Par Ramzy Baroud, le 31 octobre 2024
Clamant le slogan "Gaza est à nous, pour toujours", un grand nombre d'extrémistes israéliens et de politiciens de droite se sont réunis dans la colonie de Be'eri, près de la région frontalière de Gaza, les 20 et 21 octobre.
Le groupe représentait le gratin de la droite, de l'extrême droite et des ultra nationalistes israéliens. Parmi eux figuraient les ministres israéliens Itamar Ben-Gvir, May Golan et Bezalel Smotrich, ainsi que dix députés du parti Likoud du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
L'événement, intitulé "Préparer la réinstallation de Gaza", était organisé par l'un des mouvements de colons les plus extrémistes d'Israël, Nachala, dirigé par la tristement célèbre Daniella Weiss.
Pour se rendre compte de l'extrémisme de cette pionnière de 79 ans, il suffit de se rappeler que le 27 juin, le gouvernement canadien, pourtant l'un des plus fervents soutiens de Netanyahu et de ses guerres, lui a imposé des sanctions en raison de son "rôle dans la facilitation (...) d'actes de violence commis par des colons extrémistes israéliens contre des civils palestiniens".
Cette conférence chargée de haine n'était pourtant que l'aboutissement d'un an d'efforts pour monter un dossier expliquant pourquoi Israël doit procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens de la bande de Gaza et rétablir des colonies illégales.
L'histoire, cependant, ne commence pas le 7 octobre. En 2005, Israël a décidé de redéployer ses forces hors de la petite région côtière. Ce fut le début du blocus israélien hermétique de la bande de Gaza, qui a conduit à de multiples guerres et, en fin de compte, aux événements du 7 octobre et au génocide en cours.
Bien que le nombre de colons juifs évacués des 15 colonies illégales démantelées ait été relativement faible - 8 500 - le sentiment de trahison ressenti par les colons a créé de profondes divisions au sein de la société israélienne.
Les scènes chaotiques de l' évacuation forcée des colons du bloc de colonies du Gush Katif à Gaza ont déclenché une crise nationale en Israël et ont été comparées à l' évacuation forcée de la colonie illégale de Yamit dans le Sinaï, qu'Israël avait démantelée en avril 1982 dans le cadre d'un accord antérieur avec l'Égypte. Mais pourquoi une telle réaction ?
Israël est une société coloniale de peuplement, qui a rattaché son expansion coloniale à des préceptes et prophéties religieuses. Le départ forcé de Gaza a donc dû être perçu par la plupart de ces colons comme une trahison nationale et un acte sacrilège.
Voilà pourquoi la réinstallation de Gaza est devenue le cri de ralliement immédiat des colons israéliens. Contrairement à leur pouvoir politique limité lors du redéploiement de 2005, les extrémistes actuels sont aujourd'hui les décideurs.
Alors que l'armée reste floue quant à ses objectifs stratégiques à Gaza, les colons ont toujours été conscients de la nature de leur mission : le nettoyage ethnique de tous les Palestiniens de Gaza et le redéploiement des colonies.
Ainsi, rapidement, des individus comme Mme Weiss et nombre de ses soutiens ont commencé à appeler les Israéliens à se joindre à la campagne de recolonisation. "Inscrivez-vous, inscrivez-vous, vous irez à Gaza", a déclaré Weiss à un public de soutiens en mars dernier, déclarant joyeusement que 500 familles s'étaient déjà inscrites, selon un rapport de CNN.
Mme Weiss et Nachala n'agissent pas indépendamment de l'objectif global des principaux responsables politiques du pays. Par exemple, le premier jour de la guerre, le 7 octobre 2023, Netanyahu affiche clairement ses intentions :
"Je dis aux habitants de Gaza : partez maintenant, parce que nous utiliserons la force sur tout le territoire".
Le 17 octobre, un document de synthèse présenté par l'Institut israélien Misgav pour la sécurité nationale et la stratégie sioniste appelait à la "relocalisation et à la colonisation définitive de l'ensemble de la population de Gaza."
Le rapport voyait dans la guerre "une occasion unique et rare d'évacuer toute la bande de Gaza" dans le désert du Sinaï. Plus tard dans le mois, le ministère israélien du renseignement s'est lui-même impliqué, avec la publication par le média israélien Calcalist d'un document "recommandant le transfert des habitants de Gaza vers le Sinaï".
Le 14 novembre, le ministre d'extrême droite Smotrich a parlé de "migration volontaire" Ndt : celui-là même qui sera reçu à Paris le 13 novembre 2024 à l'occasion du [Gala de l'association"Israël is Forever", association présidée par l'avocate franco-israélienne Nili Naouri pour qui "il n'y a pas de population de civile à Gaza"]. En décembre, les médias ont rapporté que Netanyahu lui-même avait déclaré aux membres du Likoud que le véritable défi d'Israël consiste à trouver "des pays disposés à les assimiler", autrement dit la population de Gaza.
Des conférences se sont alors organisées pour recueillir des soutiens autour du projet d'épuration ethnique des Palestiniens. La première grande conférence a été organisée par une coalition de mouvements de colons en décembre dernier. "Une maison sur la plage n'est pas un rêve", proclamait une publicité pour la conférence. La "plage" fait ici référence à la plage de Gaza.
Même Jared Kushner, le gendre de Donald Trump, a sauté sur l'occasion. En mars, il a parlé de la "très prisée [...] propriété du front de mer" de Gaza, qui nécessite qu'Israël évacue les civils et "assainisse l'enclave".
Le plan dit "des généraux", destiné à l'extermination et au nettoyage ethnique du nord de la bande de Gaza, n'est que la composante militaire de la vision des colons, selon laquelle "Gaza est à nous, pour toujours".
Mais si Israël n'a pas réussi à maintenir ses colonies dans la bande rebelle dans des circonstances plus faciles à gérer par le passé, y parviendra-t-il aujourd'hui ?
Les colons sont déjà conscients du défi à relever. Voilà pourquoi ils associent constamment leur colonisation de Gaza au nettoyage ethnique des habitants palestiniens de la bande.
Le succès ou l'échec d'Israël sera toutefois déterminé par cette maxime : tant que le peuple palestinien se battra, Weiss et ses collègues extrémistes ne seront jamais en sécurité à Gaza.
En effet, la population native de Gaza survit sur cette terre historique depuis des milliers d'années. Si le génocide ne les a pas chassés de leur terre, rien d'autre ne le pourra.