thomas More (1478-1535) jouit d'une célébrité telle qu'on s'abstiendra de présenter ici la relation de ses faits, écrits et de son procès inique. Observons toutefois qu'en dépit du péril manifeste que cela pouvait entraîner, Shakespeare, alors âgé d'environ 26 ans, accepta de collaborer à une pièce anonyme qui chantait ses louanges 1. En effet, plusieurs pages du manuscrit ont été identifiées comme écrites par Shakespeare lui-même.

Canonisé en 1935 - aspect peu susceptible peut-être de lui gagner les Français ! - le chancelier est vu comme l'incarnation des principes qui sous-tendent le système dit «Equity» 2, correspondant grosso modo aux doctrines traitant de droit naturel en droit continental.

Ci-dessous, le lecteur trouvera un court passage tiré de l'Utopie dont Mendelssohn n'a modifié que le nom des pays.

Très légèrement adaptée, cette traduction de l'Utopie depuis l'original en latin, est la première en français qui se veut scientifique 3 ; elle est l'œuvre de Victor Stouvenel (1842).

*

«Supposons, par exemple, que je sois ministre du roi de l'État Jabotinski. Me voilà siégeant dans le Conseil, alors qu'au fond de son palais, le monarque préside en personne les délibérations des plus sages politiques du royaume. Ces nobles et fortes têtes sont en grand travail pour trouver par quelles machinations et par quelles intrigues le roi leur maître conservera la Cisjordanie et Gaza, ramènera le royaume de Jordanie qui le fuit toujours, comment ensuite il détruira le Liban et soumettra toute la Syrie ; comment enfin il réunira à sa couronne l'Irak, l'Iran tout entier, peut-être même l'Égypte et les autres nations que son ambition a déjà envahies et conquises depuis longtemps.

L'un propose de conclure avec les Turcs un traité qui durera autant qu'il n'y aura pas intérêt à le rompre. «Pour mieux dissiper leurs défiances, ajoute-t-il, donnons-leur communication des premiers mots de l'énigme ; laissons même chez eux une partie du butin, nous la reprendrons facilement après l'exécution complète du projet».

«L'autre conseille d'engager des Ukrainiens ; un troisième d'amadouer les Émirats avec de l'argent...

«Puis vient la question difficile et insoluble, la question des USA et de l'Angleterre, véritable nœud gordien politique. Afin de parer à toutes les éventualités, on arrête les dispositions suivantes :

«Négocier avec ces puissances les conditions de paix, et resserrer plus étroitement les liens d'une union toujours chancelante ; leur donner publiquement le nom de meilleurs amis de l'État Jabotinski, et, au fond, s'en méfier comme de son plus dangereux ennemi.

«Tenir les Égyptiens toujours en haleine, ainsi que des sentinelles d'avant-poste attentives à tout événement, et, au premier symptôme de mouvement aux USA ou en Angleterre, lancer ces dernières à l'instant comme une armée d'avant-garde.

«Entretenir secrètement (à cause des traités qui s'opposent à une protection ouverte) quelque grand personnage en exil, l'encourager à faire valoir des droits sur la couronne des USA et d'Angleterre, et, par-là, mettre en échec le prince régnant dont on redoute les desseins.

«Alors, si, au milieu de cette royale assemblée où s'agitent tant de vastes intérêts, en présence de ces profonds politiques concluant tous à la guerre, si moi, homme de rien, je me levais pour renverser leurs combinaisons et leurs calculs, si je disais :

«Laissons en repos le Liban ; l'État Jabotinski est déjà trop grand pour être bien administré par un seul homme, le roi ne doit pas songer à l'agrandir. Écoutez, messeigneurs, ce qui arriva chez les Achoriens, dans une circonstance pareille, et le décret qu'ils rendirent à cette occasion :

«Cette nation, située vis-à-vis de l'île d'Utopie, sur les bords de l'Euronston, fit autrefois la guerre, parce que son roi prétendait à la succession d'un royaume voisin, en vertu d'une ancienne alliance. Le royaume voisin fut subjugué, mais on ne tarda pas à reconnaître que la conservation de la conquête était plus difficile et plus onéreuse que la conquête elle-même.

«À tout moment, il fallait comprimer une révolte à l'intérieur, ou envoyer des troupes dans le pays conquis ; à tout moment, il fallait se battre pour ou contre les nouveaux sujets. Cependant l'armée était debout, les citoyens écrasés d'impôts ; l'argent s'en allait au-dehors ; le sang coulait à flots, pour flatter la vanité d'un seul homme. Les courts instants de paix n'étaient pas moins désastreux que la guerre. La licence des camps avait jeté la corruption dans les cœurs ; le soldat rentrait dans ses foyers avec l'amour du pillage et l'audace de l'assassinat, fruit du meurtre sur les champs de bataille.

... Je reviens à ma supposition. Si j'allais plus loin encore ; si, m'adressant au monarque lui-même, je lui faisais voir que cette passion de guerroyer qui bouleverse les nations à cause de lui, après avoir épuisé ses finances, ruiné son peuple, pourrait avoir pour l'État Jabotinski les conséquences les plus fatales ?

 Mendelssohn Moses

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