27/01/2025 ssofidelis.substack.com  7min #267220

 Les risques de l'intelligence artificielle : La bombe chinoise Deepseek ébranle le projet de 500 milliards de dollars de Trump pour l'Ia

L'Ia chinoise Deepseek délocalise la capitale de la technologie de Palo Alto à Hangzhou

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Par  Mike Whitney, le 24 janvier 2025

En l'espace de quelques jours, le phénomène de l'IA chinoise, DeepSeek R1, est passé du statut de petite brise à celui d'ouragan force 5. Personne dans la Silicon Valley ou à Washington DC n'aurait jamais pu imaginer que son monde était en train d'être bousculé par un nouveau produit innovant qui ferait bouger les lignes géopolitiques plus à l'est. C'est pourtant ce qui s'est passé. Et ce n'est pas seulement parce que la dernière version de DeepSeek égale ou surpasse les performances du meilleur modèle américain, OpenAI, mais parce qu'elle est moins chère, plus accessible et plus transparente. L'IA est à la portée de tous, indépendamment du statut ou des revenus de chacun. Son émergence soudaine a jeté le doute sur la capacité des géants occidentaux de la technologie à anticiper les performances de leurs concurrents ou à gérer un secteur essentiel permettant à Washington de préserver sa mainmise sur le pouvoir mondial, qui ne cesse de décliner. Voici un bref résumé de Venture Beat:

"....grâce à la sortie de DeepSeek R1, un nouveau modèle de langage étendu qui effectue un "raisonnement" similaire au meilleur modèle disponible d'OpenAI o1 - prenant plusieurs secondes ou minutes pour répondre à des tâches complexes et résoudre des questions pointues alors qu'il revient sur sa propre analyse étape par étape, ou "enchaînement de pensées".

"De plus, DeepSeek R1 a obtenu des résultats aussi performants, voire supérieurs, à ceux du modèle o1 d'OpenAI dans le cadre de divers tests de référence effectués par des tiers... et aurait été formé pour un coût bien moindre..., avec beaucoup moins d'unités de traitement graphique (GPU), dans le cadre d'un embargo strict imposé par les États-Unis, le territoire d'origine d'OpenAI.

"Mais contrairement à o1, qui n'est disponible que pour les abonnés payants de ChatGPT du niveau Plus (20 $ par mois) et des niveaux plus coûteux (comme Pro à 200 $ par mois), DeepSeek R1 a été mis en ligne en tant que modèle entièrement gratuit, ce qui explique aussi pourquoi il a rapidement explosé au hit-parade des plus téléchargés et des plus actifs des modèles de la communauté de partage de code d'IA Hugging Face".  "Why everyone in AI is freaking out about DeepSeek" [Voilà pourquoi tous les acteurs de l'IA s'inquiètent de DeepSeek] venturebeat.com, Venture Beat

"Flipper" est probablement l'euphémisme du siècle. La Silicon Valley est en plein désarroi, et la voie à suivre est loin d'être tracée. Comme nous allons le voir, les mandarins occidentaux de la technologie vont devoir retourner à la case départ et modifier leur approche pour s'adapter aux nouvelles réalités. En bref, l'ordre du jour est fixé par des individus dont les priorités, les valeurs et les croyances sont autres et qui vivent à 10 000 kilomètres de là. Ils n'adhèrent pas au concept du renforcement de la surveillance policière et étatique ou d'autres formes répressives de contrôle social via les progrès technologiques (comme c'est le cas en Occident). Leur vision de l'avenir est tout à fait différente, mais toujours optimiste.

Avez-vous remarqué que

"DeepSeek R1 a obtenu des résultats aussi performants, voire supérieurs, à ceux de o1 d'OpenAI (alors qu'il est soumis à un embargo sévère imposé par les États-Unis)" ?

En d'autres termes, ces petits génies chinois ont créé leur version de pointe avec une main attachée dans le dos. Ils se sont affranchis des lourdes sanctions imposées par Washington et ont battu l'Oncle Sam à son propre jeu, un véritable exploit. (Forbes : "Les contrôles américains à l'exportation sur les semi-conducteurs avancés étaient destinés à ralentir les progrès de la Chine en matière d'IA, mais ils ont peut-être involontairement stimulé l'innovation"). Et ce n'est pas tout :

"grâce à son statut de logiciel libre, les utilisateurs ont déjà perfectionné et développé de nombreuses variantes du modèle à des fins spécifiques, par exemple en le rendant suffisamment léger pour pouvoir être exécuté sur un appareil mobile ou en le combinant avec d'autres logiciels de ce genre. Même si vous souhaitez l'utiliser à des fins de développement, les coûts de l'API de DeepSeek sont inférieurs de plus de 90 % à ceux du modèle o1 équivalent d'OpenAI".  "Why everyone in AI is freaking out about DeepSeek" ["Pourquoi tous les acteurs de l'IA s'inquiètent de DeepSeek], Venture Beat

