30/01/2025 ssofidelis.substack.com  14min #267558

La cause première du 7 octobre se nomme Donald Trump. En voici la preuve

Par  Mike Whitney, le 29 janvier 2025

Personne n'est plus responsable des attentats du 7 octobre que Donald Trump. C'est Trump qui est à l'origine des accords d'Abraham, conçus pour faire "disparaître" la question palestinienne, et planter un pieu en plein cœur de la solution à deux États. En appâtant les leaders arabes avec des accords bilatéraux ignorant les engagements antérieurs en faveur de la création d'un État palestinien souverain, Trump a tenté de faire taire les aspirations palestiniennes et d'enterrer la question pour toujours. Face à l'isolement et aux menaces croissantes, le Hamas a réagi dans l'espoir que la communauté internationale en prenne conscience et lui vienne en aide. En bref, les accords d'Abraham de Trump, la pseudo-initiative de paix qui a ouvert la voie au génocide, ont été la cause première de l'attentat du 7 octobre.

Joe Biden a d'ailleurs confirmé une grande partie de cette analyse lorsqu'il s'est exprimé le 25 octobre :

"Je suis convaincu qu'une des raisons pour lesquelles le Hamas a attaqué à ce moment-là... tient aux avancées réalisées vers l'intégration régionale pour Israël et l'intégration régionale dans son ensemble..."

Par "intégration régionale", Joe Biden fait référence aux accords d'Abraham, présentés comme un moyen pour les pays arabes de "normaliser" leurs relations avec Israël et de "faire avancer le processus de paix au Moyen-Orient". Mais ne vous laissez pas abuser par le battage médiatique. Les accords n'étaient que la phase 2 du cadeau bancal de Trump à Israël. Certains lecteurs se souviendront peut-être que la phase 1 du soi-disant plan de paix de Trump pour le Moyen-Orient

"prévoyait une Jérusalem unifiée comme capitale d'Israël et la souveraineté israélienne sur la vallée du Jourdain et les principales colonies juives de Cisjordanie, ce qui revient à l'annexion d'environ 30 % du territoire. Les Palestiniens se voyaient attribuer quelques zones arides près de la frontière égyptienne, avec une souveraineté limitée, et un État non contigu avec de nombreuses enclaves israéliennes...."

Ainsi, d'un revers de main, Trump a rompu avec tous ses précédesseurs présidentiels, toutes les résolutions applicables de l'ONU, et avec la politique étrangère traditionnelle des États-Unis datant de cinq décennies. Et ce n'était que le début car - comme nous les avons maintenant - les Accords d'Abraham ont déclenché l'effet domino qui a inexorablement mené à la pulvérisation de Gaza et au déplacement de deux millions de civils. En tant qu'auteur des accords, Trump est grandement responsable de la catastrophe en cours.

N'oublions pas que les accords n'avaient rien à voir avec la paix ou la normalisation. Comme l'a déclaré Dana El Kurd, chercheur au Arab Center,

"présenter les accords d'Abraham comme un accord de paix renforçant la stabilité entre les signataires est délibérément trompeur. Certes, la normalisation israélo-arabe ne saurait être considérée comme une "paix", mais plutôt comme la gestion autoritaire d'un conflit".

Vu sous cet angle, on comprend mieux comment les accords ont bouleversé le paysage de la région, et pourquoi persévérer dans cette voie ne permet pas d'envisager un avenir durable...

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"Gestion autoritaire des conflits" ?? C'est à dire ?

Cela veut dire que les incitations à participer aux accords ont davantage servi à renforcer la répression nationale qu'à promouvoir la paix régionale. Voici d'autres exemples :

"Les Émirats arabes unis, par exemple, ont élargi la portée de leur engagement avec des entreprises israéliennes spécialisées dans les technologies répressives et ont investi dans l'industrie israélienne de la défense. Le gouvernement marocain a également profité de la normalisation pour acquérir des compétences similaires. L'impact a été perçu très concrètement dans certains cas, des journalistes, des activistes et des intellectuels ayant été pris pour cible et souvent emprisonnés. Israël et les pays signataires sont gagnants sur toute la ligne. Les régimes arabes peuvent réprimer toute trace de dissidence dans la région et Israël faciliter l'investissement dans ses industries de défense et de cybersécurité tout en aidant à restreindre les discours critiques quant à son influence dans la région et à son oppression constante des Palestiniens.

