04/04/2025 ssofidelis.substack.com  7min #273813

Une guerre civile se profile-t-elle à l'horizon ?

 CORNUT Bernard

Le conflit entre les Juifs ashkénazes et séfarades, et l'avenir d'Israël

Par  Ramzy Baroud, le 3 avril 2025

L'expression "guerre civile" est l'une des plus utilisées par les hommes politiques israéliens aujourd'hui. Ce qui n'était au départ qu'un simple  avertissement lancé par le président israélien Isaac Herzog est désormais une possibilité admise par une grande partie de la société politique israélienne.

"(Le Premier ministre israélien Benjamin) Netanyahu est prêt à tout sacrifier pour survivre, et nous sommes plus proches d'une guerre civile que les gens ne le pensent",

a  déclaré l'ancien Premier ministre israélien Ehud Olmert dans une interview accordée au New York Times le 24 mars.

On part du principe que la guerre civile tant redoutée reflète la polarisation politique en Israël : deux groupes divisés par des opinions tranchées sur la guerre, le rôle du gouvernement, le pouvoir judiciaire, les répartitions budgétaires et d'autres enjeux.

Cependant, cette hypothèse n'est pas tout à fait exacte. Les nations peuvent être divisées par des clivages politiques, mais les manifestations de masse et la répression sécuritaire n'indiquent pas nécessairement qu'une guerre civile est imminente.

Dans le cas d'Israël, cependant, les références à la guerre civile découlent de son contexte historique et de sa composition socio-ethnique.

Un rapport de la CIA majeur mais largement passé sous silence, intitulé "Israël : la confrontation sépharade-ashkénaze et ses implications", est presque prophétique dans sa capacité à détailler les scénarios futurs pour un pays présentant de profondes divisions socio-économiques et, par conséquent, politiques.

Le rapport a été élaboré en 1982, mais n'a été publié qu'en 2007. Il fait suite aux  élections de 1981, lorsque le Likoud, le parti dirigé par Menahem Begin, a remporté 48 sièges à la Knesset, et le parti travailliste de Shimon Peres, 47.

Pendant des décennies, les Juifs ashkénazes (occidentaux) ont  dominé tous les aspects du pouvoir en Israël. Cette domination est logique : le sionisme était essentiellement une idéologie occidentale, et tous les organes de l'État (militaire (Haganah), parlementaire (Knesset), colonial (Agence juive) et économique (Histadrout)) étaient largement composés de classes juives d'Europe occidentale.

Les Juifs séfarades et mizrahim, descendants d'Arabes du Moyen-Orient, sont arrivés en Israël pour la plupart après sa création sur les ruines de la Palestine historique. À cette époque, les Ashkénazes avaient déjà établi leur domination, contrôlant les institutions politiques et économiques israéliennes, parlant majoritairement les langues locales et prenant les décisions importantes.

La  victoire de Begin aux élections de 1977, puis de 1981, fut le résultat d'une lutte difficile et ardue contre la domination ashkénaze. Le Likoud, une coalition de plusieurs factions de droite, s'était formé quatre ans plus tôt. En faisant appel aux griefs des groupes idéologiques et ethniques marginaux et en les manipulant, le Likoud a réussi à évincer du pouvoir le Parti travailliste dominé par les Ashkénazes.

Les élections de 1981 ont constitué une tentative désespérée du Parti travailliste de reprendre le pouvoir et, par conséquent, d'asseoir sa domination. Cependant, la division idéologique presqu'idéale n'a fait que mettre en évidence la nouvelle règle qui allait régir Israël pendant de nombreuses élections et les décennies à venir, où la politique israélienne a été dominée par des divisions ethniques : Est contre Ouest, fanatisme religieux contre extrémisme nationaliste, souvent masqué sous couvert de "libéralisme", etc.

