Par Robert Inlakesh
Les manœuvres d'Israël pour excuser les meurtres massifs de civils à Gaza en les qualifiant de "dommages collatéraux" s'effondrent face aux preuves de plus en plus nombreuses du recours aux tirs délibérés de snipers. L'assassinat ciblé de personnes non armées – à l'aide de drones et de tireurs d'élite professionnels – a compromis l'accès aux soins médicaux vitaux, à la nourriture et à l'eau, dénonçant la réalité glaçante qui se cache derrière les agissements de l'armée d'occupation.
Les mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant démontrent une fois de plus qu'il ne s'agit pas d'une guerre conventionnelle, mais une prise pour cible systématique de civils qui révèle clairement l'intention génocidaire de l'armée israélienne.
Au cours de l'année écoulée, les débats ont fait rage sur ce qui constitue un niveau "acceptable" de dommages collatéraux à Gaza. En juillet, le Modern War Institute de l'Académie militaire américaine de West Point a même publié un article préconisant une approche plus radicale de la part des Israéliens.
Les réflexions analogues sur ce qui constitue un "usage disproportionné de la force"reposent toutes sur le fait que l'approche de Tel-Aviv serait celle d'une guerre conventionnelle. Toutefois, si l'intention d'Israël n'est pas de mener une guerre contre le Hamas, mais de commettre délibérément un génocide et un nettoyage ethnique, ces discussions n'ont aucun sens. Et il n'existe pas de preuve plus évidente que le meurtre de sang-froid de civils par des snipers.
Abattre des civils en direct
Bien que certaines attaques de snipers contre des civils aient capté l'attention des médias internationaux, cet élément macabre de la stratégie militaire d'Israël est largement ignoré, probablement en raison de ses implications accablantes.
Le premier épisode majeur qui a fait la une des médias occidentaux a été le meurtre de deux chrétiennes à l'église de la Sainte-Famille de Gaza le 16 décembre 2023. L'incident a même été condamné par le pape pour le meurtre de la mère catholique palestinienne et de sa fille, qui ont été sciemment abattues alors qu'elles cherchaient refuge dans l'enceinte de l'église.
Mais aujourd'hui, ce type de fusillade est si courant qu'il se produit même lors d'interviews télévisées en direct avec des médias occidentaux. Ainsi, en janvier, la chaîne britannique ITV a filmé le moment où Ramzi Abu Sahloul, 51 ans, a été abattu d'une balle dans la poitrine, quelques instants seulement après avoir parlé à l'antenne. Ramzi Abu Sahloul faisait partie d'un groupe de civils qui fuyaient vers Rafah, dans le sud de Gaza, en brandissant des drapeaux blancs sur ordre de l'armée israélienne.
Hala Khreis, une autre civile innocente assassinée alors qu'elle fuyait avec un drapeau blanc, a été tuée par balle alors qu'elle tenait la main de son petit-fils en marchant. L'incident a également été filmé. Une enquête de CNN a pu prouver que des soldats israéliens stationnés à proximité en étaient responsables.
Des intimidations sanglantes
Le correspondant palestinien Motasem Dalloul, qui vit au nord de Gaza, témoigne auprès de The Cradle que son propre fils Yahya a été assassiné par un sniper israélien le 29 mai, après quoi les soldats ont écrasé le corps de l'enfant avec un tank.
"J'ai emmené mes fils dans notre maison détruite, dans le quartier d'Al-Sabra, afin de récupérer des vêtements sous les décombres. Là, j'ai vu mon fils tomber, et il s'est mis à saigner de la tête. Je me suis approché de lui et j'ai constaté que sa tête avait explosé".
Il explique que même s'il ne pouvait pas voir les soldats israéliens, il savait qu'ils étaient positionnés à proximité avec des fusils à lunette et déclare que lorsqu'il s'est approché du corps du petit Yahya, il a été frappé par son immobilité. Il ajoute :
"Les chars israéliens ont commencé à tirer et à tirer encore. Je savais que mon fils était mort… j'ai donc dû le laisser sur place et fuir avec mes autres fils pour les mettre à l'abri. Je n'ai pas pu revenir avant dix jours, et j'ai découvert par la suite qu'un char israélien a écrasé son corps et l'a démembré. Nous n'avons pu que récupérer une partie de sa chair et de ses os, broyés par les tanks israéliens, et nous les avons mis dans un morceau de tissu, comme une chemise, et nous les avons emmenés, les enterrant dans un cimetière improvisé".
Pendant l'entretien avec Dalloul, on entend des bombes exploser en arrière-plan pendant qu'il raconte :
"Je pense que la raison pour laquelle l'occupation israélienne [mot étouffé par le bruit des explosions] a tué mon fils était de nous effrayer et de nous empêcher de revenir dans cette zone … car elle a été détruite par la suite et tous les bâtiments ont été rasés, ce qui l'a transformée en zone tampon militaire. Cela a exercé davantage de pression sur les habitants de la ville de Gaza qui n'avaient plus de lieu où vivre, et beaucoup de ces personnes déplacées ont été assassinées".
Guerre psychologique et privation de soins médicaux
Le ciblage délibéré des civils ne se limite pas aux tirs de snipers. Le 20 septembre, un comité spécial des Nations unies a signalé à l'Assemblée générale que les snipers israéliens ont délibérément refusé l'accès aux soins de santé aux femmes palestiniennes enceintes et allaitantes.