"Pour être clair, Israël n'est pas l'unique source de technologies de surveillance ou d'autres technologies répressives, et les gouvernements arabes ont certainement sollicité d'autres sources. Néanmoins, la normalisation israélo-arabe exacerbe cette dynamique et accroît les capacités de ces régimes en diversifiant leurs sources de soutien".  Assessing the Abraham Accords, Three Years On, The Arab Center

Ainsi, les Accords d'Abraham ne sont pas une tentative pour "faire avancer le processus de paix au Moyen-Orient" mais un plan pour renforcer les dictatures tyranniques dont les Etats-Unis et Israël ont besoin pour promouvoir leur agenda régional. Ce qui veut dire que la seule normalisation en cours est celle de l'occupation qui dure depuis 75 ans et du massacre ininterrompu des femmes et des enfants palestiniens. Plus d'informations ici :

"Il est donc inexact de qualifier la normalisation israélo-arabe d'une quelconque forme de "paix". Il s'agit plutôt d'un processus qui rejette les véritables négociations et les réflexions plus approfondies sur les causes du conflit, et qui recourt au contraire à la coercition et au contrôle étatique pour atteindre plusieurs objectifs. En d'autres termes, les accords d'Abraham et tout ce qui en découle ne peuvent être considérés que comme une gestion autoritaire des conflits....(car) toute normalisation des liens avec Israël entraîne une répression, les régimes commençant à réprimer de manière proactive ceux qui s'opposeraient à cette évolution..."  Assessing the Abraham Accords, Three Years On ssofidelis.substack.com, The Arab Center

Et qui pourrait bien s'opposer à la normalisation des relations avec Israël ?

Pratiquement tous les Arabes du Moyen-Orient.

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Ce qui nous amène au point suivant :

Comme le savent tous ceux qui ont suivi l'évolution de la situation dans la région, Israël n'a jamais eu l'intention d'appliquer la résolution 242 des Nations unies ou de permettre la création d'un État palestinien. Les accords d'Abraham ont été concoctés par le gendre de Trump, Jared Kushner, qui voulait contourner les résolutions de l'ONU tout en faisant disparaître la question palestinienne une fois pour toutes C'était la stratégie de base de Trump et elle a forcé le Hamas à prendre des mesures drastiques pour perturber le processus de normalisation tout en recentrant l'attention sur la Palestine.

Nous avons déjà mentionné que le "Deal du siècle", ainsi nommé cyniquement par Trump, a convaincu le Hamas que le peuple palestinien était confronté à une crise existentielle qui ne pouvait être conjurée qu'en lançant une attaque massive qui forcerait d'autres pays à s'impliquer directement. C'est ce raisonnement qui a motivé les attentats du 7 octobre. Néanmoins, rares sont les analystes qui ont percé la supercherie et révélé la vérité sur ce qui s'est réellement passé. Branko Marcetic est l'un de ces journalistes qui a révélé les détails de la fraude de Trump dans un article fascinant sur le site Responsible Statecraft. Voici un extrait de son article :

"... le Département américain de la sécurité intérieure sous Donald Trump a averti en octobre 2020 que la violence terroriste allait s'enflammer de manière imminente..... (Le Département de la sécurité intérieure) a pointé du doigt les accords d'Abraham : la tentative pilotée par les États-Unis de normaliser les relations entre Israël et ses voisins arabes... Les accords d'Abraham qui en ont résulté ont été, du moins dans le monde néoconservateur, considérés comme un coup de "génie". Plutôt que de trouver une solution à la question apparemment insoluble de la création d'un État palestinien, ils l'ont simplement mise sur la touche....

"Les signataires ont renoncé à cette condition préalable de longue date en rétablissant les relations diplomatiques et en approfondissant la sécurité et la coopération économique avec Israël, tandis que Trump leur prodiguait des contreparties, comme un contrat d'armement pour les Émirats arabes unis (EAU), et la reconnaissance par les États-Unis de l'annexion du Sahara occidental pour le Maroc. L'initiative de paix arabe du gouvernement saoudien, qui, depuis son introduction en 2002, constituait le fondement du programme du monde arabe pour la résolution du conflit, en plaçant les Palestiniens au premier plan, a été supplantée de fait.

"Les nouveaux accords de normalisation reposaient sur l'hypothèse fondamentale et sournoise que les gouvernements de la région et la communauté internationale toute entière pourraient ignorer et oublier définitivement le sort des Palestiniens... Au fur et à mesure que les États arabes ont commencé à resserrer leurs liens avec Israël, ils ont de plus en plus renoncé à leurs positions historiques...

