Journal dde.crisis de Philippe Grasset
14 novembre 2024 (13H30) – J'emploie ce mot de "réplique" au sens sismique, en général à l'occasion d'un tremblement de terre, ces secousses qui suivent le grand coup, et semblent même avoir la même intensité, avec la prétention de le dépasser ! Depuis le tremblement de terre du 5 novembre 2024, cela ne cesse pas, avec des hauts et des bas tous aussi terribles les uns et les autres.
Pour certains (pour Larry Johnson), les grandes nouvelles d'hier en fin d'après-midi n'étaient pas l'essentiel. Il s'agissait plutôt des possibilités de conflit contre l'Iran, de la part d'un Israël assuré d'un nombre de soutiens impressionnants chez Trump-II. C'est l'essentiel de son article d'hier.
Après tout son développement dramatique sur Israël et l'Iran, et les possibilités pour les USA (sous le temps du reste de Biden, et sous Trump-II) d'être entrainés dans une guerre mondiale, Johnson note, comme s'il venait manifestement de l'apprendre exactement à l'instant de terminer son article, – ce qui signifie qu'il faut attendre ses réflexions, y compris celles sur Israël-Iran, à la lumière de ces prolongements extraordinaires (Gabbard, Gaetz, Musk-Rawaswamy) :
« J'ai été heureux d'apprendre que Trump a nommé Tulsi Gabbard au poste de directrice du renseignement national. Cela mettra Tulsi dans une position privilégiée pour tenter de restaurer une certaine intégrité dans les communautés du renseignement. Pour commencer, elle est en charge du briefing quotidien présidentiel. Elle veillera à ce que Trump reçoive des informations exactes. Deuxièmement, elle supervisera toutes les actions et programmes secrets. Elle a un bon instinct et est capable de parler directement à Trump et de le mettre en garde contre toute action stupide. Rien ne garantit qu'il l'écoutera, mais au moins il y aura un adulte dans la pièce. »
« D.C. est en pleine panique »
Hier soir, en effet, après certaines péripéties des jours précédents, – des nominations assez peu rassurantes, – concernant la confiance qu'on pouvait mettre dans la capacité de Trump-II à être le Grand Déstabilisateur qu'il annonce et que l'on attend ou dont l'on doute qu'il le soit, plusieurs nouvelles sensationnelles ont secoué à nouveau Washington. C'est du bon grain à moudre pour nous, les commentateurs indépendants, ceux-là qui n'ont pas leur feuille de route écrite à l'avant dans une toute petite tête de zombie bien rangée au garde à vous :
• Musk-Rawaswamy à la tête du ‘Department Of Goverrnment Efficiency' (DOGE) nouvellement créé. Le titre de ‘ ZeroHedge.com' dit tout sur cette énorme chambardement de la masse bureaucratique du gouvernement, ou de l'égrégore, comme Rumsfeld le réclamait le 10 septembre 2001, – tout cela si l'on veut bien se rappeler que le ‘Projet Manhattan' fut l'initiative de création et de développement de la bombe atomique aux USA, en 1941-1945 :
« Le ‘Projet Manhattan' de notre époque : Musk et Vivek Ramaswamy à la tête du Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE) »
"Projet Manhattan-II", ou comment réformer radicalement le monstre, l'égrégore, le Système qu'est devenu l'ensemble bureaucratique monstrueux du "gouvernement des Etats-Unis". Bonne chance, les gars !
• La nomination de Tulsi Gabbard, qui me remplit d'une joie ineffable comme l'on s'en doute. Trump l'a désignée comme DNI (‘Director National intelligence'), fonction qui consiste à superviser et à coordonner, – et à surveiller durement, dans son cas, – l'ensemble des agences et bureaux de renseignement des États-Unis (je crois qu'il doit y en avoir une quinzaine, avec des vedettes comme la CIA et la NSA). C'est un travail formidable quand il s'agit de le faire loyalement, et non pas de servir de couverture pour toutes les saloperies et les incompétences des susdits.
