20/01/2025 investigaction.net  9min #266616

Pourquoi les milliardaires et les grandes entreprises financent l'investiture de Trump

Morgan Artyukhina

AFP

Certaines des personnes les plus riches du pays ont versé des centaines de millions de dollars au comité d'investiture de Donald Trump. À l'aube de son deuxième mandat, ce geste rappelle au président qui détient le véritable pouvoir derrière le trône.

Couronner un dirigeant capitaliste

Le comité d'inauguration présidentielle est chargé de financer et de coordonner les divers bals, dîners et autres cérémonies d'apparat lors l'inauguration présidentielle. Selon de récentes informations, ce comité a déjà engrangé le chiffre record de 170 millions de dollars et devrait même dépasser la barre des 200 millions. Cette somme colossale représente près du double de ce que Trump avait collecté pour sa première investiture présidentielle en 2017. Et à l'époque, c'était déjà près du double de ce que son prédécesseur, Barack Obama, avait collecté avant son investiture de 2009 : 53 millions de dollars.

L'argent provient de certaines des personnes les plus riches du pays, dont beaucoup ont déboursé des millions de dollars chacune. Contrairement aux campagnes politiques, il n'y a pas de limite au montant qu'une personne ou une entreprise peut donner au comité d'investiture d'un président.

La liste complète des donateurs et les montants versés seront publiés 90 jours après l'investiture. Mais des fuites dans les médias et  des recherches menées par Public Citizen nous ont donné une idée des noms qui figurent sur la liste.

On trouve notamment le fondateur d'Amazon Jeff Bezos, le PDG d'OpenAI Sam Altman, le fondateur de Meta Mark Zuckerberg, le PDG d'Uber Dara Khosorwshahi, le gestionnaire de fonds spéculatifs Ken Griffin. Il y a aussi des entreprises comme le géant de l'automobile Ford et Robinhood, l'application pour les traders amateurs. Selon Public Citizen, Amazon, AT&T, Google, GM, Microsoft et Toyota ont chacun contribué à hauteur d'un million de dollars. Uber et son PDG Dara Khosrowshahi ont pour leur part donné deux millions de dollars.

Bezos, deuxième homme le plus riche du monde,  a déclaré au New York Times après l'élection qu'il était « très optimiste » quant à une présidence Trump. « Il semble consacrer beaucoup d'énergie à la réduction de la réglementation, et si je peux l'aider à le faire, je l'aiderai », a déclaré Bezos.

Il est vrai que nous avons trop de réglementations dans ce pays.

Leur message est clair : en prêtant serment le 20 janvier, Trump devra travailler pour eux. Karl Marx l'avait déjà écrit dans « Le Manifeste communiste » en 1848 : « L'exécutif de l'État moderne n'est qu'un comité chargé de gérer les affaires communes de l'ensemble de la bourgeoisie. »

« Il veut juste que l'Amérique gagne »

Trump a chargé Kelly Loeffer de gérer de cette cagnotte occulte. Il l'a également désignée pour diriger la Small Business Administration. Loeffer s'est d'abord fait un nom en tant que PDG d'une société de gestion d'actifs, puis en tant que sénatrice d'extrême droite de Géorgie. Elle avait soutenu les tentatives de Trump de renverser les résultats de l'élection présidentielle de 2020, mais elle avait fait volte-face après l'insurrection du 6 janvier 2021, dénonçant avec émotion devant le Congrès US une tentative de coup d'État.

Toutefois, comme beaucoup de membres de la classe dirigeante capitaliste, Loeffler a ensuite enterré la hache de guerre avec Trump. Elle est ainsi devenue l'un des principaux donateurs pour sa campagne électorale de 2024, avec 4,7 millions de dollars.

Parmi les autres magnats de la finance ayant placé des billes dans le comité d'investiture, on trouve Diane Hendricks. En 2016, elle avait déjà soutenu généreusement la campagne électorale de Trump. Elle avait ensuite obtenu  des millions de déductions fiscales offertes par Trump une fois qu'il était au pouvoir. Pour la campagne électorale de 2024, Diane Hendricks s'est montrée encore plus généreuse. Miriam Adelson est également de la partie. Cette milliardaire est une méga-donatrice du parti républicain. Elle a dépensé 100 millions de dollars pour un super PAC pro-Trump. Adelson est également un important soutien financier de diverses institutions sionistes aux États-Unis et l'éditrice du plus grand journal israélien Israel Hayom. En octobre 2023, elle signait  une carte blanche dans Forbes, dénonçant les Palestiniens et leurs partisans : « Ils devraient être morts pour nous ».

Zuckerberg avait d'abord adopté une posture d'opposition à Trump. Durant son premier mandat, Facebook et Instagram avaient ainsi mis en place des mécanismes de contrôle de la désinformation et des discours violents. Mais depuis, en prévision d'un second mandat, Zuckerberg s'est rabiboché avec Trump. Meta a offert un million de dollars pour le comité d'investiture. Zuckerberg s'est par ailleurs rendu récemment au complexe de Mar-a-Lago pour une visite personnelle à Donald Trump.

« C'est l'une des choses pour lesquelles je suis optimiste avec le président Trump : je pense qu'il veut simplement que l'Amérique gagne », a déclaré Zuckerberg au podcasteur pro-Trump Joe Rogan début du mois. Meta a récemment annoncé qu'il réduisait le contrôle de la parole pour autoriser les discours haineux contre les femmes et les personnes LGBTQ, deux groupes  dans la ligne de mire de l'extrême droite à mesure que Trump revient au pouvoir.

