21/02/2025 palestine-solidarite.fr  7min #269537

Gaza, après un mois de trêve : incertitude, inquiétude et espoir

Par Ziad Medoukh

La vie reprend lentement

Le rôle nouveau des jeunes dans la société civile palestinienne.

Le cessez-le-feu est entré en vigueur depuis un mois. La situation est toujours dramatique pour les 2'400'000 Palestiniens de Gaza qui se sentent souvent abandonnés et sont épuisés.

La trêve est fragile. Elle a été quotidiennement violée par l'occupation. Entre le 19 janvier et le 19 février, 11 Palestiniens ont été assassinés, à Rafah, dans le sud, et à Gaza Ville. Plusieurs voitures ont été bombardées. Il n'y a malheureusement pas d'observateurs internationaux ni de médiateurs sur le terrain pour surveiller le respect des accords.

Cela provoque un sentiment d'incertitude : les gens ne savent pas comment se dérouleront les prochaines phases du cessez-le-feu ni ce qui se passera après. Ils attendent toujours l'arrivée de matériaux de construction pour réparer les maisons et les puits d'eau potable, pour rétablir les amenées d'électricité et de gaz, etc.

A côté de cela, il y a un sentiment d'espoir.

Ici, c'est notre terre, nous ne partirons pas.

Le retour massif de 900'000 Palestiniens qui avaient été forcés de fuir vers le sud est une réponse claire aux allégations de Trump qui veut vider Gaza et la transformer en Riviera. Personne ici ne croit à ces déclarations, les Palestiniens sont attachés à leurs terres.

Depuis le début de la trêve, la situation s'améliore doucement. La vie reprend lentement avec un sentiment d'incertitude. Les gens dont les maisons ont été détruites partiellement hésitent encore à commencer de les réparer car ils craignent le retour des bombardements. Ils sont épuisés par les déplacements qu'ils ont vécus et ont choisi de rester et de s'installer, parfois sous tente, dans les décombres de leur quartier dévasté.

Seuls 90 à 100 camions arrivent chaque jour dans le nord de la bande de Gaza. Selon les accords de cessez-le-feu, il devrait y en avoir 300. Pendant les 15 mois d'agression, il n'y en avait qu'entre 6 et 9.

Il y a quelques améliorations au niveau de l'alimentation mais les fruits, la viande et les légumes sont encore rares. Les prix restent très élevés même s'ils ont un peu baissé. Un kilo de sucre coûte aujourd'hui 4 Euros. C'est par contre encore la pénurie en ce qui concerne les médicaments, il n'y a toujours pas d'eau potable, d'électricité ni de gaz.

L'occupation refuse toujours l'entrée des tentes et des caravanes annoncées dans les accords de cessez-le feu,

Le mois dernier, j'ai parlé du rôle nouveau que les femmes tiennent dans la société palestinienne, un rôle économique, social, psychologique, et familial.

Aujourd'hui je veux parler de la place que prennent les jeunes aujourd'hui.

On observe un phénomène nouveau chez les jeunes. Auparavant, lorsqu'ils vivaient sous blocus avec un taux de chômage de 73%, les jeunes n'avaient aucune perspective d'avenir. Ils ne désiraient qu'une seule chose : quitter Gaza.

Pendant les 15 mois d'agression, ils ont vu et admiré l'investissement des femmes. Cela a provoqué une prise de conscience de leur part. Les jeunes ne veulent plus dépendre de leur père, de leur famille ou de leurs proches. Ils prennent aujourd'hui des initiatives et se mettent à travailler, même dans des activités qui ne sont pas en rapport avec leur formation et de leurs qualifications.

Ils travaillent dans des associations, sont bénévoles dans des cliniques, vendeurs ou cuisiniers dans les commerces ou les restaurants qui ont réouvert, balaient les rues dans le cadre des projets associatifs et d'urgence. Plutôt que de rester inactifs, ils lancent eux-mêmes de petits projets avec peu de moyens, par exemple vendre des sandwiches, des boissons ou des chocolats dans la rue.

Leur rôle devient de plus en plus important dans la société civile.

