17/12/2024 francesoir.fr  5min #263800

Mckinsey accepte de payer encore 650 millions de dollars pour éviter un procès lié à la crise des opioïdes aux États-Unis

France-Soir

Les tracas judiciaires de McKinsey pour son rôle dans le scandale des opioïdes n'en finissent pas. Le cabinet de conseil américain a accepté la semaine dernière de payer 650 millions de dollars dans le cadre d'un accord de poursuites différées, conclu avec le gouvernement des États-Unis pour éviter un procès pénal. Cette bagatelle vient porter à plus d'un milliard et demi de dollars le total payé par McKinsey pour éviter des condamnations et régler ses différends avec plusieurs collectivités et civils.

Les opioïdes sont des médicaments à base de substances psychoactives qui agissent sur la partie du cerveau responsable du contrôle de la douleur. Les traitements peuvent être prescrits sous différentes formes comme la codéine, le fentanyl, la morphine ou encore l'oxycodone, la substance à l'origine de la crise des opioïdes aux États-Unis. Développé et commercialisé sous le nom OxyContin par le laboratoire privé Purdue Pharma, ce puissant analgésique est derrière le décès de plus de 600 000 personnes aux USA entre 1999 et 2021, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Douze millions d'Américains en seraient aussi devenus dépendants.

Un total de plus d'un milliard et demi de dollars

Des milliers de poursuites judiciaires ont été intentées par des collectivités, des écoles, des communautés autochtones et des citoyens américains, particulièrement les parents d'enfants nés avec des symptômes de sevrage. Les laboratoires pharmaceutiques sont accusés d'avoir minimisé les risques liés aux opioïdes. Selon les plaignants, les distributeurs ont ignoré les signaux d'alarme tandis que le cabinet de conseil McKinsey a élaboré des stratégies de commercialisation agressive et des plans marketing "trompeurs" afin de "maximiser les revenus" de ses clients.

Les poursuites ont abouti au paiement, par les principaux fabricants et les distributeurs, d'un total de plus de 51 milliards de dollars. Quant à McKinsey, le montant ne cesse de grimper au fil des mois. En 2021, le sulfureux cabinet a accepté de payer la somme de 640 millions de dollars pour se dégager des contentieux avec les procureurs généraux de 50 États américains.

En octobre 2023, McKinsey a accepté de payer 230 millions de dollars supplémentaires pour mettre fin à d'autres poursuites. Des documents judiciaires déposés en septembre de la même année démontraient que 207 millions de dollars seront versés aux gouvernements locaux et 23 millions sont destinés aux districts scolaires publics (autorité chargée de la gestion des écoles sur un territoire déterminé, NDLR). Un juge du tribunal du district nord de la Californie a  donné son approbation finale à cet accord.

Le cabinet doit encore mettre la main à la poche. Le 13 décembre dernier, il a accepté de régler la coquette somme de 650 millions de dollars, dans le cadre d'un autre accord, enregistré cette fois-ci auprès d'un tribunal de Virginie, lui évitant un procès pénal lié à la crise des opioïdes. Au total, McKinsey pourrait payer plus d'un milliard et demi de dollars pour éviter des condamnations.

Il s'agit principalement du même reproche déjà fait au cabinet, c'est-à-dire conseiller des fabricants d'opiacés, dont Purdue Pharma et son OxyContin, pour booster la vente d'antidouleurs.

Selon l'accord, McKinsey admet avoir conspiré, en toute connaissance de cause, pour aider et encourager les laboratoires incriminés à fournir sciemment une communication fallacieuse sur des médicaments hautement dosés, addictifs et prescrits sur ordonnance.

Sous surveillance pendant 5 ans

Le cabinet accepte aussi d'être sous surveillance pendant une durée de 5 ans pour son rôle dans le scandale des opiacés. Si McKinsey ne bénéficie pas de la bienveillance des autorités américaines pour ne pas avoir révélé et admis son rôle dans le temps, le cabinet a fait de sa coopération un levier de négociation. Il avait déjà annoncé en 2019 sa décision de cesser d'offrir ses services sur les affaires liées aux opioïdes et s'est engagé dans ce nouvel accord à ne plus conseiller les fabricants d'opiacés ou de tout autre narcotique, ni pour leur développement, leur fabrication, leur promotion ou leur vente.

Purdue Pharma, qui a également fait face à plusieurs affaires et considéré comme le principal responsable de cette crise sanitaire aux États-Unis, avait bénéficié en 2021 d'un accord mettant fin aux poursuites avec le versement de 10 milliards de dollars de pénalités, dont 4,5 milliards apportés par le propriétaire historique, à savoir la famille Sackler. Deux ans auparavant, le labo se déclarait en faillite pour espérer en tirer les 10 milliards en questions.

Outre la crise des opioïdes aux USA, McKinsey est associé à de nombreux autres scandales, tant sur la scène internationale que sur la scène nationale. Le cabinet a contribué à la crise financière de 2008 après avoir encouragé les banques à transformer les crédits immobiliers de leurs clients en titres adossés à des créances hypothécaires, une technique consistant à transférer le risque de non-paiement des hypothèques aux investisseurs qui en ont fait l'acquisition.

En France, le cabinet fait l'objet de trois enquêtes de la part du Parquet national financier (PNF) après avoir été accusé fin 2022 par la commission d'enquête du Sénat d'optimisation fiscale entre 2011 et 2020. La première enquête vise McKinsey pour "blanchiment aggravé de fraude fiscale" tandis que les deux autres informations judiciaires portent sur l'intervention du puissant cabinet dans les campagnes électorales de 2017 et 2022 du président de la République, Emmanuel Macron.

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