Jeff Bezos et Bill Gates se sont également rendus à Mar-a-Lago ces dernières semaines pour se réconcilier avec Trump. Bill Gates s'était précédemment heurté au président sur des questions relatives à l'efficacité des vaccins et au financement de l'Organisation mondiale de la santé - une entité dans laquelle  Gates a investi des milliards. Mais après l'élection présidentielle du 5 novembre 2024, 𝕏 Gates a tweeté : « Félicitations au président Trump et au vice-président élu Vance. L'Amérique est la plus forte lorsque nous utilisons l'ingéniosité et l'innovation pour améliorer les vies ici aux États-Unis et dans le monde entier. J'espère que nous pourrons travailler ensemble maintenant pour construire un avenir meilleur pour tout le monde. »

Les milliardaires ont-ils peur de Trump ? Pas du tout

La presse capitaliste a décrit ces dons massifs et ces visites personnelles comme des actes désespérés de capitaines d'entreprise qui, par crainte, tenteraient de « s'attirer les faveurs » de Donald Trump.

Par exemple, Craig Holman, lobbyiste chargé des affaires gouvernementales chez Public Citizen,  a déclaré à CNBC que les donateurs « craignent vraiment que Donald Trump ne se venge contre eux ».

« Zuckerberg veut sortir de la liste des ennemis de Trump »,  a également commenté Brian Stelter, analyste en chef des médias sur CNN.

C'est une explication simpliste.

Bien sûr, Trump a lui aussi présenté les choses de cette façon. A un journaliste,  il a déclaré que Zuckerberg avait « probablement » changé d'avis parce qu'il l'avait menacé de le jeter en prison « s'il faisait quoi que ce soit d'illégal » pendant l'élection.

En réalité, lors de son entretien avec Joe Rogan, Zuckerberg a dévoilé les raisons pour lesquelles il apprécie Trump et son Amérique qui « gagne ».

« Je pense que l'industrie technologique américaine est un point positif dans l'économie américaine. Je pense que c'est un avantage stratégique pour les États-Unis d'avoir beaucoup d'entreprises parmi les plus fortes du monde et je pense que cela devrait faire partie de la stratégie des États-Unis de défendre cela à l'avenir », a expliqué le PDG de Meta.

Ce que Stelter a continué à dire est beaucoup plus proche de la vérité. « Il veut un traitement favorable pour Meta de la part du gouvernement américain, il veut que l'affaire de la FTC [Federal Trade Commission] contre son entreprise disparaisse, et je pense que tout ce qu'il fait devrait être considéré sous cet angle », a souligné l'analyste de CNN.

L'aveu flagrant de Zuckerberg, un moment où l'on « dit tout haut ce qui ne se dit pas », révèle pourquoi des sionistes enragés comme Adelson, des magnats de la technologie comme Zuckerberg, Bezos et Gates, et une myriade de méga-financiers, de traders et d'hommes d'affaires se sont unis pour parrainer la réélection de Trump et acheter leur place dans les fêtes d'investiture où ils pourront côtoyer Trump et sa coterie : ils font confiance à Trump pour défendre leurs intérêts en tant que chef de l'exécutif du plus grand empire capitaliste de la planète.

Écraser la concurrence chinoise

Durant son premier mandat, Trump a mené une guerre commerciale et une campagne de diabolisation contre la Chine visant à couper les entreprises chinoises des principaux marchés, et plus particulièrement du marché US. Sous Trump et sous Joe Biden, les Américains se sont ainsi vu interdire d'acheter des produits de centaines d'entreprises technologiques chinoises, dont des leaders mondiaux comme Huawei, Tencent, Xiaomi et Semiconductor Manufacturing International Corporation.  Les analystes de la défense US ont également identifié les entreprises chinoises qui prenaient la tête de la recherche sur l'intelligence artificielle dans le cadre d'un programme dirigé par l'État et visant à faire de la Chine une grande puissance en matière d'intelligence artificielle d'ici 2030. Pour Washington, cela fait partie de la menace stratégique que la Chine est censée faire peser.

Durant son second mandat, Trump s'est engagé à appliquer  des droits de douane élevés sur les importations chinoises. Si la diminution des achats fera certainement du tort aux entreprises chinoises qui vendent aux États-Unis, les véritables victimes de cette politique seront les acheteurs américains, pour qui les prix de ces produits augmenteront encore plus qu'ils ne le font déjà.

Seul le peuple peut s'opposer aux milliardaires

Quels que soient les prétextes invoqués ou le parti à la tête de la Maison-Blanche, l'objectif est le même : protéger les entreprises US de la concurrence étrangère, et plus particulièrement de la Chine. Les personnes les plus riches du pays ont confié à Trump la tâche de gérer cette concurrence de manière à protéger leurs profits. Et c'est dans ce seul but qu'elles ont décidé d'injecter de l'argent dans la campagne de Trump et dans son comité d'investiture. Ils attendent un fort retour sur investissement.

Le deuxième mandat de Trump annonce une guerre totale contre les travailleurs US et la planète, car l'objectif est d'aider les milliardaires à piller le trésor public et à maximiser leurs profits à nos dépens. Plus que jamais, il est clair que les travailleurs et les opprimés doivent s'unir pour lutter contre cet effort et rejeter toutes les tentatives de division qu'ils essaient de semer parmi nous. La classe dirigeante ne nous surpasse pas, elle est juste mieux organisée.

Source originale :  Liberation News
Traduit de l'anglais par GL pour  Investig'Action

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