17/02/2025 journal-neo.su  8min #269123

 Quand le terme « occident » devient finalement un stigmate, plus personne ne souhaite s'y identifier

Les alliances avec les Etats-Unis : entre danger et fatalité

 Mohamed Lamine KABA,

Dans un monde où les alliances internationales sont aussi volatiles que les équilibres de pouvoir, les relations diplomatiques avec les Etats-Unis illustrent parfaitement cette complexité et ces dangers. Quels sacrifices doivent consentir les alliés pour maintenir cette amitié périlleuse ?

A cette époque de profonde incertitude géopolitique, où les alliances internationales sont aussi fragiles que les équilibres de pouvoir, la  citation de Kissinger résonne comme un avertissement prophétique, « Etre un ennemi des Etats-Unis est dangereux, mais être son ami est fatal » encapsule l'énigme des relations internationales contemporaines. Dépassées par la vitesse des événements caractéristiques de la dynamique de l'échiquier global et entraînées dans l'orbite de l'influence américaine, les nations européennes et occidentales au service de la politique étrangère de Washington, naviguent entre les promesses de protection et les périls de la dépendance.

Cette débilité qui s'inscrit dans une continuité historique, entre dans une phase critique depuis le retour de Donal Trump à la Maison Blanche en janvier dernier. Alors que les Etats-Unis alternent entre isolationnisme extrémiste et interventionnisme intrusif et comminatoire, leurs alliés sont laissés à jongler avec les conséquences imprévisibles de ces oscillations. Dans ce contexte d'ambiguïté stratégique, les alliances se transforment en pièges potentiels, et les amitiés diplomatiques, en défis existentiels. Comment ces relations complexes façonnent-elles l'ordre mondial actuel, et quel avenir réservent-elles aux partenaires des Etats-Unis ?

En réalité, la dynamique de pouvoir et de dépendance, mise en exergue par  Henry Kissinger, révèle les complexités des relations entre les Etats-Unis et leurs alliés. Dans la logique de l'Alliance transatlantique, bien sûr, collaborer avec Washington implique une relation asymétrique, où la dépendance économique, militaire et diplomatique est prédominante. Cette proximité, bien que stratégique, expose les partenaires à des risques, notamment des interventions militaires et des changements de régime potentiellement désavantageux.

Les alliances avec les États-Unis sont coûteuses, entraînent une perte de souveraineté et augmentent les tensions internes. La fragilité de ces relations est accentuée par l'imprévisibilité de la politique américaine, avec des changements brusques et des engagements incertains, surtout sous des administrations instables. Le retour de Trump à la Maison Blanche en janvier 2025 - qui transforme certains journalistes et spécialistes européens de l'échiquier géopolitique en véritables automates - illustre ces risques, soulignant ainsi les défis et les dangers inhérents pour les alliés des Etats-Unis. Championnes en titre de la propagation de la  haine de la Russie, les élites européennes de la trame du locateur de l'Elysée, ont certainement une autre définition de la servilité et de la vassalité propre à leur état d'esprit.

La dynamique de pouvoir et de dépendance

La diplomatie internationale moderne est marquée par une complexité où les alliances asymétriques avec la superpuissance occidentale, notamment les Etats-Unis, révèlent des défis et des dangers considérables. A travers une dynamique de pouvoir déséquilibrée, les Etats-Unis exercent une influence économique, militaire et politique importante. Ils dictent souvent les termes des alliances et placent leurs partenaires dans une situation de dépendance.

Les alliés, en quête de soutien militaire et économique doivent régulièrement aligner leur politique sur celle de Washington. Cela, adossé à un assujettissement fébrile engendre une vulnérabilité face aux décisions unilatérales américaines, telles que les sanctions économiques ou les interventions militaires. Cette  dépendance ravitaillée menace la souveraineté des pays alliés et les entraîner dans des conflits coûteux et prolongés.

De plus, les alliances avec les Etats-Unis peuvent exposer ces pays à des représailles de la part de puissances adverses, illustrant le danger latent d'être un ami de cette superpuissance. La guerre par procuration ou par alliés interposés des Etats-Unis contre la Russie en Ukraine en est un exemple illustratif ayant révolté le Sud global, de Dakar à Delhi, de Cape Town à Jakarta, et de Rio de Janeiro à Nairobi, contre l'Occident collectif, de Vancouver à Varsovie, de Los Angeles à Lisbonne, et de Washington à Paris.