Moins cher, plus adaptable et plus transparent. On peut faire mieux ? On peut :

"Le plus impressionnant, c'est qu'il n'est même pas utile d'être ingénieur en informatique pour l'utiliser : DeepSeek dispose d'un site web et d'une application mobile gratuits, même pour les utilisateurs américains, avec une interface de chatbot alimentée par R1 très similaire à ChatGPT d'OpenAI. Sauf qu'une fois de plus, DeepSeek a pris le pas sur OpenAI en connectant ce puissant modèle de raisonnement à la recherche sur le web - ce qu'OpenAI n'a pas encore fait..." " Why everyone in AI is freaking out about DeepSeek", Venture Beat

L'auteur a-t-il raison ? Les grands noms de la technologie et leurs alliés financiers sont-ils en train de "flipper" à propos de DeepSeek, ou considèrent-ils qu'il s'agit d'un problème mineur sur la voie de la suprématie de l'IA ? Voici sa réponse à la question :

Un message posté sur Blind a fait le tour de la toile, suggérant que Meta est en crise à cause du succès de DeepSeek, parce qu'il a rapidement surpassé les propres initiatives de Meta pour être le roi de l'IA open source avec son modèle Llama.

Il semble que beaucoup soient très inquiets, et pour de bonnes raisons. DeepSeek est une bombe nucléaire lancée au coeur de la Silicon Valley. C'est un véritable défi lancé à la famille impériale américaine des brahmanes de la technologie, qui croyaient leur règne éternel. Aujourd'hui, ils sont obligés de rattraper le temps perdu face à un contingent de nouveaux cerveaux qui bouleversent leur univers. Plus encore, l'avenir de l'IA se décide à Hangzhou et non à Palo Alto, et nous pourrions donc assister à une accalmie des guerres, l'Oncle Sam ayant plus de mal à financer ses interminables bains de sang. Le répit serait le bienvenu.

L'auteur de l'article ci-dessus cite même l'un de mes analystes préférés sur X, Arnaud Bertrand, une source précieuse d'informations impartiales sur l'évolution de la situation en Chine. Voici son commentaire :

"On ne saurait trop insister sur les changements profonds qui en résultent pour le monde entier. Et pas seulement en matière d'IA, c'est aussi une remise en cause massive de la tentative peu judicieuse des États-Unis de contrer le développement technologique de la Chine, sans lequel Deepseek n'aurait sans doute jamais vu le jour..."

Oui, l'embargo sur les semi-conducteurs s'est retourné contre nous de manière spectaculaire, illustrant une fois de plus que nous sommes gouvernés par des crétins incompétents qui rêvent de punir ceux qui enfreignent les règles inventées à l'arrache. Il suffit de contempler le gâchis engendré par ces (tout) "petits génies".

Nous terminerons par cette critique éclairée de M. Bertrand sur le projet Stargate de Trump, d'une valeur de 500 milliards de dollars, et qui sera obsolète avant même la première étape :

"Le projet Stargate, s'il voit le jour, risque de devenir l'un des plus grands gaspillages de capitaux de l'histoire.. :

  1. Il repose sur des hypothèses dépassées relatives à la portée du calcul dans l'IA (le dogme "plus grand calcul = meilleure IA"), dont DeepSeek vient de prouver qu'elles sont erronées.
  2. Il considère que l'avenir de l'IA passe par des modèles fermés et contrôlés, malgré la nette préférence du marché pour des alternatives démocratisées et open-source.
  3. Il adopte le schéma de la guerre froide, en présentant la domination de l'IA comme une course à l'armement hardware à somme nulle, en contradiction avec la tendance actuelle de l'IA (logiciels libres, communautés mondiales de développeurs et écosystèmes collaboratifs).
  4. Il parie sur OpenAI, une société en proie à des problèmes de gouvernance et dont le modèle économique est loin de concurrencer la compétitivité de DeepSeek, dont les coûts sont 30 fois moins élevés que ceux d'OpenAI.

En bref, cela revient à construire une ligne Maginot numérique d'un demi-billion de dollars, un très coûteux ouvrage érigé sur des hypothèses obsolètes et erronées. C'est la dernière guerre pour OpenAI et, par extension, pour les États-Unis". - Arnaud Bertrand  @RnaudBertrand

Ou, comme l'a dit Jim Fan :

"L'avenir de l'IA, c'est la démocratisation..... C'est sur la vague historique qu'il faut surfer, pas contre...." - Jim Fan  @DrJimFan

Oui, en effet.

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