Aujourd'hui, les jeunes ne veulent plus quitter Gaza. Ils veulent rester, même sous tente, sur les décombres de leurs maisons détruites.

C'est leur réponse à Trump.

Un autre élément très important à relever, c'est l'importance de l'éducation. Les Palestiniens ont compris que l'éducation est un enjeu, un signe d'espoir, et une forme de résistance par la non-violence.

Pendant l'offensive horrible malgré les bombardements et les risques, les cours étaient donnés dans des tentes. Les centres éducatifs et les écoles avaient été transformés en centre d'accueil.

Aujourd'hui, 45 d'entre eux (niveau primaire, collège et lycée) se vident. Les gens qui s'y étaient réfugiés retournent habiter dans ce qui reste de leur maison ou sous tente pour permettre la réparation des bâtiments scolaires.

En un mois, plus de 37 nouveaux centres éducatifs ont été réouverts partout dans la bande de Gaza, à côté des ruines et des décombres.

On peut dire qu'aujourd'hui 85% des élèves sont inscrits et ont repris les cours en attendant la reconstruction de leurs écoles.

En ce qui concerne les universités (13 grandes universités ont été détruites complètement et 25 autres universités, collèges et facultés ont été visés et détruits partiellement), des cours en ligne sont donnés grâce au soutien des collègues de Cisjordanie et des professeurs universitaires internationaux.

C'est vrai qu'il a y toujours des problèmes d'électricité et de liaison internet mais 73 % des étudiants de Gaza suivent maintenant des cours et passent leurs examens virtuellement.

En Palestine, y a une grande volonté de la part des familles d'envoyer les enfants à l'école et d'encourager les jeunes à aller à l'université, même si, 3-4 ans plus tard, ils risquent de se retrouver au chômage. La formation et l'éducation ont une grande valeur à leurs yeux.

Les Palestiniens ont toujours été attachés à leurs terres mais avec la situation terrible qu'ils vivent depuis 16 mois et, surtout, depuis le retour des 900'000 Palestiniens du sud de la bande de Gaza, ils le sont encore plus.

Tout le monde a la nostalgie d'avant le 7 octobre, même si Gaza était alors sous blocus. Malgré cela, il y avait des restaurants, des commerces, on organisait des fêtes, des mariages, des anniversaires... c'était une vie difficile (une vie dans une cage) mais c'était une vie.

Pendant les 16 mois qui ont suivi, il a fallu survivre.

Aujourd'hui, plus rien qui fonctionne, mais la vie reprend lentement.

Le mot Vie, comme celui d'Espoir, est utilisé un peu partout en Palestine : pour les noms de magasins, de pharmacies, d'associations, etc.

Les Palestiniens de Gaza aiment beaucoup la vie mais la vie à Gaza, pas ailleurs, comme les dirigeants complices le proposent.

En un mois de trêve, après 470 jours de souffrance, les habitants ont déjà réalisé beaucoup de choses, même ils restent prudents.

Malgré les risques et la présence de la marine israélienne, ils retournent se baigner à la mer, ils rouvrent leurs magasins, leurs restaurants, leurs cafés s'ils n'ont pas été détruits complètement.

Les Palestiniens ont la volonté, la patience, la détermination, le courage.

Il leur manque seulement les moyens, la réouverture de tous les passages (un seul sur sept est ouvert aujourd'hui), l'entrée de matériel de reconstruction, de produits alimentaires et de médicaments.

La société civile s'organise, les femmes et les jeunes jouent un rôle actif, la vie a repris.

Dès que tous les passages seront ouverts, lorsque le blocus sera levé, et que chaque jour 1000 camions pourront pénétrer dans l'enclave palestinienne avec le matériel aujourd'hui interdit pour la reconstruction, les Palestiniens reconstruiront leur ville.

Il y a du potentiel à Gaza : la mer, la plage, le climat, mais surtout la main-d'œuvre, des ingénieurs, des médecins, une société civile qui a de la volonté et du courage.

Lorsque je vois ce qui a déjà été fait en un mois, je pense qu'en quelques années, avec le soutien des pays amis et des solidaires engagés, les Palestiniens sont capables de reconstruire Gaza plus belle qu'avant.

Source : auteur
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