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Le ministre français de l'Intérieur, Bruno Retailleau (photo d'archives)
La France accuse l'Algérie «d'enfreindre le droit» et menace sa compagnie aérienne nationale de sanctions, en raison de son refus d'embarquer des migrants expulsés. Énième épisode d'une crise diplomatique majeure entre Alger et Paris qui dure depuis juillet 2024.
«L'Algérie ne respecte pas le droit» en n'acceptant pas sur son sol un de ses ressortissants expulsés de France, a affirmé le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau dans des déclarations à la presse de son pays le 18 février, ajoutant qu'il envisageait des sanctions contre la compagnie Air Algérie. Selon plusieurs médias français citant des sources judiciaires, Alger aurait refusé d'admettre sur son sol un de ses ressortissants, âgé de 30 ans, condamné à six mois de prison et à une interdiction de territoire.
«Pourquoi est-ce que la France fait preuve d'une aussi grande faiblesse vis-à-vis de l'Algérie ? Je pense qu'il faut (...) poser un rapport de force», a estimé Bruno Retailleau, évoquant, parmi les moyens de pression possibles, le fait de «priver un certain nombre de personnalités, de la nomenclatura, de diplomates» des «facilités» dont ils bénéficient actuellement. «J'ai demandé à mes services de voir dans quelles conditions on pouvait sanctionner» la compagnie nationale Air Algérie, a-t-il ajouté. «On est en train de voir toute l'échelle de la riposte possible.»
Ce nouvel épisode de tensions intervient alors que l'affaire de l'expulsion ratée de l'influenceur Doualemn début janvier a récemment attisé l'inimitié entre les deux pays, exacerbée par des accusations d'«escalade», de «surenchère» et d'«humiliation» émises par Paris, tandis qu'Alger a dénoncé une «campagne de désinformation et de mystification» à son encontre de la part d'une «extrême droite revancharde et haineuse» et de «ses représentants» au sein du gouvernement français.
Crise diplomatique majeure
En pleine crise diplomatique entre Paris et Alger, le ministre français de l'Intérieur avait appelé le 19 janvier à mettre fin à l'accord de 1968 sur l'immigration algérienne. En réaction, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a qualifié cet accord de «coquille vide», rappelant qu'il avait déjà été révisé en 1985, puis en 1995 et en 2001, plusieurs dispositions ayant été abrogées. Selon Tebboune, l'accord était devenu par conséquent un simple «slogan politique» brandi par les «extrémistes».
La crise diplomatique entre Paris et Alger remonte à fin juillet 2024 quand Emmanuel Macron a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Les dirigeants des deux pays multiplient depuis les joutes verbales et les accusations réciproques dans un contexte de plus en plus tendu, qualifié début février par Abdelmadjid Tebboune de «délétère». «Plus rien n'avance. [...] Nous perdons du temps avec le président Macron», a même affirmé le président algérien, estimant que le dialogue politique était «quasiment interrompu» entre les deux nations.
Cette crise, caractérisée par des poussées de fièvres récurrentes et par une «guerre médiatique» dénoncée des deux côtés, a été marquée récemment par l'affaire Boualem Sansal et l'expulsion ratée de migrants algériens par la France, mais aussi par la volonté affichée par Paris de remettre en cause un accord sur l'immigration algérienne datant de 1968, et la réactivation par Alger du dossier contentieux des essais nucléaires de la France coloniale dans le désert algérien. A cela s'ajoute la polémique des frais de soins impayés ou encore la «chute brutale» des exportations françaises vers l'Algérie, notamment celles des céréales.