24/03/2025 mondialisation.ca  9min #272614

 Les États-Unis vont déclassifier 80 000 pages de dossiers sur l'assassinat de John F. Kennedy

La divulgation chaotique des dossiers tant attendus sur l'assassinat de Jfk

Par  Kevin Gosztola

Les Archives nationales ont publié deux séries de documents du fonds d'archives sur l'assassinat du président John F. Kennedy après que le président Donald Trump a spontanément annoncé que tous les dossiers encore en leur possession seraient rendus publics.

"C'est une avancée majeure. Les censures absurdes et suspectes ayant empêché de connaître toute la vérité ont, pour la plupart, été levées",

a déclaré le célèbre journaliste Jefferson Morley, connu pour son travail de publication de la newsletter JFK Facts. Il est également vice-président de la Fondation Mary Ferrell, chargée de la gestion d' une base de données consultable pour l'exploration des dossiers rendus publics.

Morley a ajouté :

"Nous savons maintenant pourquoi JFK voulait ‘réduire la CIA en pièces et la disperser aux quatre vents'. Car comme Arthur Schlesinger [Jr.] le lui avait dit, la CIA usurpait l'autorité présidentielle. L'Agence a censuré le dossier de Schlesinger pendant six décennies pour dissimuler la nature réelle du pouvoir de la CIA".

Au total, 2 182 fichiers sur environ 3 500 documents précédemment censurés ont été publiés. Comme les fichiers ont été traités avant la généralisation de l'informatique, nombre d'entre eux contiennent des marquages avec du texte restauré qui permet au public de voir ce que la CIA et plusieurs autres agences ne voulaient pas que les citoyens lisent.

Comme l'a noté Morley, les dossiers publiés ne comprennent pas une "archive de plus de 500 dossiers de l'IRS" [Internal Revenue Service : agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui collecte l'impôt sur le revenu et des taxes diverses], ni les 2 400 dossiers du FBI  qui auraient été découverts en février.

L'un des problèmes liés à la publication des dossiers tient au fait qu'ils n'ont pas été convertis en documents consultables. Il faudra peut-être plusieurs jours avant de savoir exactement ce qui a été publié, et quels dossiers censurés sont encore tenus secrets.

Le 23 janvier, Trump  a publié un décret ordonnant la publication de tous les dossiers relatifs à l'assassinat de JFK, et l'examen immédiat des dossiers liés aux assassinats de Robert F. Kennedy Jr. et Martin Luther King Jr.

Le 11 février, quelques semaines plus tard, l'annonce a été faite que la Commission de la Chambre des représentants des États-Unis sur la surveillance et la réforme du gouvernement lèverait le voile sur les secrets ayant "jeté le doute" sur les institutions américaines. Le "Groupe de travail sur la déclassification des secrets fédéraux" a été créé et la représentante Anna Paulina Luna, de Floride, nommée à sa présidence.

L'importance de cette prétendue initiative de déclassification a été remise en question, en particulier depuis l'opération médiatique du 27 février sur les dossiers de Jeffrey Epstein. Comme l' a rapporté CBS News,

"un groupe de 15 personnalités influentes de droite s'est rendu à la Maison Blanche" et est ensuite "ressorti avec des classeurs intitulés ‘Dossiers Epstein : Phase 1'".

Mais les dossiers contenus dans le classeur avaient déjà été rendus publics.

Les dossiers JFK étaient attendus en février, selon le calendrier fixé par l'administration Trump, mais la date butoir pour la publication des dossiers déclassifiés a été repoussée à mars.

Le 17 mars, Trump  a annoncé lors d'une visite au Kennedy Center for the Performing Arts qu'il divulguerait 80 000 dossiers. On ne sait pas d'où il tient ce chiffre, et il a en outre affirmé que l'administration ne censurerait rien du contenu.

ABC News a été le tout premier média à rendre compte "de l'effervescence"entourant la préparation des documents en vue de leur publication. Bien que le FBI ait achevé un "premier volet de déclassification", les avocats de la National Security Division du ministère de la Justice américain (DOJ) ont été chargés de fournir un "second examen" pour ce "projet urgent à l'échelle de la NSD". Ils ont passé la nuit à lire des centaines de pages afin que Trump ne soit pas incommodé s'ils ne respectaient pas son délai.

L'unité a été créée lors du renouvellement de l'USA PATRIOT Act de 2005. Elle est souvent impliquée dans des procédures judiciaires liées à des fuites ou dans des procédures de surveillance de la NSA, mais pas dans la déclassification de documents.

Lauren Harper, titulaire de la chaire Daniel Ellsberg sur le secret gouvernemental de la Freedom of the Press Foundation, a déclaré à The Dissenter :

"C'est une bonne chose que l'administration Trump commence à publier ces documents vieux de plus de 60 ans, censés faire l'objet d'une publication il y a 8 ans déjà. Mais le processus d'examen témoigne encore de méthodes de déclassification dépassées et inefficaces.

