10/11/2024 arretsurinfo.ch  9min #260536

Des guerres atroces, des politiciens et des médias qui incitent à la guerre...

Par  Marita Brune-Koch

«De la guerre à la paix»

Symposium de l'initiative «Démocratie et droits fondamentaux»

Vienne, Autriche. - Des guerres atroces dans différentes parties du monde, des politiciens et des médias qui incitent à la guerre et veulent soi-disant instaurer la paix par la guerre et le réarmement, voilà à quoi ressemble notre monde actuellement. Nos républiques alpines, l'Autriche et la Suisse, qui pourraient refuser de participer aux activités bellicistes grâce à leur neutralité ancrée dans la Constitution, s'arment de plus en plus et se préparent à entrer dans le bal meurtrier. Le symposium «De la guerre à la paix» a courageusement apporté des points de vue contraires.

Hannes Hofbauer, directeur des Editions Promedia, a accueilli environ 80 participants le 11 octobre dans la salle du Martinsschlössl à Vienne. Il a présenté l'initiative «Démocratie et droits fondamentaux». Il s'agit d'une association informelle de citoyens qui s'engagent pour la préservation des droits fondamentaux, de la liberté d'expression et en faveur de la résistance à la surveillance numérique.

Le programme comportait deux podiums: le premier sur le thème «Guerre et paix», le second sur le thème «Neutralité».

Podium « Guerre et paix » de gauche à droite: Jürgen Rose,
Hauke Ritz, Astrid Wagner et l'animateur Hannes Hofbauer. (Photo jpv)

L'OTAN dans les décombres de l'histoire

Lors du premier podium, Jürgen Rose, ancien officier de Bundeswehr allemande, a présenté son exposé. En 2007, il a refusé, pour des raisons de conscience, de participer à la mission Tornado en Afghanistan. Actuellement, il est président du comité directeur du Cercle de travail Darmstädter Signal. Il s'est penché sur la question de savoir comment mettre fin à la guerre en Ukraine par le biais de négociations, en se référant entre autres aux initiatives du pape François, de Viktor Orban et de la République populaire de Chine. L'UE a copié la stratégie des Etats-Unis, a-t-il critiqué, plaidant pour un nouveau chapitre sur une base rationnelle.

Il a évoqué le danger de nouveaux systèmes d'armes stationnés exclusivement sur le sol allemand et a constaté que l'OTAN était bien plus armée que la Russie. Ce n'est donc pas l'OTAN qui doit se sentir menacée par la Russie, mais l'inverse, la Russie par l'OTAN. Selon lui, l'OTAN est une alliance qui détruit le droit, la nature, la vérité et l'humanité. Elle devrait disparaître dans les décombres de l'histoire.

Gaza: condamner le génocide des femmes et des enfants - indépendamment de la couleur politique

Astrid Wagner, avocate et militante engagée dans le conflit israélo-gazaoui, a appelé à un cessez-le-feu. Selon elle, il existe de nombreux signes de génocide à Gaza. Deux tiers des victimes sont des femmes et des enfants - ce qui est condamnable d'un point de vue purement humain, indépendamment de la couleur politique. Les enfants sont gravement traumatisés. Le conflit a des conséquences à long terme, des têtes et des âmes brisées. Mais l'engagement dans ce conflit est entravé par des restrictions extrêmes de la liberté d'expression. Et ce, bien que de très nombreux juifs rejettent la guerre contre Gaza, un quart des manifestants étant juifs.

Il est inacceptable qu'à l'ONU l'Autriche ne prenne pas parti contre le génocide et en faveur d'un cessez-le-feu. Au lieu de cela, le ministre des Affaires étrangères Alexander Schallenberg a voté trois fois contre un cessez-le-feu. Hofbauer objecte que cela aurait été impossible sous Bruno Kreisky, où l'on avait ouvert la grande porte au monde arabe, où Mouammar Kadhafi faisait ses entrées et sorties. Pourquoi la social-démocratie prend-elle aujourd'hui une telle position, demande-t-il.

Astrid Wagner lui donne raison, c'est une trahison de la social-démocratie. En raison de sa neutralité, l'Autriche a de nombreuses possibilités d'agir en faveur de la paix. Au nom de la paix, il faut aussi parler avec le Hamas, quoi d'autre? Il faut faire de nombreux petits pas, il n'y a pas d'autre voie, et c'est possible, a-t-elle conclu.

La paix par la guerre - ou par l'équilibre des intérêts?

Hauke Ritz, spécialiste des sciences culturelles, a fait un exposé sur les divers «concepts d'ordre mondial» dans différentes cultures, en comparant notamment l'Europe et l'Amérique. Lors de ses entretiens avec des Américains, il a toujours constaté qu'ils n'arrivaient pas à comprendre l'idée que des valeurs telles que la démocratie ne pouvaient être obtenues par la force.

La raison réside dans un profond enracinement de l'idée que l'Amérique est une nation indispensable, la plus forte au monde. On y croit au concept de la «Manifest Destiny», selon lequel la loi mondiale veut que les Etats-Unis deviennent automatiquement de plus en plus forts. Cette croyance a, selon lui, pour conséquence que les Américains sont moins enclins à négocier, ils se sentent appelés par Dieu à diriger le monde. Leur situation géopolitique, protégée entre deux océans, renforce l'idée de leur invulnérabilité.