"La poursuite du processus de normalisation en dépit de ce qui aurait été considéré auparavant comme une provocation inacceptable vis-à-vis des Palestiniens et de l'Islam lui-même a été saluée par les soutiens de ces accords, comme preuve que la répression persistante des Palestiniens pouvait en effet être ignorée en toute quiétude. Mais la question palestinienne n'a pas pu être simplement oubliée, et la signature des accords a créé tout un ensemble de contradictions alimentant les tensions qui ont explosé le 7 octobre.

"Les Palestiniens eux-mêmes, dans toutes les enquêtes d'opinion, l'Autorité palestinienne et le Hamas, ont qualifié cette signature de "trahison", de "coup de poignard vicieux" et de "grave préjudice". Le Hamas a également appelé à "la mise en œuvre d'un plan global destiné à faire échouer la normalisation".

"Alors que le Hamas aurait planifié cette opération depuis deux ans et affirmé qu'elle était motivée par des années de violence à Al-Aqsa, son attaque ne peut être comprise sans la pression bipartite en faveur de la normalisation israélo-arabe aux dépens des Palestiniens, et sans l'indignation, la colère et le désespoir qu'elle a inspirés.

"Ce qui est clair - d'après le déchaînement exceptionnel de violence du Hamas, la guerre régionale plus étendue qu'il menace de déclencher, ainsi que les grandes manifestations pro-palestiniennes dans les pays arabes en réponse à la campagne de bombardements d'Israël - c'est que presque toutes les hypothèses qui sous-tendaient les accords d'Abraham étaient radicalement infondées, en particulier l'affirmation selon laquelle éliminer les Palestiniens permettrait d'instaurer une paix plus durable au Moyen-Orient".  Forget 'peace,' did Abraham Accords set stage for Israel-Gaza conflict? Responsible Statecraft.

Excellent résumé, mais reprenons :

  1. Les fonctionnaires du ministère de la Sécurité intérieure ont averti Trump que des problèmes se profilent parce que les accords d'Abraham incitent à la "violence terroriste". (Le 7 octobre n'était donc pas une surprise, c'était prévisible).
  2. Le département de la sécurité intérieure s'est inquiété de voir que, au lieu de "trouver une solution à la question de la création d'un État palestinien, (les accords) ne pouvaient que la mettre sur la touche....". (Une fois de plus, la cause immédiate du 7 octobre a été identifiée, puis ignorée).
  3. Au lieu de traiter la question palestinienne de manière équitable et rationnelle, "Trump a prodigué des gratifications aux (dirigeants arabes)" dans l'intention manifeste de forcer leur soutien. (Ça ressemble à de la corruption)
  4. "Alors que les États arabes ont commencé à approfondir progressivement leurs liens avec Israël, ils se sont de plus en plus éloignés de leurs positions historiques", ce qui fait référence à la proposition de paix arabe de 2002 qui prévoyait que l'ensemble des États arabes s'opposent à la normalisation avec Israël tant qu'Israël n'accepterait pas la création d'un État palestinien sur les terres occupées depuis 1967.
  5. Le Hamas a également appelé à "un plan global pour faire échouer la normalisation" (très important). Le Hamas a qualifié la "normalisation" (les accords d'Abraham) de menace existentielle qu'il fallait absolument contrer.
  6. L'attaque du Hamas "ne peut être comprise sans la pression bipartite en faveur de la normalisation israélo-arabe aux dépens des Palestiniens, et l'indignation, la colère et le désespoir qu'elle a inspirés". En résumé, les accords d'Abraham ont précipité les attentats du 7 octobre.

Une dernière réflexion :

Il y a un autre aspect captivant des attentats d'octobre, largement ignoré par les grands pontes, qui est lié à cette brève question : quel était l'objectif stratégique des attentats du 7 octobre ?

Qu'est-ce que le Hamas a voulu accomplir ?

Les médias voudraient nous faire croire que le Hamas n'avait aucun objectif stratégique, qu'il voulait simplement "tuer ou capturer des Juifs" pour satisfaire une pulsion profondément raciste. C'est évidemment une aberration. On a déjà vu que Trump a approuvé la saisie de davantage de terres palestiniennes alors que - dans le même temps - il sabotait activement les relations des Palestiniens avec leurs voisins arabes. La preuve est ainsi faite que c'est le Hamas qui s'est retrouvé "dos au mur", et non Israël. Le statut d'État palestinien risquait d'être réduit à néant si des mesures n'étaient pas prises pour inverser le cours des choses, et pour éviter que l'isolement, la marginalisation et "l'effacement" des Palestiniens ne s'aggravent encore davantage.

