22/10/2024 mondialisation.ca  12min #259058

 Israël est prêt à lâcher des bombes nucléaires sur les installations nucléaires pacifiques de l'Iran, selon Scott Ritter,

La bombe iranienne existe bel et bien - elle est là

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Par  Scott Ritter

Le début du conflit entre l'Iran et Israël semble avoir modifié la stratégie d'un Iran opposé au projet d'armement nucléaire, alors qu'Israël s'apprête à frapper après la riposte de Téhéran par deux attaques majeures de drones et de missiles balistiques et de croisière.

L'Iran a fait au moins trois déclarations officielles depuis le mois d'avril qui ont ouvert la porte à une éventuelle levée des édits religieux interdisant à l'Iran de se doter d'armes nucléaires.

Les conditions qui, selon l'Iran, doivent être réunies pour justifier ce revirement semblent l'être aujourd'hui.

Il ne s'agit pas de simples menaces, mais de déclarations de Téhéran indiquant que l'Iran a déjà pris la décision de se doter de l'arme nucléaire, que les moyens de le faire sont déjà en place et que cette décision peut être mise en œuvre en l'espace de quelques jours, une fois que l'ordre politique ultime aura été donné.

La  fatwa religieuse  contre la fabrication d'armes nucléaires a été émise en octobre 2003 par le guide suprême de l'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei. Elle  se lit comme suit:

"Nous pensons que la multiplication des armes nucléaires et d'autres types d'armes de destruction massive, telles que les armes chimiques et biologiques, constitue une grave menace pour l'humanité… [nous] considérons que l'utilisation de ces armes est haram (interdite), et qu'il est du devoir de chacun de protéger l'humanité de ce grand désastre."

Toutefois, la foi chiite considère que les fatwas ne sont pas intrinsèquement éternelles et que les juristes islamiques peuvent réinterpréter les écritures en fonction des besoins du moment.

Peu après le lancement par l'Iran de l' opération True Promise contre Israël en avril, Ahmad Haghtalab, un commandant du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) chargé de la sécurité des sites nucléaires iraniens,  a déclaré: « Si [Israël] veut exploiter le potentiel des sites nucléaires iraniens, il doit le faire :

» Si [Israël] veut exploiter la menace d'une attaque contre les centres nucléaires de notre pays pour faire pression sur l'Iran, il serait envisageable de réviser la doctrine et les politiques nucléaires de la République islamique d'Iran afin de s'écarter des principes préalablement énoncés ».

En mai, Kamal Kharrazi, un ancien ministre des Affaires étrangères qui conseille le Guide suprême, a  déclaré: » Nous [l'Iran] n'avons pas pris la décision de fabriquer une bombe nucléaire, mais si l'existence de l'Iran est menacée, nous n'aurons pas d'autre choix que de revoir notre doctrine militaire. »

Et au début du mois, les législateurs iraniens  ont appelé à une révision de la doctrine de défense de l'Iran afin d'envisager de se doter d'armes nucléaires, alors que le risque d'escalade avec Israël ne cesse de croître. Les législateurs ont noté que le Guide suprême peut reconsidérer la fatwa contre les armes nucléaires au motif que le contexte a évolué.

Ces déclarations, considérées dans leur ensemble, constituent une forme de politique officielle qui, compte tenu des sources concernées, implique que la décision politique de fabriquer une bombe nucléaire a déjà été prise une fois que le critère de sécurité nationale a été rempli.

Capacités de l'Iran

L'ayatollah iranien Ali Khamenei peut annuler la fatwa. ( khamenei.irKhamenei.ir, Wikimedia Commons, CC BY 4.0)

L'Iran dispose depuis un certain temps déjà de la capacité à fabriquer des engins explosifs nucléaires et d'en faire des armes. En utilisant de l'uranium hautement enrichi, l'Iran peut élaborer en quelques jours une arme simple de type canon susceptible d'être incorporée à l'ogive d'un missile balistique.

En juin,  l'Iran a informé l'AIEA qu'il installait quelque 1 400 centrifugeuses avancées dans ses installations de Fordow. D'après les calculs effectués à partir du stock d'hexafluorure d'uranium enrichi à 60 % (matière première utilisée pour l'enrichissement par centrifugation), l'Iran peut produire suffisamment d'uranium hautement enrichi (c'est-à-dire supérieur à 90 %) pour fabriquer 3 à 5 armes à l'uranium bêta en quelques jours.

La volonté politique suffit pour y parvenir. Il semble que l'Iran ait franchi ce pas, signifiant que tout le raisonnement qui sous-tend une attaque israélienne et/ou américaine contre l'Iran a été modifié à jamais.