Les quelques mots de Trump annonçant la nomination de Tulsi disent tout de sa terrible mission et des batailles qu'elle va devoir livrer, – à commencer par la confirmation de sa nomination au Congrès qui sera l'objet d'un terrible affrontement. Elle sait parler haut et ferme, et elle jettera à la figure de ces " chickenhawks" arrosés du fric des marchands de canon les vérités d'une femme qui a connu sous son uniforme les horreurs de la guerre, – d'autant plus horribles lorsqu'il s'agit de guerres pour rien du tout, manipulés par des fous-de- Satan assoiffés du sang des autres...
« Depuis plus de deux décennies, Tulsi se bat pour notre pays et pour les libertés de tous les Américains.» En tant qu'ancienne candidate à l'investiture démocrate pour la présidentielle, elle bénéficie d'un large soutien dans les deux partis - elle est désormais une fière républicaine !
» Je sais que Tulsi apportera l'esprit intrépide qui a défini son illustre carrière à notre communauté du renseignement, défendant nos droits constitutionnels et garantissant la paix par la force.
» Tulsi nous rendra tous fiers ! »
• La nomination de Matt Geitz à la tête de la Justice (DOJ), donc supervisant tous les instruments de justice, et notamment le fameux FBI transformé ces dernières années en Gestapo postmoderne, cette nomination a fait autant sinon plus de bruit que celle de Tulsi.
Geitz, chef des "jeunes Turcs" républicains, trumpistes et surtout populistes, a fait trembler bien des bureaucrates lors des auditions de la commission des affaires juridiques qu'il a dirigé à la Chambre pendant deux ans. C'est un de ceux qui réclament le plus haut le lavage-essorage complet du FBI, et s'il le faut sa liquidation. Le personnage est dur, agressif et il dispose de certains "secrets" récoltés lors de ses deux années à la tête de sa commission.. Comme 𝕏 dit NBC News de l'atmosphère du Congrès, – y compris chez les républicains :
» NBC News rapporte que "l'ambiance générale" au Congrès concernant les choix de Trump au sein du cabinet est du type ‘ What the fuck !' [‘WTF', soit en français, à peu près : "On n'est pas dans la merde !"].» "Des sénateurs, des législateurs républicains, même l'un d'entre eux lors d'une réunion à huis clos, se sont exclamé : ‘Oh Bon Dieu' lorsqu'ils ont vu le message [annonçant la nomination de Gaetz] de Donald Trump".
» "DC est en pleine panique". »
A cette brochette, on ajoute bien entendu Robert Kennedy Jr. quia depuis un certain temps l'assurance de disposer d'un poste d'importance pour suivre les problèmes de santé publique et réaliser une réforme de fond destinée à bloquer les diverses agressions et corruptions de Big Pharma.
« Mais qu'est-ce que Trump est en train de nous faire ? »
On peut, avant de tenter de conclure pour au moins les prochaines 24 heures, reprendre certains des événements qui, avant les nominations d'hier soir, avaient répandu un bien mauvais climat, humant fortement une vraie ou fausse entourloupe de pseudo neocon(nerie, – ou neoConnery si vous préférez faire un peu plus cultivé ; – Dieu, que ce mot est difficile à manier). Diverses rumeurs, des confirmations parfois, des déclarations inattendues, avaient amené une certaine confusion sur le principal sujet d'intérêt actuel de la formation du cabinet de l'administration Trump-II. Certains noms, à consonnance-neocon ou engagements très marqués, conduisaient à l'éternelle interrogation concernant Trump : est-il un véritable perturbateur autonome ou bien est-il un sous-marin à explosion retardé du DeepState ?