Mais comment une petite organisation mal armée pouvait-elle faire quoi que ce soit qui change de manière significative l'objectif poursuivi à la fois par Israël et par la superpuissance amie ?

Voilà le dilemme auquel le Hamas a été confronté, et voilà pourquoi il a opté pour une stratégie désespérée consistant à pousser Israël à une réaction excessive qui permettrait au reste du monde de voir l'inhumanité et la barbarie de l'État sioniste. C'était l'objectif, et nous le savons bien, car le plan a été exposé dans les moindres détails par le chef politique et militaire du Hamas, Yahya Sinwar, qui a publié la déclaration suivante dans une courte vidéo diffusée sur Twitter. Voici ce qu'il a dit :

"Dans un court délai de quelques mois - qui, selon mes estimations, ne dépassera pas un an - nous forcerons l'occupation à faire face à deux options : soit nous la contraignons à appliquer le droit international, à respecter les résolutions internationales, à se retirer de la Cisjordanie et de Jérusalem, à démanteler les colonies, à libérer les prisonniers et à assurer le retour des réfugiés, en parvenant à la création d'un État palestinien sur les terres occupées en 1967, y compris Jérusalem. Soit nous plaçons l'occupant en rupture et en contradiction avec le droit international dans son ensemble, nous l'isolons de manière extrême et radicale, et nous mettons fin à son intégration dans la région et dans le monde entier, en nous attaquant à l'effondrement observé sur tous les fronts de la Résistance au cours de ces dernières années". SuppressedNews
🔻Sinwar warned them, they should’ve listened

La déclaration ci-dessus expose la stratégie de Sinwar dans une prose lucide et sans ambiguïté. Le 7 octobre était une provocation manifeste visant à tirer profit de l'insatiable soif de violence et d'effusion de sang d'Israël. Sinwar n'était pas seulement conscient qu'Israël réagirait de manière excessive, mais il comptait précisément sur cette réaction. Il s'attendait à ce qu'ils fassent précisément ce qu'ils font depuis 15 mois : tout détruire sur leur passage, tuer des dizaines de milliers de civils et réduire l'ensemble de la bande de Gaza à l'état de ruines. La réaction excessive d'Israël a été le seul moyen pour le Hamas de redonner vie à la cause palestinienne, car c'est l'unique chance d'attirer le soutien et la solidarité de la communauté internationale. Telle était, en résumé, la stratégie de Sinwar : provoquer Israël et espérer que d'autres nations se sentent moralement obligées d'intervenir et de mettre fin au massacre. C'était un pari risqué, mais c'était la seule option possible.

Il se trouve que la stratégie de Sinwar a été largement fructueuse, si ce n'est que Washington a bloqué tous les appels de la communauté internationale à résoudre la crise, à déployer des forces de maintien de la paix ou à mettre en œuvre les résolutions correspondantes de l'ONU. Pourtant, Israël se trouve encore (comme l'avait prédit Sinwar) "en rupture et en contradiction avec le droit international, (et)isolé de manière extrême et radicale". Des sondages récents témoignent d'une baisse significative du soutien mondial à Israël. (Un sondage de Morning Consult a montré que les opinions favorables à l'égard d'Israël ont reculé dans 42 des 43 pays interrogés depuis le début de la guerre.) et la réputation (d'Israël) est de plus en plus ternie. Si la tentative de "faire le ménage" Gaza (comme l'a déclaré Trump) a lieu, Israël deviendra un paria planétaire pour les décennies à venir, peut-être même pour toujours. Et si ce statut ne dérange pas les Israéliens aujourd'hui, ils finiront par comprendre qu'il porte atteinte à leurs intérêts plus larges et à leur dignité collective. Finalement, Israël devra se conformer aux résolutions internationales et au droit humanitaire, ou affronter un avenir douloureux fait de privations, d'isolement, et de honte.

En tout état de cause, Sinwar a clairement poursuivi la seule stratégie susceptible de fonctionner. En fait, il aurait pu y parvenir si Washington avait refusé de fournir des bombes d'une tonne et autres armes létales. Mais maintenant que Washington est partie prenante au génocide, la lutte pour la création d'un État est appelée à se poursuivre. Il faudra au peuple palestinien le même courage et la même détermination que ceux dont il fait preuve depuis le début du conflit, il y a 76 ans. Il finira par l'emporter.

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