Par Chris Hedges, le 6 janvier 2025
Israël et Washington poursuivront le génocide à Gaza de nombreux mois, jusqu'à ce que les Palestiniens soient exterminés ou chassés de leur patrie, et que le Grand Israël devienne réalité.
Le cadeau d'adieu de Joe Biden de 8 milliards de dollars de ventes d'armes à l'État d' apartheid d'Israël confirme l'effroyable réalité du génocide à Gaza. Ce n'est pas la fin. Ce n'est même pas le début de la fin. Il s'agit d'une guerre permanente, sans fin, destinée non pas à détruire le Hamas ou à libérer les otages israéliens, mais à éradiquer, une fois pour toutes, les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie. Il s'agit de la dernière étape de la création du Grand Israël, qui inclura non seulement Gaza et la Cisjordanie, mais aussi des pans entiers du Liban et de la Syrie. C'est l'aboutissement du rêve sioniste. Et il se paiera par un bain de sang - palestinien, libanais et syrien.
Le ministre de l'Agriculture et de la Sécurité alimentaire d'Israël, Avi Dichter, avançait probablement des estimations prudentes lorsqu'il a déclaré:
"Je pense que nous resterons longtemps à Gaza. Je crois que la plupart des gens pensent qu'[Israël] sera des années dans la situation d'une sorte de Cisjordanie où on entre et sort, et peut-être uniquement le long d[u couloir de] Netzarim" [zone tampon établie à Gaza par Israël coupant l'enclave en deux d'est en ouest].
L'extermination de masse prend du temps. Elle est également coûteuse. Heureusement pour Israël, son John Mearsheimer and Stephen Walt - The Israel Lobby and US Foreign Policy aux États-Unis a la mainmise sur le Congrès, notre système électoral et le récit des médias. Les Américains, bien que 61 % d'entre eux soient favorables à l'arrêt des livraisons d'armes à Israël, paieront pour cela. Et ceux qui expriment leur désaccord seront envoyés dans des trous noirs sionistes où leur voix sera réduite à néant et leur carrière compromise, ou détruite. Donald Trump et les Républicains méprisent ouvertement la démocratie, mais c'est aussi le cas des Démocrates et de Joe Biden.
Les États-Unis ont fourni 17,9 milliards de dollars d'aide militaire à Israël d'octobre 2023 à octobre 2024, une augmentation substantielle par rapport à l'aide militaire de 3,8 milliards de dollars que les États-Unis accordent déjà à Israël chaque année. Il s'agit d'un record pour une simple année. Le département d'État a informé le Congrès qu'il a l'intention d'approuver 8 milliards de dollars supplémentaires d'achats d' armes fabriquées aux États-Unis par Israël. Cette somme permettra à Israël d'acquérir davantage de systèmes de guidage GPS pour les bombes, d'obus d'artillerie, de missiles pour avions de chasse et hélicoptères, et de bombes, notamment 2 800 bombes MK-84 non guidées, qu'Israël a pour habitude de larguer sur les campements de tentes densément peuplés dans la bande de Gaza. L'onde de choc provoquée par la MK-84 d'une tonne pulvérise les bâtiments et anéantit la vie dans un rayon de 400 m. L'explosion, qui détruit les poumons, arrache les membres et fait éclater les sinus jusqu'à des centaines de mètres de l'impact, creuse des cratères de 15 mètres de large et 3,5 mètres de profondeur. Israël semble avoir utilisé ce type de bombe pour assassiner Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, à Beyrouth le 27 septembre 2024.
Le génocide et la décision de l'alimenter à coups de milliards de dollars marquent un tournant inquiétant. Il s'agit d'une déclaration publique des États-Unis et de leurs alliés en Europe selon laquelle le droit international et humanitaire, bien que bafoué de manière flagrante par les États-Unis en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie et, une génération plus tôt, au Viêt Nam, ne veut plus rien dire. Nous ne le respecterons même plus du bout des lèvres. Nous vivrons dans un monde hobbesien où les nations dotées d'armements industriels les plus perfectionnés feront loi. Les pauvres et les vulnérables s'agenouilleront pour se soumettre. Le génocide à Gaza est le modèle de l'avenir. Et les pays du Sud le savent.
Les "damnés de la terre" dépourvus d'équipements de pointe, d'armée moderne, d'unités d'artillerie, de missiles, de Marines, d'unités blindées et d'avions de guerre, riposteront avec des outils rudimentaires. Ils opposeront des actes individuels de terreur à des campagnes massives de terreur d'État.
Sommes-nous surpris qu'on nous déteste ? La terreur engendre la terreur. Nous l'avons vu à la Nouvelle-Orléans, où un homme qui aurait été inspiré par l'État islamique en Irak et en Syrie (État islamique) a tué 14 personnes en lançant sa camionnette dans la foule du Nouvel An. Nous en verrons d'autres. Mais soyons clairs. C'est nous qui avons commencé. La vacuité morale des kamikazes naît de notre propre absence d'éthique.