Après que d'innombrables témoignages de tirs délibérés sur des civils ont émergé, en décembre 2023, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) a publié un communiqué de presse demandant instamment que des comptes soient rendus et qu'une enquête soit menée. Le communiqué de presse souligne également l'exécution de 11 hommes devant leurs familles dans le quartier de Remal, dans la ville de Gaza.
Yassin, un jeune homme du camp de réfugiés de Jabalia, a raconté à The Cradlecomment il a été blessé par balle par un drone quadcopter à la mi-novembre 2023, réussissant à survivre par pure chance. Yassin raconte qu'il marchait sur la route de Salah al-Deen, entre Jabalia et Khan Younis, après avoir reçu des ordres d'évacuation de l'armée d'occupation qui lui demandaient de se diriger vers le sud.
Alors qu'il fuyait, un accrochage armé a soudainement éclaté dans son champ de vision :
"J'ai ramassé mes vêtements et mon téléphone et je suis parti en courant pour échapper à l'affrontement. Il y avait une colline de sable devant moi, j'ai sauté et certains de mes vêtements sont tombés. J'ai ensuite trouvé l'ambulance que l'ennemi [Israël] avait arrêtée, restée sur la route".
Effrayé, il dit avoir entendu des appels en arabe lui demandant d'arrêter de courir, puis
"j'ai entendu le sifflement d'une balle, et j'ai crié : ‘Qui est touché ?' Au bout de 10 mètres, j'ai réalisé que la balle était entrée dans mon foie et que j'étais la réponse à ma propre question. Cette balle a pénétré mon poumon droit, puis le diaphragme, avant de pénétrer dans le foie".
Yassin affirme que la seule raison pour laquelle il a survécu est qu'un de ses proches se trouvait par hasard au volant d'une ambulance toute proche et qu'il a agi rapidement, lui sauvant ainsi la vie. Le rétablissement de Yassin a été long et éprouvant, plusieurs mois. Il continue de souffrir de ses blessures bien qu'il ait été évacué par le point de passage de Rafah vers l'Égypte.
Des cibles délibérément choisies
Le chirurgien américain Mark Perlmutter, qui s'est rendu à Gaza afin de soigner les Palestiniens blessés pendant la guerre, a également attiré l'attention sur le fait que les enfants sont intentionnellement visés par les tirs des snipers israéliens. " On n'abat pas d'enfants deux fois par erreur", a-t-il déclaré à France 24. Lors de plusieurs interviews, Perlmutter a fondu en larmes en décrivant comment des dizaines d'enfants étaient morts sous ses yeux.
Le récit de Perlmutter rejoint le témoignage récent du médecin britannique Nizam Mamode, qui a décrit aux députés britanniques comment les drones abattent délibérément des enfants " tous les jours" dans la bande de Gaza. De tels récits ont été faits par des médecins étrangers tout au long de la guerre, neuf autres médecins sur le terrain ayant fourni au Guardian, au début de l'année, des comptes rendus sur les tirs délibérés sur les enfants.
The Cradle a également recueilli le témoignage d'un Palestinien du nord de Gaza dont le frère a été abattu par un sniper israélien en octobre, lors de la ré-invasion d'Israël. Alors qu'il tentait de mettre son frère à l'abri, il a été visé à plusieurs reprises par des snipers et a finalement dû regarder son frère mourir peu à peu.
Il explique que son frère et lui ont fui leur maison pour se réfugier dans la ville de Gaza, mais qu'ils ont décidé de revenir quand les combats ont été plus espacés, ajoutant que les tirs ont claqué de nulle part alors qu'ils se trouvaient dans la zone de Jabalia. Il a alors vu son frère s'effondrer et se vider de son sang, précisant que la balle l'avait atteint en plein corps.
Des tactiques perverses
Les récits fournis à The Cradle ne sont que quelques exemples dans la longue liste d'horreurs similaires qui émanent quotidiennement de la bande de Gaza. En avril, Euro-Med Human Rights Monitor a publié un rapport soulignant l'utilisation par Israël de sons inquiétants pour effrayer ou attirer les civils dans les zones où ils seront abattus. Dans le camp de réfugiés de Nuseirat, certains ont enregistré des drones diffusant des pleurs de bébés pour faire sortir les civils de chez eux et les faire descendre dans la rue pour pouvoir les tuer.
Plus d'une douzaine de témoins oculaires de fusillades, dont des journalistes et des médecins de Gaza, ont été contactés tout au long de la rédaction de cet article. Tous ont confirmé que les snipers israéliens prennent délibérément pour cible les civils, sans aucune justification, afin d'instiller la peur et dissuader les gens de se déplacer librement.
Un médecin palestinien du nord de Gaza, qui a requis l'anonymat, a déclaré à The Cradle:
"Ils tirent sur des civils pour le fun, et c'est parfaitement intentionnel. Ça doit être la stratégie de l'armée".
Robert Inlakesh
Article original en anglais : Israeli snipers ‘shoot Palestinians for sport', The Cradle, le 25 novembre 2024.
Traduction : Spirit of Free Speech
La source originale de cet article est The Cradle
Copyright © Robert Inlakesh, The Cradle, 2024
Par Robert Inlakesh