Des Palestiniens déplacés qui ont fui Rafah au milieu des opérations militaires lancées depuis la nouvelle offensive israélienne sur la bande de Gaza, arrivent à Khan Younis, le dimanche 23 mars 2025. [AP Photo/Abdel Kareem Hana]
Par Andre Damon
L'armée israélienne se prépare à occuper entièrement la bande de Gaza, à déplacer la population restante à l'intérieur du pays et à ne fournir que la «quantité calorique minimale nécessaire à la survie», selon trois médias internationaux.
Lundi, la National Public Radio (NPR) basée aux États-Unis et le Financial Times basé au Royaume-Uni, ont confirmé un article publié vendredi par le journal israélien Haaretz et selon lequel Israël «se prépare à occuper Gaza, à y rétablir l'autorité militaire et à contrôler entièrement la population palestinienne».
Ces publications rapportent que l'offensive actuelle des Forces de défense israéliennes (FDI) à Gaza, qui a commencé mardi dernier avec le massacre de 400 personnes en une seule journée de frappes aériennes, vise à l'occupation militaire totale de la bande de Gaza. L'armée israélienne a élargi les zones qu'elle occupe jour après jour, déplaçant à l'intérieur du pays une partie de plus en plus importante de la population palestinienne.
Non mentionné dans ces articles sur une occupation renouvelée est le lien de celle-ci avec le plan, initialement présenté par le président américain Donald Trump en février et officiellement adopté par le gouvernement israélien, de procéder au nettoyage ethnique de Gaza et d'annexer son territoire.
Dimanche, le ministre israélien de la Défense Israel Katz a rapporté que le cabinet de sécurité israélien avait officiellement voté pour la création d'un bureau chargé de superviser le nettoyage ethnique de Gaza. Ce bureau serait un « Bureau d'émigration volontaire pour les habitants de Gaza intéressés par une relocalisation dans des pays tiers », a affirmé Katz.
Bien que les responsables israéliens aient affirmé que le déplacement des Palestiniens serait «volontaire», la réalité est que cette opération massive de relocalisation nécessiterait une coercition militaire directe. Ainsi, le plan d'occupation militaire complète de Gaza serait une condition préalable essentielle à la mise en œuvre du programme de nettoyage ethnique.
L'article publié vendredi par Haaretz affirme que «des préparatifs sont en cours pour une opération de grande envergure visant à occuper la bande de Gaza et à y rétablir le contrôle total d'Israël».
Confirmant cet article, NPR rapporte lundi :
L'armée israélienne a élaboré des plans en vue d'une invasion terrestre majeure de Gaza, afin d'occuper totalement le territoire en quelques mois et d'y établir un régime militaire.Israël ordonnerait aux 2,2 millions de Palestiniens de Gaza de s'installer dans une «zone humanitaire» plus petite que celle qu'il a actuellement désignée aux civils. L'armée étudie les options permettant aux soldats de contrôler la distribution de nourriture limitée à la quantité calorique minimale nécessaire à la survie.
Dans un autre article, le Financial Times écrit :
... les FDI feraient appel à plusieurs divisions de combat pour envahir de nouveau et soumettre le Hamas, prendre le contrôle de larges pans de l'enclave et contraindre les 2,2 millions d'habitants du territoire à se réfugier dans une petite zone dite «humanitaire» le long de la côte méditerranéenne.
Il poursuit ainsi: « L'armée israélienne administrerait alors Gaza.... Un tel plan déracinerait des millions de civils palestiniens et les parquerait dans une bande de terre aride plus petite encore. »
Le Financial Times ajoute:
L'une des personnes familières avec les délibérations a déclaré qu'Israël pourrait prendre en charge la distribution de toute l'aide humanitaire et avait récemment évalué le nombre de calories dont chaque Palestinien aurait besoin.
L'armée israélienne se préparait à des mois d'opérations prévoyant «le combat, la victoire et l'administration», avait déclaré ce responsable au Financial Times.
Durant l'Holocauste, l'extermination systématique des Juifs d'Europe par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, les responsables nazis ont expulsé les Juifs d'Europe de leurs quartiers et les ont concentrés dans des ghettos, en préparation de leur transport vers des camps de concentration en Europe de l'Est. La restriction des rations alimentaires dans le ghetto de Varsovie, en Pologne occupée par les nazis, a entraîné la mort de milliers de Juifs chaque mois à son apogée. Au fur et à mesure que la guerre progressait, la décision a été prise de passer de la réinstallation et de la «mort lente» à l'extermination active dans les camps de la mort.
