12/03/2025 journal-neo.su  8min #271459

Une étape importante dans le rapprochement entre Pyongyang et Moscou

 Konstantin Asmolov,

 Une délégation du Parti du travail de Corée, conduite par Li Hi Yong, membre du Bureau politique du Comité central du PTC, secrétaire du Comité central et président de la Commission centrale de révision du parti, est arrivée à Moscou pour une visite de haut niveau à l'invitation du parti au pouvoir, « Russie unie ».

Chronique de la visite

Li Hi Yong est arrivé à Moscou le 17 février, répondant à l'invitation de la direction de « Russie unie ». Cette visite s'inscrivait dans le cadre de l'accord d'échanges conclu entre les parties nord-coréenne et russe en octobre 2018, à un moment où les États-Unis entamaient des négociations sur la fin de la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine, tandis que Pyongyang et Moscou renforçaient leur coopération bilatérale dans les domaines de la défense, de l'économie, du sport et de nombreux autres secteurs.

La délégation politico-gouvernementale de la RPDC comptait plusieurs figures de premier plan, parmi lesquelles Kim Song Nam, responsable du département international du Comité central du PTC.

Le 25 février, Dmitri Medvedev, président de « Russie unie », vice-président du Conseil de sécurité et ancien président de la Fédération de Russie,  a rencontré  Li Hi Yong. Il a souligné que cette réunion constituait « une excellente occasion de discuter d'un large éventail de questions, principalement liées au dialogue interpartis en plein essor, et de réaffirmer les liens d'amitié et de bon voisinage qui unissent depuis longtemps les peuples russe et coréen ». Il a ajouté qu'« une nouvelle ère s'ouvre dans les relations bilatérales entre la Russie et la RPDC grâce à l'énergie et à la volonté des dirigeants de nos deux pays ». De son côté, Li Hi Yong a déclaré que « sous la direction stratégique du camarade respecté Kim Jong Un et du président Vladimir Poutine, les relations coréo-russes connaissent aujourd'hui un développement dynamique dans divers domaines, qu'il s'agisse de la politique, de l'économie, de la culture ou des affaires militaires. Je suis convaincu que, pour concrétiser la puissance du partenariat stratégique global entre la RPDC et la Russie conformément à la volonté de nos dirigeants, il est essentiel que les partis au pouvoir des deux pays renforcent leur consolidation politique, leurs interactions tactico-stratégiques et leur soutien mutuel ».

 Le 27 février, Li Hi Yong a rencontré Vladimir Yakouchev, secrétaire du Conseil général de « Russie unie » et premier vice-président du Conseil de la Fédération, avec qui il a signé un protocole visant à élargir, approfondir et développer la coopération multipartite entre le PTC et « Russie unie » pour la période 2025-2027. Selon Yakouchev, « il y a sept ans, nous avons signé un accord de coopération entre "Russie unie" et le Parti du travail de Corée. Depuis, le monde a beaucoup changé, mais les peuples russe et coréen se sont encore rapprochés. J'espère que cette rencontre marquera une étape importante dans le développement du dialogue interpartis ».

Le même jour, Vladimir Poutine  a reçu Li Hi Yong au Kremlin pour un entretien qui s'est déroulé dans une atmosphère chaleureuse et amicale. Parmi les participants figuraient Kim Song Nam, chef du département international du PTC, Iouri Ouchakov, assistant du président russe pour les affaires internationales, Vladimir Yakouchev, ainsi qu'Alexandre Kozlov, ministre des Ressources naturelles et de l'Écologie.

Le président russe a exprimé sa conviction que le protocole signé contribuerait de manière significative au développement des relations entre les partis au pouvoir des deux pays. Toutefois, le contenu précis et les conclusions de cette rencontre restent confidentiels.

La délégation nord-coréenne est retournée en RPDC  le 1 mars.

Résultats officiels de la visite

Quels résultats concrets ont été obtenus, au-delà des échanges de courtoisie entre dirigeants, des invitations à se rendre au Nord et des déclarations affirmant que les deux pays sont liés par « de solides liens de camaraderie combattante et de belles traditions d'amitié » ?

