22/02/2025 journal-neo.su  7min #269580

 Pourparlers Russie-États-Unis en Arabie saoudite : Moscou dévoile ses émissaires, Washington cherche encore son négociateur en chef

L'Europe mise à l'écart des négociations de paix en Ukraine - Partie 1 : Comment l'Europe s'est elle-même exclue de la table des négociations

 Ricardo Martins,

À la suite de la réunion de l'OTAN et de la Conférence de Sécurité de Munich, l'Europe fait face à une profonde crise existentielle, soulevant des questions cruciales. Nous explorons ces interrogations et apportons des réponses éclairantes aux préoccupations les plus pressantes.

Les récentes déclarations des responsables américains sur la guerre en Ukraine et l'émergence d'un nouvel ordre mondial multipolaire ont plongé l'Europe dans un état de choc et d'incertitude. Les propos du président Donald Trump, du secrétaire à la Défense Peter Hegseth, du vice-président D.J. Vance, de l'envoyé spécial pour l'Ukraine et la Russie, le général Keith Kellogg, ainsi que du secrétaire d'État Mark Rubio, marquent un tournant majeur dans la résolution du conflit russo-ukrainien et dans la réorganisation des dynamiques de pouvoir mondiales.

Ces responsables ont clairement indiqué que l'Europe ne serait pas incluse dans les négociations entre les États-Unis et la Russie et que l'Ukraine ne bénéficierait ni d'une adhésion à l'OTAN ni de garanties de sécurité de l'Alliance. Cette exclusion soudaine a déclenché une réunion d'urgence des principaux dirigeants européens à Paris, révélant leur volonté désespérée de rester pertinents sur la scène géopolitique.

Pourquoi l'Europe est-elle dans une position aussi faible ?

Le rôle diminué de l'Europe dans la diplomatie internationale est le résultat de plusieurs années de soumission aux politiques américaines. Depuis le début du conflit en Ukraine, les dirigeants européens ont suivi aveuglément la ligne de Washington, refusant tout dialogue avec Moscou. Contrairement au Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui a maintenu des canaux diplomatiques avec Vladimir Poutine, la majorité des nations européennes ont strictement adhéré à la politique d'isolement et de sanctions prônée par l'administration Biden. Ce manque de vision stratégique autonome se retourne aujourd'hui contre l'Europe, la laissant sans levier dans les négociations en cours.

De plus, la dépendance européenne à l'égard de la puissance militaire et économique américaine a gravement limité sa capacité à agir de manière autonome. Le refus d'explorer des solutions diplomatiques dès le début du conflit, ainsi que le rejet de l'accord de paix entre l'Ukraine et la Russie qui avait été négocié à Istanbul au début de la guerre, ont transformé l'Europe en acteur passif, désormais en quête de pertinence dans les négociations de paix et dans un paysage géopolitique en mutation.

Historiquement, l'Europe a joué un rôle de premier plan dans les affaires mondiales, mais son alignement sur les politiques américaines et sa dépendance en matière de sécurité ont affaibli son autonomie stratégique. De nombreux experts estiment que l'Union européenne doit développer une politique étrangère plus cohérente, équilibrant coopération transatlantique et intérêts régionaux propres. La crise actuelle constitue un signal d'alarme pour les décideurs européens, les incitant à repenser leur stratégie à long terme et à se préparer à un monde où les États-Unis ne seront peut-être plus le garant ultime de la sécurité.

Selon un rapport du Conseil européen des relations internationales (ECFR), l'autonomie stratégique de l'Europe reste largement théorique en raison de divisions internes et d'un budget de défense insuffisant, couplé à des capacités militaires limitées. Sans un changement de cap significatif, l'Europe risque de devenir un acteur géopolitique marginalisé dans l'ordre multipolaire en émergence (ECFR, 2023).

Pourquoi la nouvelle génération de diplomates européens se soucie-t-elle si peu de la diplomatie ?

Le comportement récent de la nouvelle génération de dirigeants diplomatiques européens, en particulier en Allemagne, en France et au sein de l'Union européenne, soulève des inquiétudes quant à leur maturité diplomatique.

Tout en revendiquant leur place à la table des négociations, leurs déclarations publiques sur le président Poutine affaiblissent leur position. Par exemple : « Je ne fais absolument pas confiance à Poutine », « Poutine est notre véritable ennemi », « L'Europe ne devrait jamais faire confiance à Poutine », « Poutine représente un danger réel pour l'Europe. Si nous ne faisons rien maintenant, il envahira l'Europe », « Poutine est un menteur ». Ces déclarations proviennent de la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock, du ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, du président ukrainien Volodymyr Zelensky et de la Haute représentante pour les affaires étrangères de l'Union européenne, Kaja Kallas, toutes faites il y a une semaine.