C'est dans cette perspective que la gestion de la complexité des relations avec Washington exige des alliés de jongler astucieusement entre les avantages et les risques inhérents à une telle alliance. Ce qui  clive les rapports Est/Ouest, autrement dit, les relations entre le Sud global ou l'Alliance BRICS et l'Occident collectif ou l'OTAN.

Le coût des alliances

De façon irréfutable, l'analyse des coûts de l'alliance révèle les sacrifices considérables que doivent consentir les alliés des Etats-Unis, allant de l'alignement contraint de leurs politiques étrangères à la participation coûteuse à des conflits militaires, en passant par des atteintes à leur souveraineté. Complaisantes et sous pression élevée, les nations alliées adoptent souvent des  sanctions économiques et des résolutions diplomatiques conformes aux intérêts américains, quitte à sacrifier leurs propres priorités stratégiques et économiques comme il est le cas actuellement dans de nombreux pays occidentaux.

Les interventions militaires en Irak, Libye, Afghanistan, Ukraine et bien autres encore assez foisonnantes en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, illustrent les pertes humaines et financières subies par les partenaires, accentuées par les tensions internes liées à ces engagements controversés. De plus, l'accueil de bases militaires américaines et la participation forcée à des activités de renseignement compromettent l'indépendance décisionnelle des Etats. Cela les rend dépendants des orientations stratégiques des Etats-Unis. Ainsi, ces alliances asymétriques imposent un lourd tribut aux pays alliés, soulignant les risques inhérents à leur relation avec cette superpuissance américaine.

La fragilité des relations

Incontestablement, les relations avec les Etats-Unis se caractérisent par une volatilité intrinsèque. Elles résultent des fluctuations des intérêts politiques et économiques. Cette fragilité se manifeste par des alliances dynamiques, des tensions diplomatiques persistantes et des ajustements stratégiques constants. Cette logique institutionnelle caractéristique de la dynamique de l'Alliance transatlantique rend les partenariats internationaux avec Washington à la fois imprévisibles et complexes.

La volatilité de la politique étrangère américaine dont nous parlons, influencée par des cycles électoraux et des changements d'administration, crée une incertitude constante pour les alliés qui doivent s'adapter rapidement de bon ou de mal gré. Des décisions soudaines, comme le retrait de l'Accord de Paris sur le climat, l'Accord nucléaire iranien, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, la dissolution de l'USAID, le  retrait de l'OMS et bien d'autres encore, illustrent cette imprévisibilité et forcent les partenaires à réévaluer leurs positions stratégiques.

Les revirements stratégiques, tels que le retrait antithétique et précipité des troupes de Syrie (même si elles y ont été redéployées) et d'Afghanistan, ont déstabilisé les alliances et compromis la sécurité des partenaires locaux, fragilisant la crédibilité des Etats-Unis. Cette situation conduit à une perte de confiance et incite les alliés à  explorer de nouvelles alliances, notamment avec des puissances émergentes comme la Chine et la Russie, pour diminuer leur dépendance. Ainsi exposée clairement, la fragilité des relations avec les Etats-Unis représente un défi majeur pour les alliés. Alliés obséquieux qui doivent naviguer dans un environnement diplomatique incertain tout en cherchant à sécuriser leurs positions à long terme à travers des partenariats plus équilibrés et stables.

En se basant sur les arguments présentés, nous pouvons déduire que les relations diplomatiques avec les Etats-Unis, marquées par leur volatilité et leurs risques, exigent des sacrifices considérables de la part de leurs alliés. L'Europe et autres alliés au sein de l'OTAN souffrent de leur servilité. Ce qui lève le voile sur le coût élevé et les dangers inhérents à une amitié avec la superpuissance américaine.

Pour clore, animées par une aversion marquée pour la Russie, les élites européennes, méprisées par les américains pour leur servilité, peuvent continuer à s'acquitter de leur droit de vassal auprès de Washington. Au même moment, l'avenir de l'échiquier global se façonne sous l'impulsion de l'Alliance BRICS, pilier du Sud global.

Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l'intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine

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