L'Iran ne s'est pas caché de cette nouvelle réalité. En février, l'ancien chef de l'Organisation de l'énergie atomique, Ali-Akbar Salehi,  a déclaré que l'Iran a franchi "tous les stades scientifiques et technologiques nucléaires" pour construire une bombe nucléaire, notant que l'Iran a rassemblé tous les composants nécessaires à une arme nucléaire, à l'exception de l'uranium hautement enrichi.

Deux semaines plus tard, Javad Karimi Ghodousi, membre de la Commission de sécurité nationale du Parlement iranien,  a déclaré que si le guide suprême

"en accorde l'autorisation, nous serons à une semaine de pouvoir tester la première [bombe nucléaire]", ajoutant plus tard que l'Iran "n'a besoin que d'une demi-journée ou d'une semaine au maximum pour élaborer une ogive nucléaire".

Une simple arme nucléaire de type canon n'a pas besoin d'être testée – la bombe "Little Boy" largué sur Hiroshima par les États-Unis le 6 août 1945 était un engin de type canon qui a été jugé à ce point fiable qu'il a pu être utilisé de manière effective sans aucun test préalable.

L'Iran aurait besoin de 75 à 120 livres d'uranium hautement enrichi par dispositif de type canon (plus la conception est sophistiquée, moins il faut de matière). Quoi qu'il en soit,  la charge utile du missile hypersonique  Fatah-1 à carburant solide, utilisé lors de l'attaque du 1er octobre contre Israël, est d'environ 450 kg, soit une capacité plus que suffisante pour transporter une arme de type canon à uranium.

Étant donné que le bouclier antimissile balistique couvrant Israël n'a pas été en mesure d'intercepter le missile Fatah-1, si l'Iran devait construire, déployer et utiliser un missile Fatah-1 à charge nucléaire contre Israël, il est pratiquement certain à 100 % qu'il atteindrait sa cible.

L'Iran aurait besoin de 3 à 5 armes nucléaires de ce type pour détruire complètement la capacité d'Israël à fonctionner comme une nation industrielle moderne.

Conséquences de la sortie de l'accord sur le nucléaire iranien

Une équipe américaine se rend à la réunion du JCPOA à l'ONU, New York, 2016. (© Département d'État)

Cette situation est survenue après que le président Donald Trump a retiré en 2017 les États-Unis du Plan global d'action conjoint – le JCPOA, mieux connu sous le nom d'accord sur le nucléaire iranien. Le facteur moteur de la négociation du JCPOA, conduite sous la présidence de Barack Obama, était d'empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Ainsi que l  ‘a déclaré M. Obama,

"Pour faire simple, cet accord prévoit une interdiction permanente pour l'Iran d'avoir un jour un programme d'armes nucléaires et un régime d'inspection permanent allant au-delà de tout autre précédent schéma d'inspection en Iran. Cet accord donne à l'AIEA les moyens de s'assurer que l'Iran ne poursuit pas ce programme, à la fois par le biais de mesures de vérification spécifiques au JCPOA, dont certaines peuvent durer jusqu'à 25 ans, et par le biais du protocole additionnel, d'une durée de vie indéfinie. En outre, l'Iran a pris des engagements dans le cadre de cet accord, notamment l'interdiction des principales activités de recherche et de développement dont il aurait besoin pour concevoir et fabriquer une arme nucléaire. Ces engagements n'ont pas de date limite".

Au début de son administration, en juin 2021, alors que Trump avait déjà sorti les États-Unis de l'accord, le président Joe Biden  a déclaré que l'Iran "n'obtiendra jamais d'arme nucléaire sous ma surveillance".

Le directeur du renseignement national américain a déclaré dans  un communiqué publié le 11 octobre :

"Nous estimons que le Guide suprême n'a pas pris la décision de reprendre le programme d'armement nucléaire que l'Iran a suspendu en 2003."

Au lendemain de la décision précipitée de Trump de se retirer du JCPOA, l'Iran a pris des mesures indiquant qu'il ne se sentait plus contraint par quelque limite que ce soit par le JCPOA.

L'Iran a développé son programme nucléaire en installant des séries de centrifugeuses de pointe utilisées pour enrichir l'uranium, et a réduit la surveillance de son programme nucléaire par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). En bref, l'Iran s'est mis en position de produire une arme nucléaire à brève échéance.

Alors que l'ODNI [directeur du renseignement national américain] estime actuellement que le Guide suprême n'a pas pris la décision politique de le faire, une évaluation publiée en juillet contient une omission révélatrice vis-à-vis des évaluations antérieures des capacités nucléaires de l'Iran.