La frustration d'Israël face à la résistance acharnée à Gaza, en Cisjordanie, au Yémen et au Liban accroît sa soif de sang. Les membres de la commission des Affaires étrangères et de la Défense d'Israël ont adressé une lettre au ministre de la Défense Israël Katz, appelant le gouvernement à intensifier le blocus de Gaza.
"Le contrôle effectif du territoire et de la population est le seul moyen de purger l'enclave de l'ennemi, et de remporter une victoire décisive, plutôt que de faire du sur-place dans une guerre d'usure, où le camp le plus éprouvé est celui d'Israël", écrivent-ils. "C'est pourquoi nous en sommes à réintroduire nos soldats dans des quartiers et des rues déjà conquis à maintes reprises".
Israël, lit-on dans la lettre, doit procéder à
"l'élimination à distance de toute source d'énergie, c'est-à-dire le carburant, les panneaux solaires et tout dispositif correspondant (tuyaux, câbles, générateurs, etc.)". Il doit veiller à "l'élimination de toute source de nourriture, y compris les stocks, l'eau et tous les équipements concernés (pompes à eau, etc.)" et doit favoriser "l'élimination à distance de toute personne se déplaçant dans la zone et n'arborant pas de drapeau blanc pendant les journées du blocus effectif".
La lettre conclut
qu'"après ces mesures et les journées de blocus imposées à ceux qui restent, [les] FDI doivent intervenir progressivement et procéder à un nettoyage total des foyers ennemis..... C'est ce qu'il faut faire dans le nord de la bande de Gaza, et de la même manière dans tout autre territoire : encerclement, évacuation de la population vers une zone humanitaire, et blocus effectif jusqu'à la reddition ou l'élimination définitive de l'ennemi. C'est ainsi qu'agissent toutes les armées, et c'est ainsi que doit agir l'armée israélienne".
En bref, exterminer les brutes.
Shamsud-Din Jabbar, le vétéran de l'armée américaine de 42 ans qui a foncé avec sa camionnette sur la foule de fêtards du Nouvel An à la Nouvelle-Orléans, tuant 14 personnes et en blessant 35 autres, s'est adressé à nous dans les termes utilisés pour s'adresser au monde arabe. Mort aveugle. Ciblage d'innocents. Indifférence totale à l'égard de la vie. Soif de vengeance. Diabolisation des autres. La croyance que le destin, Dieu ou la civilisation occidentale a décrété que nous avons le droit d'imposer notre vision du monde par la violence. Jabbar, qui a mis en ligne des vidéos où il affiche son soutien à l'État islamique, est notre doppelgänger meurtrier [Doppelgänger : terme allemand signifiant 'double fantomatique d'une personne vivante']. Et il ne sera pas le dernier.
"Quand une société se voit dépossédée, quand les injustices qui lui sont infligées semblent sans issue, quand 'l'ennemi' est tout-puissant, quand son propre peuple est assimilé à des insectes, des cafards, des 'animaux à deux pattes', alors l'esprit échappe à la raison",
écrit Robert Fisk and the Great War for Civilization (w/ Lara Marlowe) | The Chris Hedges Report dans ' The Great War for Civilization'.
"Il est doublement fasciné : par l'idée d'une vie après la mort, et par l'idée que cette croyance fournira, d'une manière ou d'une autre, une arme au potentiel supérieur à une bombe nucléaire".
En 1983, alors que les États-Unis transformaient Beyrouth en base de l'OTAN et usaient de leur puissance de feu contre les guérillas musulmanes dans les montagnes à l'est, les Gardiens de la révolution iraniens à Baalbek promettaient que Dieu débarrasserait le Liban de la présence américaine. J'ai écrit à l'époque - sans en douter - qu'il s'agirait probablement d'une bataille titanesque : la technologie américaine contre Dieu. Qui allait l'emporter ? Puis, le 23 octobre 1983, un kamikaze solitaire a conduit un camion chargé d'explosifs dans le complexe des Marines américains à l'aéroport de Beyrouth et a tué 241 militaires américains en six secondes... Plus tard, j'ai interviewé l'un des rares Marines survivants à avoir vu le kamikaze.
"Tout ce dont je me souviens", m'a-t-il dit, "c'est qu'il souriait".
Ces actes de terrorisme, ou dans le cas de Gaza, de la Cisjordanie, du Liban et de la Résistance armée au Yémen, sont invoqués pour justifier des massacres de masse sans fin. Cette Via Dolorosa engendre une spirale de mort globale, d'autant que la crise climatique transforme la planète et que les organismes internationaux, tels que les Nations unies et la Cour pénale internationale, ne sont plus que des appendices vides de sens.
Nous semons des dents de dragon au Moyen-Orient et, comme dans l'ancien mythe grec, ces dents resurgiront, telles des guerriers enragés résolus à nous détruire.