Daniel Garcia
Israël bombarde de Liban depuis plusieurs semaines et a également lancé des attaques terrestres. Les opérations au sol sont-elles un succès comme l'affirme l'armée israélienne? Comment interpréter deux informations qui semblent contradictoires? Jusqu'à quand tiendra la folie guerrière du gouvernement israélien?
Un titre du Jerusalem Post daté du 29 octobre retient notre attention « L'armée israélienne affirme que les objectifs militaires au Liban ont été atteints, et que le gouvernement peut parvenir à une résolution diplomatique ».
Comme le souligne le journal, qui reprend les dernières déclarations du Commandement Nord : « la plupart des infrastructures terroristes du Hezbollah près de la frontière israélo-libanaise ont été détruites, et la plupart des armes ont été transférées en Israël ou détruites sur le terrain. » Il ne resterai plus que quelques villages libanais où le travail n'a pas été achevé mais l'essentiel est fait.
Pour l'armée, il est temps de passer la main à l'échelon politique pour négocier une résolution diplomatique au Sud-Liban.
Peut-on raisonnablement penser que l'armée israélienne a liquidé en quelques semaines le potentiel militaire du Hezbollah alors qu'après un an d'acharnement criminel à Gaza le Hamas n'a toujours pas rendu les armes ?
Pour preuve, la mort récente du colonel Ehsan Daksa, commandant de la brigade blindée 401. Il est l'officier le plus haut gradé à perdre la vie depuis le début de l'opération terrestre israélienne à Gaza.
La réponse se trouve sans doute dans un second article du même quotidien, daté aussi du 29 octobre : « Ministère de la Défense : 12 000 blessés pendant la guerre, dont plus de la moitié ont moins de 30 ans ».
Des soldats blessés dans la bande de Gaza sont transportés à l'hôpital Shaare Zedek à Jérusalem, le 15 mai 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
L'armée perd sans doute trop d'hommes et veut stopper les opérations au sol sans risquer une nouvelle humiliation en terres libanaises. Le scénario de 2006 pourrait se répéter face au Hezbollah qui garde sa capacité de combat malgré l'élimination d'un certain nombre de ses dirigeants.
Ce que l'on observe sur le terrain, c'est que les troupes israéliennes n'ont avancé que sur de courtes distances dans les villages du Sud-Liban, compte tenu de l'intensité des opérations de la résistance. Leur supériorité aérienne leur permet des destructions colossales tant humaines que matérielles mais la victoire totale revendiquée par Netanyahou semble bien éloignée.
Haaretz parle ainsi du mois d'octobre (qui n'est pas terminé) comme le pire mois pour les pertes israéliennes depuis le début de l'année. « Dimanche, l'armée a levé l'ordre de silence après avoir appris que cinq réservistes avaient été tués au combat dans le sud du Liban samedi après-midi. 14 autres soldats ont été blessées, dont cinq dans un état grave. Les morts et les blessés provenaient de la 228e brigade d'infanterie du Commandement Nord (Brigade Alon), composée d'anciens combattants de la brigade Nahal.
Au cours des deux jours précédents, 10 réservistes ont été tués dans deux autres incidents dans le Sud-Liban. Et dimanche, un civil a été tué dans ce qui semble avoir été une attaque terroriste à la voiture-bélier près des bases militaires de Glilot. 32 personnes ont été blessées, dont plusieurs très grièvement. »
Netanyahou se gargarise de ses succès militaire à Gaza, au Liban et en Iran et milite pour une poursuite de la guerre sur tous les fronts. Il semble que l'armée est plus réticente car elle se rend bien compte du prix à payer qu'entraînerait une telle stratégie militaire sur la durée.
Le plus grand danger se trouve bien au Liban car si le nombre de victimes augmente l'opinion publique pourrait changer. Israël a tout à craindre d'une guerre d'usure.
Jusqu'à présent, l'armée reconnaît 33 soldats tués depuis le début de l'opération terrestre au Liban, il y a près de trois semaines. Elle a publié, en tout, le nom de 762 soldats tombés au combat en y incluant ceux morts le 7 octobre.
C'est un lourd bilan mais ce qui inquiète l'armée c'est aussi le nombre de blessés qui ne cesse d'augmenter depuis le début de cette guerre. Selon les données du ministère, 66 % des 12 000 blessés admis sont des réservistes et 51 % ont entre 18 et 30 ans.
Quatorze pour cent des blessés sont classés comme ayant des blessures modérées à graves. Parmi eux, 377 ont subi des blessures à la tête, dont 23 avec de graves lésions crâniennes nécessitant des prothèses de remplacements imprimées en 3D.
308 autres personnes ont subi des blessures aux yeux, dont 12 ont perdu la vue. De plus, 104 ont subi des blessures à la colonne vertébrale et environ 60 auront besoin de prothèses adaptées à leur mode de vie.
Environ 5 200 (43 %) des blessés ont développé diverses pathologies psychologiques, telles que l'anxiété, la dépression, des difficultés d'adaptation et le SSPT (Syndrome de Stress Post-Traumatique). Chaque mois, en moyenne, 1 000 soldats viennent grossir le nombre des victimes de cette guerre. Auxquels s'ajoutent 500 nouvelles demandes de prise en charge pour des évènements passés dont les symptômes mettent parfois du temps à se déclarer.
Au cours de la dernière année, le nombre de blessés de moins de 30 ans a triplé. Avant les événements du 7 octobre 2023, environ 50 % des anciens combattants handicapés étaient classés comme des aînés, tandis que seulement 8 % avaient moins de 30 ans.
Les données montrent que le coût annuel moyen du traitement et du soutien financier d'un blessé de guerre est d'environ 150 000 shekels (37 000 €).
Le ministère estime que d'ici 2030, il y aura environ 100 000 anciens combattants handicapés, dont 50 % devraient être confrontés à des problèmes de santé mentale.
Netanyahu s'est enfermé dans sa guerre éternelle, il n'a aucune intention d'opter pour une solution diplomatique même si son état-major semble lui demander. Il obéit à ses ministres suprémacistes qui lui garantissent sa survie politique. Mais pour combien de temps encore ?
Source : investig'Action