Marcel Monin pour France-Soir
Il y a une quarante d'années, des esprits distingués qui avaient le pouvoir, imaginèrent que les élus dépenseraient mois, s'ils empruntaient auprès des banques privées et autres financiers privés, lorsque l'argent des impôts ne leur donnaient pas assez de moyens, Et non plus auprès de l'Etat lui-même (1), via la Banque de France. La perspective d'avoir à leur payer des intérêts (ou à tout le moins à faire payer ces intérêts par les contribuables- électeurs) étant censée leur faire passer leurs mauvaises habitudes.
Ces idées étaient moins stupides qu'il peut y paraître (quelle qu'ait été l'augmentation vertigineuse de la dette qui les a suivies).
Pour au moins deux raisons.
Déjà, parce que la réforme qui s'en est suivie a été une aubaine pour ceux qui avaient des capitaux à placer. Les bons du trésor leur assuraient d'être tranquilles longtemps puisque les politiques puisaient dans la poche des contribuables. Et puisque les politiques empruntaient sans cesse pour rembourser et si besoin pour assurer le paiement des intérêts. Ce qui n'aurait pas été le cas si l'Etat ou les collectivités territoriales s'étaient procuré l'argent auprès de l'Etat. Etat qui pouvait exiger ou non le remboursement. Etat disposant de la maîtrise (lui et non les marchés financiers) de la détermination du taux d'intérêt en fonction de la politique économique, s'il entendait en mener une (librement).
Ensuite, parce pour le commun des mortels, « qui dit dette, dit remboursement » (capital et intérêts). Sentiment et surtout argument qui engendrent une deuxième opportunité, quand les politiques veulent réaliser le désendettement par l'abandon de certains services publics ou l'arrêt de certaines prestations. (On ne sait guère faire autre chose). Ce qui permet aux détenteurs privés de capitaux de mettre la main sur ces activités (2), qui doivent continuer (transports par rail ou par autobus, enseignement, médecine, …et même sécurité), donc, qui peuvent rapporter. Ce qu'ils ne pourraient pas espérer si les prêts étaient remboursés par une simple émission monétaire par l'Etat.
Il est donc probable que les dirigeants actuels continueront à dire aux citoyens, quitte à se moquer quand même un peu d'eux, (et à faire dire et répéter par les médias amis), que ce ne serait pas bien que ces derniers transfèrent à leurs enfants la charge de la dette. Dette que les dirigeants en question ont contractée à l'occasion du … bon déroulement de leur carrière politique.
Marcel-M. MONIN
ancien m. de conf. des universités.
(1) Le traité de Maastricht interdit carrément de le faire.
(2) Préoccupation qui a fait l'objet de la formulation d'un principe recouvrant en réalité des intérêts très concrets. On se rappelle que ceux qui ont provoqué le transfert du pouvoir des mains du roi vers les leurs en 1789 ont proclamé le principe de la « liberté du commerce et de l'industrie ». Qui veut en réalité dire, que tout ce qui est susceptible de rapporter de l'argent doit être réservé à l'initiative privée. Préoccupation que l'on retrouve dans la jurisprudence sur les interventions économiques des communes. Lesquelles ne peuvent mettre en place des activités de type commercial (comme ouvrir une boucherie) que lorsque l'initiative privée est défaillante, et que pour le temps de cette défaillance.