15/02/2025 ssofidelis.substack.com  5min #268957

Le Royaume-Uni espionnerait-il le Hamas pour le compte d'Israël ?

Par  Mark Curtis et  Phil Miller, le 13 février 2025

Des vols de surveillance de la Royal Air Force vers Gaza continuent d'avoir lieu lorsque des otages sont libérés.

La Royal Air Force (RAF) a effectué des vols de surveillance au-dessus de Gaza pendant les cinq jours du cessez-le-feu au cours desquels le Hamas a libéré des otages, a découvert Declassified.

Aucun avion espion n'a été envoyé vers la bande de Gaza pendant les 20 autres journées du cessez-le-feu.

Le dernier vol, effectué par un avion espion Shadow R1, a eu lieu le 8 février, lorsque trois Israéliens - Eli Sharabi, Or Levy et Ohad Ben Ami - ont été libérés. Des preuves trouvées par The Guardian suggèrent que l'avion espion volait au même moment.

D'autres otages ont été libérés les 1er février, 19, 25 et 30 janvier dans le cadre de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Parmi eux se trouvait la Britannique d'origine israélienne Emily Damari.

Selon les données, des avions de la RAF étaient également en vol lorsque ces otages ont été  libérés.

Les avions décollent de la base aérienne britannique de Chypre, RAF Akrotiri, et se dirigent vers Gaza, avant de désactiver leurs transpondeurs.

Avant le cessez-le-feu, de tels vols étaient presque quotidiens, le gouvernement britannique affirmant qu'ils aidaient Israël à retrouver des otages.

"Pas convaincant"

Le député travailliste Brian Leishman a déclaré à Declassified :

"L'utilisation permanente d'une base militaire britannique à Chypre avec des avions espions volant au-dessus de Gaza est préoccupante. Le but de ces vols, leurs activités et ce qu'il advient des informations qu'ils recueillent doivent être remis en question et justifiés".

Les militants chypriotes s'interrogent également sur les motivations du gouvernement britannique pour ces vols de surveillance.

Melanie Steliou, actrice chypriote et porte-parole de Social Alliance, un mouvement affilié au principal parti d'opposition chypriote, l'AKEL, a déclaré à Declassified :

"L'explication selon laquelle les vols envoyés depuis la base de la RAF à Akrotiri ne servent qu'à sauver des otages n'est pas convaincante".

Pourquoi ces vols se poursuivent-ils pendant un cessez-le-feu ? Pourquoi ces vols se déroulent-ils près de Gaza pendant les libérations d'otages ? Quels renseignements la RAF partage-t-elle avec Israël ?

"Partagent-ils uniquement des renseignements ou la participation des bases est-elle plus importante, créant encore plus de risques pour Chypre et sa population ? Ce sont des questions légitimes".

Un porte-parole du ministère de la Défense (MoD) de Grande-Bretagne a déclaré à Declassified :

"Le mandat de la Grande-Bretagne en matière d'opérations a été défini de manière stricte pour se concentrer uniquement sur la libération des otages.

Il a affirmé que les vols de la RAF dans l'est de la Méditerranée pendant la trêve

"n'ont pas violé l'espace aérien de Gaza et ont toujours opéré conformément à l'accord de cessez-le-feu et de libération des otages entre Israël et le Hamas".

Cependant, l'armée britannique pourrait bien enfreindre l'esprit, sinon la lettre, de l'accord de cessez-le-feu. Le texte de l'accord initial entre Israël et le Hamas  stipule que, dans un premier temps,

"toute activité aérienne (militaire et de reconnaissance) dans la bande de Gaza doit cesser pendant 10 heures par jour, et pendant 12 heures les jours d'échange d'otages".

Cette disposition a été prévue pour offrir aux Palestiniens un répit après les bombardements israéliens et pour  assurer au Hamas qu'Israël ne collectera pas de renseignements sur les mouvements et lieux de détention des otages en cas d'échec du cessez-le-feu.

En espionnant le Hamas pendant la libération des otages, l'armée britannique pourrait fournir des renseignements à Israël si ce dernier reprend son assaut meurtrier sur Gaza. Les avions R1 de l'armée britannique sont capables de collecter des informations en vue de "la  localisation des cibles".

"Nous avons le droit de savoir"

Les vols de surveillance au départ de Chypre ont déclenché des protestations devant la base aérienne d'Akrotiri, où la Grande-Bretagne a conservé 3 % de l'île après l'indépendance en 1960.

Mme Steliou a déclaré :

"Ce qui s'est passé dans les bases au cours des 16 derniers mois a en fait ouvert une boîte de Pandore sur l'existence même des bases britanniques à Chypre. Les citoyens chypriotes qui, par le passé, auraient pu fermer les yeux sur les activités des bases britanniques sont désormais plus que jamais conscients des implications et dangers que ces activités représentent pour l'ensemble de la population.

"En tant que citoyens de cette île, nous avons le droit de savoir en quoi les bases britanniques sont impliquées dans le génocide des Palestiniens à Gaza. Ces activités, entre autres, font des bases une cible, faisant par conséquent de Chypre également une cible".

Elle a ajouté que Social Alliance, AKEL et d'autres organisations de l'île ont exhorté le président chypriote Nikos Christodoulides à obtenir des réponses du gouvernement britannique.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer s'est rendu à Akrotiri en décembre et a remercié le personnel de la RAF sur place,  déclarant : "Beaucoup de ce qui se passe ici est confidentiel. Nous n'avons pas forcément à dire au monde ce que vous y faites".

* Mark Curtis est le directeur de Declassified UK et l'auteur de cinq livres et de nombreux articles sur la politique étrangère britannique.

* Phil Miller est le rédacteur en chef de Declassified UK. Il est l'auteur de Keenie Meenie : The British Mercenaries Who Got Away With War Crimes. Suivez-le sur Twitter à @pmillerinfo

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