Bien que ces dirigeants aient le droit d'avoir leurs propres opinions, diaboliser publiquement Poutine compromet leur capacité à mener des négociations efficaces, car cela sape la confiance nécessaire à toute résolution diplomatique. En brûlant les ponts par une rhétorique incendiaire, les responsables diplomatiques européens se disqualifient eux-mêmes d'une participation significative aux processus de paix et réduisent la crédibilité de l'Europe en tant que médiateur neutre.

La diplomatie exige un équilibre délicat entre l'affirmation de ses positions et le maintien de canaux de dialogue ouverts. Pour restaurer leur rôle dans les négociations, les diplomates européens doivent adopter une approche plus mesurée, évitant toute diabolisation publique qui pourrait encore renforcer les antagonismes ou justifier purement et simplement un refus de négocier avec eux.

Pourquoi l'Europe ne sera-t-elle pas à la table des négociations ?

Des responsables américains, dont le secrétaire à la Défense Peter Hegseth et l'envoyé spécial de Trump pour l'Ukraine et la Russie, Keith Kellog, ont explicitement déclaré que l'Europe ne participerait pas aux négociations. La raison est évidente : l'Europe n'a aucune stratégie indépendante pour l'Ukraine et a entièrement compté sur les États-Unis pour la prise de décisions tout au long du conflit. Ayant refusé d'engager un dialogue diplomatique avec la Russie durant la guerre, les dirigeants européens se retrouvent aujourd'hui marginalisés dans les discussions qui détermineront l'avenir de l'Ukraine et la sécurité de l'Europe.

De plus, les divisions internes de l'Union européenne affaiblissent encore davantage sa position. Des pays comme la France et l'Allemagne, bien que soutenant l'Ukraine, ont souvent affiché des priorités stratégiques différentes de celles des pays d'Europe de l'Est, comme la Pologne et les États baltes. Cette fragmentation nuit à la crédibilité de l'Europe en tant que force de négociation unifiée.

Du côté ukrainien, en octobre 2022, le président Volodymyr Zelensky a signé un décret interdisant explicitement toute négociation avec Poutine. Ce décret stipule « l'impossibilité de mener des négociations avec le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine. » À ce jour, ce décret reste en vigueur. Par conséquent, outre le fait que le mandat présidentiel de Zelensky a expiré en mai 2024, ce décret empêche légalement l'Ukraine d'engager des négociations. En conséquence, tout accord potentiel pourrait être sujet à des contestations juridiques futures, voire être invalidé. Il est révélateur que ce décret n'ait pas été abrogé.

Pourquoi l'Europe n'a-t-elle pas vu cela venir ?

De nombreux analystes et responsables politiques européens n'ont pas anticipé ce tournant en raison de leur foi inébranlable dans l'engagement américain envers la région et dans une victoire ukrainienne. L'idéalisme a pris le pas sur la Realpolitik. Le discours médiatique et politique a largement ignoré la possibilité que les États-Unis privilégient leurs propres réajustements géopolitiques au détriment des préoccupations sécuritaires européennes.

De plus, les décideurs européens ont sous-estimé l'ampleur de la lassitude de la guerre aux États-Unis. Face à des préoccupations intérieures croissantes, l'opinion publique américaine s'est progressivement tournée vers un désengagement des conflits étrangers prolongés. Ce changement était perceptible dans la rhétorique de Trump bien avant que son administration ne procède à des modifications officielles de politique.

Le politologue John Mearsheimer a souligné la nécessité d'une analyse intellectuelle honnête des conflits internationaux. Il affirme que Trump To Force Ukraine Peace on Europe - John Mearsheimer, Alexander Mercouris & Glenn Diesen des responsables occidentaux sur la guerre en Ukraine. Plutôt que de rechercher des solutions pragmatiques, les dirigeants européens et américains ont souvent adopté une posture rigide prônant une victoire totale sur la Russie, sans tenir compte des réalités géopolitiques.

Mearsheimer met en garde contre le fait que l'ignorance des réalités du rapport de force conduit à des catastrophes politiques. Il insiste sur le fait que les négociations exigent la prise en compte des perspectives des adversaires, plutôt que de s'appuyer sur des dogmes idéologiques.

Ricardo Martins - Docteur en sociologie, spécialiste des politiques européennes et internationales ainsi que de la géopolitique

 journal-neo.su