En Europe, en revanche, la guerre de 30 ans a aidé à comprendre que les valeurs ne pouvaient être obtenues par la guerre. La paix, a-t-on compris, n'est possible qu'en conciliant les intérêts. Cela a conduit à la Paix de Westphalie, qui est pour nous fondamentale et garante de la paix. Si nous commencions maintenant à adopter la pensée des Etats-Unis, à diviser le monde en bons et en mauvais, à mener des guerres pour des valeurs, ce serait un retour derrière la Paix de Westphalie.

Un participant a demandé à M. Ritz quelle était la vision russe du monde. Selon l'historien de la culture, la Russie est un immense pays, où il est impossible de contrôler et de défendre toutes les frontières - qui sont aussi longues que la moitié de l'équateur [donc environ 20 000 km, ndt.]. C'est pourquoi la Russie a développé très tôt l'idée que la meilleure défense était de n'avoir que des pays amis à ses frontières. C'est la raison pour laquelle la Russie a une Haute école pour diplomates. Pour chaque petit pays, chaque minorité, chaque langue, il existe des experts qui peuvent s'imprégner de la culture de l'autre et chercher des solutions aux conflits par le dialogue. Les succès de la Russie en Afrique sont d'ailleurs davantage dus à ses capacités diplomatiques qu'à ses investissements économiques.

Podium « Neutralité » de gauche à droite : Günther Greindl, Gudula
Walterskirchen, Jean-Paul Vuilleumier, Erwin Buchinger et l'animatrice
Eva Pfisterer. (Photo mt)

La neutralité, une alternative

Le second podium était consacré à la «neutralité» et a donné lieu à une collaboration exemplaire entre les représentants des deux pays neutres que sont l'Autriche et la Suisse.

Jean-Paul Vuilleumier, rédacteur en chef de la publication en ligne «Point de vue Suisse», a expliqué l'importance de l'initiative populaire fédérale  «Sauvegarder la neutralité suisse»,1 déposée à Berne en avril 2024 avec 132 000 signatures authentifiées; le débat au Parlement et finalement la votation populaire sont prévus dans les années à venir. Son objectif est de différencier le sens de la neutralité dans la Constitution fédérale afin d'empêcher la participation à des alliances militaires et de défense, l'adoption de mesures de contrainte unilatérales (sanctions) et la participation à des conflits militaires entre Etats tiers. Aujourd'hui, selon M. Vuilleumier, la Suisse n'est plus considérée comme neutre par de nombreux pays. C'est pourquoi notre pays, avec sa neutralité armée perpétuelle, doit à nouveau être disponible pour la prévention et la résolution des conflits et comme médiateur.

Les alliances militaires mènent à l'embrasement général

Gudula Walterskirchen, historienne et journaliste autrichienne, a expliqué la propagande contre la neutralité. Elle consiste essentiellement en deux récits: 1) on ne peut pas se passer d'alliances militaires. 2) la neutralité n'est plus d'actualité.

Ces deux affirmations ne peuvent porter leurs fruits qu'en raison du manque d'éducation et surtout de connaissances historiques de nombreux politiciens (elle a cité en exemple la ministre allemande des Affaires étrangères, Mme Baerbock). L'Autriche a fait de mauvaises expériences avec les alliances militaires. C'est probablement pour cette raison que la population tient à la neutralité. Par exemple, sans systèmes d'alliances, la Première Guerre mondiale n'aurait pas eu lieu.

Après la dissolution du Pacte de Varsovie, il aurait fallu dissoudre l'OTAN. Au lieu de cela, de nombreuses guerres ont été menées avec elle. Le danger des alliances est que l'on doit aussi entrer en guerre lorsqu'un partenaire «est attaqué», ce qui conduit rapidement à un embrasement général. La majeure partie des pays du monde ne s'est pas laissé enrôler dans des alliances militaires, 120 Etats sont non-alignés. Etre neutre n'est donc en aucun cas dépassé, c'est même le courant dominant.

Retour à une politique de paix active

Le général à la retraite Günther Greindl défend l'idée d'un retour à une politique de paix active. L'Autriche est devenue neutre lors du traité d'Etat de 1955, et la neutralité «est devenue notre identité». La neutralité correspond à la Charte des Nations Unies, qui exige d'épargner aux générations futures le fléau de la guerre.

En tant qu'officier supérieur expérimenté, Greindl a expliqué comment l'Autriche peut se protéger ou se défendre efficacement sans adhérer à des alliances militaires et sans participer à des alliances d'armement telles que le système européen de défense aérienne Sky Shield de l'OTAN. L'article contenant ses réflexions à ce sujet  se trouve dans «Point de vue Suisse».2

Sa conclusion: stabilité, défense nationale et diplomatie de paix - ces trois facteurs mènent à la sécurité. Au lieu d'adhérer à des alliances militaires, il faudrait se pencher sur la question: comment l'Autriche peut-elle revenir à une politique de paix active? - Une paix durable n'est possible qu'avec la Russie.

Un symposium encourageant qui a aidé à clarifier des questions importantes autour de la prétendue nécessité des guerres et des alliances militaires. Les nombreux participants présents dans la salle ont suivi les exposés avec intérêt et ont enrichi le débat par leurs contributions et leurs questions.

 Marita Brune-Koch

1) swiss-standpoint.ch

2) schweizer-standpunkt.ch

Source:  Point de vue suisse

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