Alors que le pouvoir régulier syrien avait « presque » gagné la guerre contre les terroristes, soutenus par les forces étrangères, en grande partie grâce à l'intervention de la Russie en 2015, Assad s'est hier enfui avec sa famille en Russie, le pays tombe aux mains de ces groupuscules extrémistes. Et tout cela s'est passé en une semaine. Si la question de la trahison intérieure, notamment de l'armée, est un élément incontestable, il n'est que le résultat d'une suite d'erreurs stratégiques. Les conflits ne se gèlent pas, ils se gagnent ou ils se perdent. Même 12 années plus tard. Les forces extérieures viennent de le terminer, Assad a perdu, la Syrie aussi.
L'illusion de la guerre post-moderne
La guerre en Syrie était une guerre étrange, parfaitement « post-moderne » disait-on. Elle était présentée d'ailleurs comme un conflit d'un « nouveau genre ». Ainsi, l'on voyait des corridors organisés pour évacuer non seulement des civils, mais aussi des combattants. Ce qui leur permettait de se regrouper ailleurs et de continuer le combat.
Nous avons eu droit à la mise en scène hollywoodienne d'attaques chimiques, avec la complaisance des médias occidentaux et la participation des organes internationaux. Jusqu'à ce que la Russie présente l'une de ces « victimes » à l'AIEA … Une « victime », qui a raconté la mise en scène organisée par les fameux « Casques blancs », organisation financée par les Etats-Unis.
Nous avons pu voir à l'oeuvre toute l'hypocrisie humanitaire, dont l'aide occidentale n'était envoyée que dans les zones tenues par les combattants terroristes …
L'intervention militaire de la coalition américaine avait alors permis le déploiement des forces terroristes presque jusqu'aux portes de Damas, quand Assad a demandé de l'aide à la Russie. Son intervention contre les forces terroristes a été vivement critiquée par les Occidentaux, qui dévoilaient ainsi leur véritable finalité : faire tomber Assad grâce à ces terroristes, qui faisaient le sal travail. La coalition américaine avait alors lancé une distinction étonnante entre terroristes radicaux et « modérés ». Il est vrai que la modération est une des caractéristiques du terrorisme.
L'on a vu ainsi une aide militaire directe apportée par la coalition américaine à ces groupes terroristes, notamment dans la région de Deir ez Zor, des pickups britanniques arriver entre les mains de ces groupes terroristes modérés passer aux radicaux …
C'est aussi dans ce conflit, que les pourparlers furent utilisés comme moyen de régulation du conflit, pour obtenir sur le plan politico-médiatique, ce qu'il n'était alors pas possible d'obtenir sur le terrain. Comme en Ukraine au même moment, avec les Accords de Minsk. Il est notable que ce Format d'Astana, qui a permis de geler le conflit en attendant des conditions favorables à l'Occident pour l'achever, s'est encore réuni avec la Russie la veille de la chute d'Assad.
Les leçons n'ont manifestement pas été tirées. Ce qui signifie, que le risque existe de voir les mêmes manoeuvres utilisées dans un autre conflit, autrement plus important pour la Russie, à savoir en Ukraine.
Les leçons de la chute de la Syrie
Plusieurs leçons sont à tirer de la chute fulgurante de la Syrie.
1) La guerre en Syrie n'est pas plus une guerre « post-moderne », que ne l'est la guerre en Ukraine. C'est une guerre. Et à la guerre tous les moyens sont bons pour remporter la victoire, notamment créer l'illusion, surtout quand l'adversaire a envie d'y croire.
2) En Syrie comme en Ukraine, des Etats se battent, y défendent leurs intérêts, leur suprématie. Pour cela, ils peuvent utiliser les armées régulières ou des groupes non-réguliers formés, armés et payés pour cela. Mais cela reste une guerre, dont dépend la survie des Etats. La Syrie a disparu comme sujet politique. La Russie joue son existence politique en Ukraine, tout comme les forces globalistes qui dirigent les Etats en Occident.
3) Puisqu'il s'agit d'une guerre, l'ennemi doit être neutralisé, non pas évacué. Sinon il reprend les armes et le combat.
4) Tant qu'une guerre n'est pas aboutie, elle n'est pas terminée. Quand un conflit est gelé, cette période est utilisée pour mettre en place les conditions favorables à la victoire d'un camp, puisque la source du conflit n'a pas disparu. Ainsi, la Russie est concentrée sur l'Ukraine et n'a pas les ressources pour soutenir militairement la Syrie. L'Iran a été deux fois décapitée, avec l'assassinat du général Souleimani par les Etats-Unis et de l'ancien Président, dont le crash de l'hélicoptère est douteux. Israël occupe le Hezbollah dans la guerre qu'il a lancé au Moyen-Orient pour créer ce grand Israël, tant espéré, qui risque de se réaliser. La Turquie est toujours prête à reprendre les armes en Syrie, bombarde allègrement des villages entiers et commence à s'installer. Les Etats-Unis soutiennent leurs terroristes et ont fait clairement savoir aux autres groupes terroristes, qu'ils ne devaient pas s'en approcher, et le message est passé. Pendant ce temps aussi, pendant qu'un cessez-le-feu imposant un statu quo avait été obtenu et que la Russie et la Syrie fêtaient un peu vite une victoire qui n'existait pas, les forces syriennes ont manifestement été travaillées de l'intérieur. Elles ont ainsi trahi à temps. Sans compter la fatigue objective : on ne reprend pas les armes aussi facilement après quelques années de pause.
Ainsi, la Syrie est tombée en une semaine. Car ce n'est pas une guerre « post-moderne », c'est une guerre. Assad vient de la perdre. Les occidentaux viennent de la terminer. Il n'est plus question de « gel », puisqu'ils s'emparent du territoire. La France a félicité la première la victoire du terrorisme en Syrie.
Que la leçon soit tirée par la Russie en Ukraine, alors que le chant des sirènes des « négociations » se renforce, que Trump tente de faire asseoir à la même table Zelensky et Poutine, comme si le conflit se déroulait entre l'Ukraine et la Russie et non pas entre les Atlantistes et la Russie en Ukraine. La guerre conduite contre la Russie en Ukraine n'est pas une Opération spéciale, ce n'est pas une guerre post-moderne, c'est une guerre à mort, qui ne prendra fin qu'avec la disparition au minimum politique de l'un des deux camps et la prise de contrôle du territoire ukrainien par le vainqueur.
Karine Bechet-Golovko
La source originale de cet article est Russie politics
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