Pour tout vous dire à ce propos, j'avais bien aimé le court et très sincère billet de Larry C. Johnson. Je le trouve aujourd'hui, après le dernier épisode, encore plus bienvenu et bien avisé. Il date du 12 novembre et son titre était, dans un style très francisé : « Mais qu'est-ce que Trump est en train de nous faire ? »
« Je tiens à préciser d'emblée que je ne suis pas un trumpiste enflammé et inconditionnel, loin de là. Mais je suis sûr que ce que je m'apprête à écrire amènera certains d'entre vous à m'accuser de l'être. Ainsi soit-il. Lorsque vous avez écouté mon interview avec Danny Davis plus tôt dans la journée, j'ai été assez perturbé par la nouvelle (encore non confirmée) selon laquelle Trump prévoyait de nommer Marco Rubio au poste de secrétaire d'État. Rubio est un poids plume à tous égards et n'est pas un grand penseur stratégique.» Mais ensuite est arrivé le coup de théâtre de ce soir : Trump a nommé le présentateur de Fox News, Pete Hegseth, comme candidat au poste de secrétaire à la Défense. Waouh ! Hegseth, en dehors d'avoir servi dans l'armée, n'a aucune expérience de la gestion d'une bureaucratie gargantuesque comme le ministère de la Défense. A quoi diable Trump joue-t-il ?
» Finalement, je pense que c'est simple : il installe à des postes clés des loyalistes qui ne sont pas compromis ou redevables au complexe militaro-industriel ou aux lobbyistes de la défense à Washington. Je connais l'un de ces lobbyistes (nous étions voisins) et je vous garantis qu'il est furieux ce soir. Trump envoie un message sans équivoque au Deep State : c'est moi qui dirige le spectacle.
» Hegseth n'est pas non plus une créature de l'un des nombreux ‘think tanks' de Washington, financés en grande partie par le complexe militaro-industriel et le lobby sioniste. Trump n'a pas choisi Hegseth parce que l'ancien officier de l'armée a un grand plan pour réformer le complexe de défense américain, gonflé et corrompu. Il l'a choisi parce qu'on attend de Hegseth qu'il suive les ordres et fasse ce que Trump veut. Quelqu'un veut-il parier qu'Elon Musk et Vivek Ramaswamy, qui ont été annoncés pour superviser le Département de l'efficacité gouvernementale, vont s'en prendre durement au DOD ?
» Trump a également nommé l'ancien membre du Congrès et ancien directeur du renseignement national (alias DNI), John Ratcliffe, comme candidat à la tête de la CIA. C'est un excellent choix à mon avis. Ratcliffe est un franc-tireur et non un égoïste qui aspire à devenir président, comme Mike Pompeo. En vertu de son précédent mandat de DNI, Ratcliffe sait où certains des corps sont enterrés à la CIA et jouera un rôle clé dans la publication des dossiers JFK.
» Je sais que beaucoup d'entre vous sont convaincus que Trump est tombé sous l'emprise de l'AIPAC/des sionistes. Vous avez peut-être raison, mais je pense qu'il y a un certain espoir que Trump ne soit pas complètement capturé. Permettez-moi de vous rappeler certains incidents passés. Tout d'abord, lors d'une interview accordée à Sixty Minutes après sa défaite de 2020, Trump a fustigé Bibi Netanyahu pour avoir été le premier à sortir et à féliciter Joe Biden. Trump a utilisé un juron pour décrire Netanyahu. Deuxièmement, la plupart des Juifs des États-Unis – au moins 70 % – ont voté pour Harris, pas pour Trump. Troisièmement, Trump aurait averti Netanyahu que la guerre à Gaza devait être terminée d'ici le 20 janvier.
» Je fais une remarque nuancée. Trump ne va pas se soumettre par réflexe aux sionistes radicaux. Il faut rappeler qu'il entretient également de bonnes relations avec les Haredim, les juifs ultra-orthodoxes qui rejettent l'État d'Israël. Je ne dis pas que Trump se rangera du côté des Palestiniens, mais je doute qu'il soit comme Biden, en donnant à Israël tout ce dont il a besoin pour continuer le carnage.