L' évaluation de l'ODNI de février 2024 indiquait que

"l'Iran n'entreprend actuellement pas d'activités clés de développement d'armes nucléaires nécessaires à la production d'un dispositif nucléaire vérifiable".

Cependant, cette déclaration a disparu de l'évaluation de juillet 2024, montrant clairement que la communauté du renseignement américaine, en grande partie à cause de la réduction des activités d'inspection de l'AIEA, manque d'informations sur les aspects techniques essentiels des industries nucléaires iraniennes.

Après avoir pris connaissance de la version classifiée du rapport de l'ODNI de juillet 2024 sur l'Iran, la sénatrice Lindsey Graham  s'est dite "très inquiète"à l'idée que "l'Iran se dote d'une arme nucléaire dans les semaines ou les mois à venir".

Ce qui attend les États-Unis et Israël

Telle est la situation à laquelle Israël et les États-Unis sont confrontés au moment où ils décident d'une riposte israélienne contre l'Iran pour l'attaque au missile du 1er octobre.

L'Iran a indiqué que toute attaque contre ses capacités nucléaires ou de production de pétrole et de gaz serait considérée comme existentielle par nature. Ceci pourrait déclencher l'annulation de la fatwa et le déploiement d'armes nucléaires dans les jours qui suivent une telle décision.

Vendredi, le président Joe Biden a déclaré à la presse qu'il sait quand et où Israël frappera, mais il a refusé de le préciser. Des fuites de  documents des services de renseignement américains  ont montré ces derniers jours les limites des informations dont disposent les États-Unis sur les intentions exactes d'Israël.

Les États-Unis et Israël, puissance nucléaire, ont longtemps affirmé qu'un Iran doté de l'arme nucléaire constitue une ligne rouge qui ne peut être franchie sans conséquences graves, à savoir une intervention militaire massive destinée à détruire l'infrastructure nucléaire iranienne.

Cette ligne a été franchie : l'Iran est de facto une puissance nucléaire, même s'il n'a pas encore franchi les dernières étapes de la fabrication d'une bombe nucléaire.

Les conséquences d'une attaque contre l'Iran pourraient s'avérer fatales pour les agresseurs, voire pour l'ensemble de la région.

⚠️ 𝐁𝐫𝐞𝐚𝐤𝐢𝐧𝐠 𝐍𝐞𝐰𝐬 ⚠️

𝗕𝗶𝗱𝗲𝗻 𝗮𝘄𝗮𝗿𝗲 𝗼𝗳 𝗜𝘀𝗿𝗮𝗲𝗹'𝘀 𝗽𝗹𝗮𝗻 𝘁𝗼 𝘀𝘁𝗿𝗶𝗸𝗲 𝗜𝗿𝗮𝗻…

Biden says he knows when Israel will strike Iran but won't share details.  pic.twitter.com/BZcowjHJMj

— Iran Spectator (@IranSpec)

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Biden says he knows when Israel will strike Iran but won’t share details.

Here are the docs. Looks like it's just US observations while spying on Israeli drills. Biggest thing I think is the acknowledgment of Israel having nuclear weapons.  t.co  pic.twitter.com/QHEedOEhV7

— Dave DeCamp (@DecampDave)

Here are the docs. Looks like it’s just US observations while spying on Israeli drills. Biggest thing I think is the acknowledgment of Israel having nuclear weapons.
Leaked US Intelligence Documents Outline Israeli Preparations to Strike Iran
Reportedly, the leak comes courtesy of a US intelligence source
by Connor Freeman@FreemansMind96 #Iran #Israel #CIA
Leaked US Intelligence Documents Outline Israeli Preparations to Strike Iran - News From Antiwar.com
Updated 10/19/24 at 9:15pm EDT. Leaked top secret documents from the Pentagon and the National Security Agency (NSA) outline Israeli preparations for a major attack against Iran, CNN reported on Saturday. The documents were published Friday on a Telegram channel, said to be affiliated with Iran, named "Middle East Spectator"...
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Scott Ritter

Lien vers l'article original en anglais :

 consortiumnews.com

Version française :  Spirit of Free Speech

Image en vedette : Canons antiaériens gardant l'installation nucléaire de Natanz, en Iran. (© Hamed Saber/Wikimedia Commons)

Scott Ritter est un ancien officier de renseignement du corps des Marines américains qui a servi dans l'ex-Union soviétique pour mettre en œuvre les traités de contrôle des armements, dans le golfe Persique pendant l'opération Tempête du désert et en Irak pour superviser le désarmement des armes de destruction massive. Son dernier ouvrage est  Disarmament in the Time of Perestroika, publié par Clarity Press.

La source originale de cet article est  Consortium News

Copyright ©  Scott Ritter,  Consortium News, 2024

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