Viktor DEDAJ
Ce matin, je suis allé voir ma banquière. Oui, dit comme ça, ça fait Môssieur qui va échanger des amabilités avec sa gestionnaire de patrimoine. Disons qu'il fallait qu'on cause, ma banque et moi.
Au cours de la conversation, j'ai discrètement abordé le problème des transactions financières effectuées vers ou depuis Cuba. Et l'extraterritorialité des lois US. Sa première réaction, en entendant "Cuba" a été de dire "Ah oui, ça doit aller mieux, non, depuis la levée de l'embargo ?". C'est le genre de phrase qui fait sur moi le même effet qu'une pleine lune sur un loup-garou.
Je l'ai civilement (quand même) informé qu'au contraire, le blocus n'avait jamais été aussi sévère. "Et pourtant, m'a rétorqué l'effrontée, j'ai le souvenir qu'il avait été levé sous Obama". D'un geste souple, j'ai aussitôt dégainé un flacon de sels (que je garde toujours sur moi pour ce genre de situation) que j'ai respiré pour éviter de m'évanouir. Ayant repris mes esprits, j'ai rangé le flacon, ajusté ma perruque parfumée, et aussitôt refait son éducation.
Cela pourrait prêter à sourire si le cas était isolé. Mais c'est fou le nombre de personnes qui se "souviennent" que le président Obama avait "levé l'embargo". Archi-faux. Alors, d'où vient ce faux souvenir (appelé "effet Mandela") ?
Peut-être de certains articles de presse, tirés de dépêches de l'AFP, qui parlaient de la situation à Cuba "depuis la levée de l'embargo"... Peut-être d'un silence médiatique général sur les sanctions économiques les plus longues et les plus sévères (en termes d'impact) de l'histoire.
Ne pas voir un blocus - qui est par définition une punition collective donc une violation du droit international - qui dure depuis plus de 60 ans n'est qu'un des innombrables "angles morts" des médias occidentaux. Comme ils n'ont pas vu l'affaire Assange. Comme ils ne voient pas un génocide en cours.
Aux esprits occupés ailleurs, il ne leur reste alors plus qu'à remplir le vide avec... des "souvenirs", des impressions, des machins et des trucs. Des "droit de se défendre" et de "plus grande démocratie du Moyen-orient". Vous voyez ?
Ce qui me fait réitérer que ceux qui voient le monde à travers les médias dominants parlent d'un monde qui n'existe pas. D'où la difficulté de communiquer avec eux.
Lors de ma prochaine rencontre avec ma banquière effrontée, je crois bien que je vais lui parler de la Palestine.
Viktor Dedaj
amateur des faits qui secouent