La concentration de la population de Gaza dans de soi-disant «zones humanitaires » et la restriction sévère de leur consommation alimentaire seraient un préparatif essentiel à leur déplacement hors de Gaza et à l'occupation et l'annexion permanentes de la bande de Gaza, comme l'a proposé Trump en février.
Alors que ce plan se met en place, l'assaut militaire d'Israël sur la bande de Gaza et son règne de terreur en Cisjordanie s'accélèrent.
Au cours des dernières 24 heures, 65 Palestiniens ont été tués à Gaza, ce qui porte à plus de 730 le nombre total de morts dus aux attaques israéliennes dans la semaine écoulée.
Lundi, l'armée israélienne a déplacé de force la population du camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza, en prévision d'une offensive terrestre. «À tous ceux qui sont présents dans la région de Jabalia, il s'agit d'une alerte précoce avant une frappe..., dirigez-vous immédiatement vers le sud en direction des abris connus», a déclaré l'armée israélienne.
Lundi, deux journalistes palestiniens ont été tués dans des frappes aériennes. Hossam Shabat, reporter pour Al Jazeera Mubasher, a été tué lors d'une frappe ciblée à Deir el-Balah, dans le centre de Gaza, après que l'armée israélienne a tué le journaliste Mohammad Mansour, correspondant de Palestine Today, lors d'une frappe distincte à Khan Younès. Ces meurtres portent à 208 le nombre de journalistes tués à Gaza depuis octobre 2023.
Dans un communiqué, le Comité pour la protection des journalistes a condamné les meurtres de Shabat et Mansour. « L'assassinat délibéré et ciblé d'un journaliste, d'un civil, est un crime de guerre », a déclaré la directrice générale de l'organisation, Jodie Ginsberg. «Les journalistes et les civils ne doivent jamais être pris pour cible.»
Les collègues de Shabat ont partagé ses derniers mots :
Si vous lisez ceci, cela signifie que j'ai été tué - très probablement ciblé - par les forces d'occupation israéliennes.
Il a ajouté cela:
J'ai documenté les horreurs commises dans le nord de Gaza minute par minute, déterminé à montrer au monde la vérité qu'ils essayaient d'enterrer. J'ai dormi sur des trottoirs, dans des écoles, sous des tentes, partout où je pouvais. Chaque jour était une bataille pour la survie. J'ai souffert de la faim pendant des mois, mais je n'ai jamais quitté mon peuple.
Les Nations unies ont déclaré lundi que les attaques israéliennes constantes contre leur personnel les forçaient à réduire d'un tiers le nombre de leurs employés internationaux à Gaza. Au moins 250 employés de l'ONU ont été tués depuis le 7 octobre 2023.
L'ONU a déclaré dans un communiqué :
Le Secrétaire général a pris la décision difficile de réduire l'empreinte de l'organisation à Gaza, alors même que les besoins humanitaires augmentent et que notre préoccupation concernant la protection des civils s'intensifie.
La semaine dernière, un char israélien a attaqué un complexe de l'ONU à Gaza, tuant un employé de 51 ans, Marin Valev Marinov, qui travaillait avec le Bureau des Nations Unies pour les services d'appui aux projets.
Dans un communiqué publié lundi, l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) a indiqué que 124 000 Palestiniens de Gaza avaient été déplacés au cours de la semaine écoulée. L'office écrit:
Les familles transportent le peu qu'elles ont, sans abri, sans sécurité et sans aucun endroit où aller. Les autorités israéliennes ont coupé toute aide. La nourriture est rare et les prix montent en flèche. Il s'agit d'une catastrophe humanitaire. Le siège doit cesser.
Pendant ce temps, le règne de terreur israélien se poursuit en Cisjordanie. Lundi, Hamdan Ballal, coréalisateur palestinien du documentaire No Other Land, récompensé par un Oscar, a été attaqué par des colons israéliens et arrêté par des soldats des FDI. Basel Adra, coréalisateur du film, a déclaré qu'un groupe de colons avait attaqué la maison de Ballal dans le village de Susya, en Cisjordanie. Selon lui, deux dizaines de colons, dont certains armés de fusils, avaient mené l'attaque sous le regard des militaires israéliens qui ont ensuite procédé à l'arrestation de Ballal.
Dans un message sur Twitter, son collègue co-réalisateur Yuval Abraham, un journaliste israélien, a déclaré :
Un groupe de colons vient de lyncher Hamdan Ballal, coréalisateur de notre film No Other Land. Ils l'ont battu et il est blessé à la tête et à l'estomac, il saigne.
Il a ajouté:
Des soldats ont pénétré dans l'ambulance qu'il avait appelée et l'ont emmené. Aucune trace de lui depuis.
(Article paru en anglais le 25 mars 2025)
Source : WSWS
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