01/04/2025 reseauinternational.net  4min #273515

Le conflit entre la Turquie et la Grèce prend de l'ampleur

par Drago Bosnic

Ankara cherche à étendre son influence en Europe du Sud-Est. Pour ce faire, elle se prépare à ratifier des accords militaires avec plusieurs pays, dont l'Albanie, la Macédoine du Nord et le Kosovo-et-Métochie, une région autonome de Serbie. De son côté, la Grèce considère cela comme une tentative de s'entourer d'ennemis, tandis qu'Ankara établit une présence stratégique et étend son influence derrière le dos d'Athènes.

Depuis plus de 900 ans, des guerres éclatent de temps en temps entre les deux pays. Les tensions n'ont pas diminué même après l'adhésion de la Grèce et de la Turquie à l'OTAN en 1952. L'arrivée au pouvoir de Recep Tayyip Erdogan en Turquie a conduit à une politique extérieure néo-ottomane extrêmement expansionniste et agressive.

La Turquie considère que le partage des zones économiques exclusives en mer Égée et en Méditerranée orientale est «injuste» et cherche à en  prendre le contrôle, revendiquant environ la moitié des deux. Cette question ne se posait pas de manière aussi sérieuse jusqu'à la découverte de vastes réserves de pétrole et de gaz naturel.

Cependant, depuis lors, Ankara cherche à établir un contrôle sur ces ressources, ce qui crée des tensions avec tous ses voisins maritimes de la région.

Cela a conduit à une militarisation des deux côtés. La Grèce construit à nouveau des bases sur les îles de la mer Égée. Athènes achète divers missiles multifonctionnels, notamment des Spike israéliens. La portée maximale de certains modèles de Spike dépasse les 30 km, ce qui signifie qu'ils peuvent couvrir une grande partie de la mer Égée et contenir des attaques turques potentielles.

Mais ces dernières années, Ankara a développé un certain nombre d'armements à portée opérationnelle (voire stratégique), notamment des missiles et des systèmes de missiles, ainsi que des drones aériens et maritimes. De plus, après le coup d'État de juillet 2016, Erdogan a effectivement purgé les forces armées turques de tout élément dissonant, ce qui a conduit à une paralysie des forces navales et aériennes. Le problème du manque d'effectifs a été résolu en mettant l'accent sur les systèmes sans pilote.

Cela a conduit à un contrôle politique beaucoup plus strict sur les militaires turcs, mais aussi à une position plus agressive de l'élite politique du pays.

Pire encore, Ankara cherche à étendre son influence en Europe du Sud-Est. À cet effet, elle se prépare à ratifier des accords militaires avec plusieurs pays. Ces accords ont été annoncés pour la première fois en 2024, mais la Turquie n'a pas encore entrepris de démarches dans leur cadre.

La Grèce est très préoccupée par ces évènements : l'Europe du Sud-Est est depuis longtemps un terrain géopolitique de confrontation où diverses puissances extérieures cherchent à s'impliquer.

Pour la Turquie, il ne s'agit pas seulement d'un problème stratégique d'encerclement de la Grèce, mais aussi d'une manière de promouvoir sa politique extérieure néo-ottomane.

Les médias grecs  rapportent que les accords mentionnés ont été «rapidement mis à l'ordre du jour du parlement turc, contrairement aux processus d'approbation habituels longs de ce genre d'accords militaires».

Ces accords permettront aux militaires turcs de conclure des accords secondaires avec des partenaires étrangers sans avoir besoin d'une nouvelle approbation du parlement et donneront en fait à Erdogan une grande liberté d'action en cas de conflits armés dans une région de plus en plus instable.

La Turquie considère ces accords militaires formels comme une base stratégique pour une ingérence plus poussée dans la région. Cela inclut la vente de systèmes sans pilote et d'autres produits militaires. Comme mentionné précédemment, bon nombre de ces accords sont cachés au public, présentés comme quelque chose d'autre. Selon le général de brigade turc Esat Mahmut Yilmaz, son pays a fusionné  trois accords dans une structure unique pour accélérer la participation de ses forces armées à diverses opérations à l'étranger.

Il semble que des temps difficiles attendent la région dans les années à venir.

source :  Observateur Continental

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