Depuis, Israël a réussi ou, plus exactement, a orchestré des crises externes pour faire face à ses divisions internes. Par exemple, la  guerre de 1982 contre le Liban a contribué, du moins pendant un certain temps, à détourner l'attention de la dynamique sociale en mutation d'Israël.

Bien que Begin et ses soutiens aient remodelé la politique israélienne, la domination profondément enracinée des institutions dirigées par les Ashkénazes a permis aux libéraux occidentaux de continuer à contrôler l'armée, la police, le Shin Bet et la plupart des autres secteurs. La résurgence politique séfarade s'est principalement concentrée sur le peuplement des colonies illégales d'Israël dans les territoires occupés et sur l'augmentation des privilèges et du financement des institutions religieuses.

Il a fallu près de deux décennies après la victoire de Begin en 1977 pour que le groupe sépharade étende son pouvoir et établisse sa domination sur les principales institutions militaires et politiques.

La  coalition de Netanyahu en 1996 a marqué le début de son ascension en tant que Premier ministre d'Israël le plus longtemps en fonction, et la formation d'une coalition avec les alliances sépharade et mizrahi.

Pour conserver ce nouveau pouvoir, le noyau politique du Likoud a dû évoluer, la représentation séfarade et mizrahie ayant augmenté de façon exponentielle au sein du parti désormais dominant en Israël.

S'il est juste d'affirmer que Netanyahu a depuis géré la politique israélienne en manipulant les griefs des groupes socio-économiques, religieux et ethniques défavorisés, le changement fondamental en Israël, prédit à juste titre dans le document de la CIA, avait de fortes chances de se produire, compte tenu de la dynamique propre au pays.

Netanyahu et ses alliés ont accéléré la mutation d'Israël. Pour marginaliser définitivement le pouvoir ashkénaze, ils ont dû prendre le contrôle de toutes les institutions largement dominées par les Juifs européens, en commençant par modifier le système d'équilibre des pouvoirs qui existait en Israël depuis sa création.

Ce combat interne a précédé le génocide israélien à Gaza. Il a commencé en grande partie lorsque Netanyahu s' est rebellé contre la Cour suprême et a tenté de limoger l'ancien ministre de la Défense Yoav Gallant en mars 2023. Les  manifestations de masse qui s'en sont suivies en Israël ont mis en évidence le "gouffre" grandissant.

La guerre contre Gaza a encore creusé ces divisions, Netanyahu et ses alliés rejetant toute responsabilité et exploitant les événements du 7 octobre et le fiasco militaire qui a suivi pour éliminer leurs rivaux politiques.

Une fois de plus, ils se  sont tournés vers le pouvoir judiciaire, réorganisant le système pour s'assurer qu'Israël, tel que le conçoivent les sionistes occidentaux, se transforme en un régime politique complètement différent.

Bien que les Ashkénazes aient perdu la majeure partie de leur pouvoir politique, ils continuent de contrôler la plupart des cartes économiques, une situation qui pourrait donner lieu à des  grèves de grande ampleur et à des actes de désobéissance civile.

Pour Netanyahu et ses soutiens, un compromis n'est pas envisageable, car il ne ferait que marquer le retour de l'équilibre précaire du début des années 1980. Pour la base du pouvoir ashkénaze, se soumettre signifierait la fin d'Israël, de David Ben Gourion, de Chaim Weizmann et d'autres, et donc, essentiellement, la fin du sionisme lui-même.

Sans aucun compromis en vue, la guerre civile en Israël devient une possibilité réelle, peut-être même imminente.

 bucketeer-e05bbc84-baa3-437e-9518-adb32be77984.s3.amazonaws.com Minds

Civil War on the Horizon?

The phrase "civil war" is one of the most dominant terms used by Israeli politicians today. What began as a mere warning from Israeli President Isaac Herzog is now an accepted possibility for much of Israel's mainstream political...

Read more

15 hours ago · 1 like · Ramzy Baroud

 ssofidelis.substack.com