» N'oublions pas que Trump veut être apprécié. Il a également fait des promesses aux Américains musulmans. Je ne pense pas que Trump mesure pleinement à quel point les États-Unis sont isolés parmi les voisins arabes et musulmans d'Israël. MbS en Arabie saoudite, qui était sur le point de conclure un accord avec Trump il y a quatre ans pour engager Israël dans des relations diplomatiques, parle d'une voix différente aujourd'hui. Il n'y aura pas de relations avec Israël tant qu'il n'y aura pas d'État palestinien sécurisé. Pour souligner ce point, le ministre saoudien de la Défense s'est rendu à Téhéran pour rencontrer son homologue iranien la semaine dernière.
» Bien que je sois prêt à accorder à Trump le bénéfice du doute, je reste convaincu que si Trump entraîne les États-Unis dans une guerre en Iran ou en Chine, il détruira sa présidence, et peut-être la nation. Mon conseil : attendons de voir ce que Trump fera au cours de sa première semaine au pouvoir. À ce moment-là, si je me trompe, je prendrai la raclée que je mérite. En attendant, ne vous inquiétez pas. Trump essaie de faire quelque chose avec le gouvernement américain pléthorique qui n'a jamais été tenté, du moins jusqu'à présent. »
Salut à "notre-Samizdat"
Prenons le train en marche pour mettre notre grain de sel de conclusion pour le très-court temps présent. Mon sentiment est que, en plus d'être un bon faiseur d'accords de compromis, Trump se révèle comme un très bon tacticien bureaucratique qui a digéré ses erreurs de 2016-2020 et qui a reçu l'adoubement de l'exoérience.
Ce qu'il a fait peut être considéré en deux temps : le premier est la nomination, effective ou fuitée, de personnalités disons peu enthousiasmantes, peu connues ou suspectes (Rubio), à des postes chargés d'exécuter la politique de sécurité nationale. Le second est la mise en place d'une ligne de "défense agressive" (comme disent les Russes en Ukraine), ultrapuissante, faite de personnalités sûres et extrêmement efficaces, très-connues comme telles et en général, pour entreprendre un travail de surveillance et de réformes structurelles en profondeur des bureaucraties concernées. Le travail de Trump, en plus de dominer l'ensemble bien entendu, est essentiellement de formuler et de conduire les grandes lignes de la politique de sécurité nationale. Il semble qu'il ait appris à déléguer ses pouvoirs après avoir trouvé la bande très diversifiée qui lui convient.
Quoi qu'il en soit de ses diverses prévisions et hypothèses, qui n'ont d'ailleurs pas été mauvaises du tout, il faut retenir du texte de Johnson cette phrase, qui est profondément vraie et qui nous donne une idée de l'ampleur formidable de l'événement dont nous voyons les prémisses :
«...Trump essaie de faire quelque chose avec le gouvernement américain pléthorique qui n'a jamais été tenté, du moins jusqu'à présent. »
La tâche va être immensément difficile car la résistance sera féroce, sur un terrain déjà chaotique, minée, plein de pourritures infâmes. Ce qu'on appelle le DeepState est maintenant assurée d'une chose : quoi qu'il en soit, tout se passe comme s'il devait lutter pour sa survie. Les diverses batailles vont être, de la même façon, particulièrement féroces, – au Congrès pour les nominations (en sachant que les républicains sont loin d'être tous trumpistes pur jus, avec les vieillards et les traîtres-RINO, comme on les a connus avec McConnell et Liz Cheney) ; puis dans la vie politique courante et forcenée, avec des enquêtes, des mises en accusation, des tensions publiques terribles ; tout cela sur le fond des aventures extérieures, qu'il faudra contenir et réduire... J'ai bien de la peine à croire que cet ensemble de choses catastrophiques se terminera sans une rupture fatale et j'en reste avec ce sentiment qui ne m'a jamais quitté ; – mais bon, au-delà, inutile de croire que l'on peut encore prévoir les choses.
En attendant, salut à la presse indépendante, la presse-alternative, notre-Samizdat. Voyez ce salut à nous tous, d'un alternatif presque-anonyme, pour tout ce mouvement qui secoue le monde grâce en grande partie à cette chose alternative :
« Fight ! Fight ! Fight !... For the Truth »