Le principal résultat tangible réside dans la tenue de  consultations interpartis au siège du Comité exécutif central de « Russie unie » et dans la signature d'un protocole de coopération interpartis, qui inaugure une nouvelle phase du dialogue et donne une dimension concrète à la collaboration bilatérale dans plusieurs domaines :

Tout d'abord, Vladimir Yakouchev a souligné que « cette année revêt une importance particulière pour nos deux pays : nous célébrons le 80ᵉ anniversaire de la Victoire dans la Grande Guerre patriotique et la Seconde Guerre mondiale, ainsi que le 80ᵉ anniversaire de la libération de la Corée du joug des militaristes japonais. Il me semble essentiel de préserver la mémoire de ces événements ». À ce titre, le secrétaire du Conseil général de « Russie unie » a annoncé l'organisation, fin avril, d'un symposium international sur le thème « L'importance de la victoire sur le nazisme. Les leçons de la création de l'ONU » et a invité une délégation du Parti du travail de Corée à y participer.

Ensuite, il convient de mentionner le développement du travail conjoint entre les organisations de jeunesse, notamment entre « Jeune Garde de Russie unie » et l'Union socialiste de la jeunesse patriotique. À cet égard, une visite d'une délégation russe de jeunes à Pyongyang est prévue en avril.

Par ailleurs, il est important de souligner que les partis peuvent jouer un rôle clé dans le développement de la coopération transfrontalière, en particulier dans la région du Primorié.

De plus, la partie russe propose d'intensifier les échanges dans le cadre de l'École supérieure du parti, ce qui ouvre de nouvelles perspectives de coopération.

Enfin, et c'est un point essentiel, la Russie et la Corée du Nord, selon les propos de Yakouchev, entendent répondre ensemble aux actions déstabilisatrices des États-Unis et de leurs alliés. « Nous condamnons l'imposition de mesures restrictives unilatérales et illégales contre votre pays. En lieu et place du système euro-atlantique de sécurité, aujourd'hui en ruine, il est impératif d'établir un cadre garantissant une sécurité égale et indivisible. Cette initiative a été formulée l'an dernier par le Président russe, et notre parti la soutient pleinement. Nous avons l'intention d'organiser des auditions politico-publiques et invitons les représentants du Parti du travail de Corée à y prendre part ».

Vladimir Yakouchev a souligné que « Russie unie » a fondé un mouvement antinéocolonial intitulé « Pour la liberté des nations » et a exprimé sa conviction quant à la poursuite de la coopération avec la RPDC sur cette plateforme. Il a ainsi proposé de signer une déclaration commune contre les mesures restrictives unilatérales et les sanctions, en tant que confirmation d'un consensus public sur cette question.

Par ailleurs, comme  l'a déclaré Dmitri Medvedev sur sa page « VKontakte », la Russie et la Corée du Nord entendent développer leurs relations commerciales et économiques.

En résumé

  • La durée exceptionnelle de la visite indique qu'elle n'était pas seulement protocolaire. De plus, l'absence d'informations détaillées sur les déplacements permet de supposer que des questions sensibles, dont le nombre ne cesse de croître, ont été abordées à huis clos.
  • Li Hi Yong dirige la Commission centrale de révision, un organe formel du parti disposant d'un équivalent étatique. Cette structure, dotée de filiales locales et de pouvoirs conséquents, rappelle la Commission centrale de discipline en Chine. Compte tenu des défis russes en matière de lutte contre la corruption, il n'est pas exclu que Moscou envisage d'étudier l'expérience nord-coréenne en vue d'une restructuration de ses propres mécanismes de supervision, ou au minimum, d'un échange d'expertise sur une problématique commune aux deux pays.
  • La coopération entre les partis au pouvoir occupe une place particulière. D'un côté, elle ne relève pas formellement des relations interétatiques et s'apparente davantage à une diplomatie populaire, ce qui confère aux accords conclus une importance certaine, sans pour autant leur conférer un caractère officiel. De l'autre, ces partis étant au pouvoir, le fait que le président russe ait reçu le chef de la délégation nord-coréenne constitue un signal fort.
  • La Corée du Nord se définit comme un pays socialiste et entretient des liens étroits avec le Parti communiste de la Fédération de Russie. Cependant, cette amitié idéologique avec le PCFR ne l'empêche pas, mais au contraire complète ses interactions avec « Russie unie ».
  • Globalement, dans un contexte de turbulences géopolitiques croissantes, il apparaît nécessaire de mener des consultations informelles, moins visibles qu'une visite officielle du ministre des Affaires étrangères ou du Premier ministre. Les résultats concrets de ces discussions devraient se révéler dans un avenir proche.

Konstantin ASMOLOV, le candidat en histoire, le maître de recherche du Centre de recherches coréennes, l'Institut de la Chine et de l'Asie contemporaine, Académie des sciences de Russie

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