"Les archives publiées le 18 mars ont été ralenties par le besoin d'autres agences de réexaminer ces documents historiques", a ajouté Mme Harper.

Mme Harper a souligné que le public se demande "combien d'autres documents des années 1960 sont encore classifiés au sein du gouvernement fédéral" et pourquoi ces documents n'ont pas été "systématiquement déclassifiés comme l'exige le décret régissant la classification".

Fait remarquable, au lendemain de la publication de milliers de dossiers non censurés sur JFK, le ministère de la Justice de Trump  a appelé un tribunal américain à lever les scellés sur les enregistrements de surveillance du FBI susceptibles de faire la lumière sur l'assassinat de Martin Luther King. Le FBI s'oppose à la divulgation de ces documents depuis des décennies. (Il est à noter que la Southern Christian Leadership Conference, l'organisation de défense des droits civiques fondée par King, s'oppose à la publication des documents, craignant qu'ils ne ternissent son héritage.)

La confusion entourant la publication des dossiers est le reflet de ce qui s'est passé pendant le premier mandat de Trump. Le gouvernement savait depuis 25 ans qu'une date limite de déclassification en vertu de la loi sur la collecte des dossiers relatifs à l'assassinat de JFK arrivait à échéance en 2017.

Près de 4 000 documents ont été publiés le 24 juillet 2017, et pendant des mois, on n'a pas su ce qui suivrait. Trump a finalement publié des milliers de documents supplémentaires fin octobre 2017, mais il s' est incliné face à la CIA et au FBI en maintenant des caviardages et en permettant que des milliers de documents longtemps attendus restent secrets.

Le président Joe Biden s'est également rangé à l'avis de la CIA et du FBI. En 2022, la Fondation Mary Ferrell  a poursuivi Biden et la National Archives and Records Administration pour non-respect des exigences de la loi sur la collecte des documents liés à l'assassinat de JFK. L'organisation a accusé Biden de s'appuyer sur de fragiles allégations de "préjudice anticipé" pour continuer à dissimuler des milliers de documents.

Page précédemment classifiée d'une note adressée par Arthur Schlesinger Jr. à John F. Kennedy

En reprenant le document de Schlesinger, alors assistant spécial de JFK, nous constatons à quel point ces archives ont été grossièrement traitées. En 1993, une grande case noire barrée d'un X a été dessinée sur une page entière pour indiquer que le passage concernant le recours par la CIA des ambassades du département d'État américain à des fins d'espionnage devait être expurgé. Pendant plus de trois décennies, la Sécurité nationale a dissimulé cette page au public.

Steven Portnoy, de ABC News Radio,  a examiné un mémo interne de la CIA datant de 1966 recommandant que James McCord reçoive une "attestation d'excellence" pour son travail sur des expérimentations visant à améliorer les capacités d'espionnage de l'agence. McCord est ensuite devenu le chef de la sécurité du président Richard Nixon pendant sa campagne de 1972, et a participé au cambriolage du Watergate.

Une version de ce mémo a été publiée sous la présidence de Biden en 2023, mais certains passages ont été censurés. En 2025, on a pu apprendre que McCord avait travaillé sur le "balayage fluoroscopique", qui donnait à l'agence la capacité de détecter les "dispositifs d'écoute clandestins".

 Version 2023
 Version 2025

Pour l'instant, aucun  dossier sur George Joannides n'a été rendu public. Morley a déjà intenté une action en justice en vertu de la loi sur la liberté de l'information (Freedom of Information Act, FOIA) pour accéder à ces dossiers, afin de prouver qu'ils sont en possession de la CIA. Ces dossiers ont leur importance, car ils pourraient révéler si la CIA a fait d'Oswald une cible en janvier 1963, avant l'assassinat de JFK.

Joannides était un officier de carrière de la CIA et chef des opérations secrètes de la CIA à Miami en novembre 1963.

Selon Morley,

"les documents versés au dossier Joannides permettront de comprendre comment et pourquoi cet agent de terrain de la CIA a concentré ses activités de propagande et ses opérations politiques sur Oswald, alors inconnu, au cours de l'été 1963, et ce qu'il a signalé à ses supérieurs. Le dossier révélera davantage de détails sur les raisons qui ont poussé Joannides à cacher aux enquêteurs du Congrès en 1978 qu'il connaissait Lee Harvey Oswald".

Pour Morley, la divulgation de ce dossier sera décisive. Si Trump veut tenir tête à la CIA ou à l'"État profond", il devra veiller à ce que ce dossier soit enfin rendu public pour que la vérité soit établie une fois pour toutes.

Kevin Gosztola

Article original en anglais :  The Chaotic Release Of Long Sought After JFK Files, The Dissenter, le 19 mars 2025.

Traduction :  Spirit of Free Speech

Image en vedette : Portrait présidentiel officiel posthume du président américain John F. Kennedy –  Source

La source originale de cet article est  The Dissenter

Copyright ©  Kevin Gosztola,  The Dissenter, 2025

Par  Kevin Gosztola

 mondialisation.ca