Poème
Par Story Ember leGaïe,, le 6 avril. 2025
Ils ont dit "Aujourd'hui, c'est la Journée des enfants palestiniens", comme si la poussière n'avait pas déjà gravé chaque date dans leurs os. Comme si le ciel ne tenait pas son propre calendrier gravé dans cette fumée et ces plafonds qui s'effondrent. Comme si les calendriers n'étaient pas arrachés comme les membres sous les maisons qui ont appris à chuchoter au secours avant les cris.
Les enfants ne savaient pas. Personne ne leur a dit lorsqu'ils cherchaient des restes de cheveux de leur mère. Personne n'a rien dit quand la foudre a fendu la boulangerie en deux et transformé l'odeur du pain en cendres. Personne n'a distribué de petits bonbons quand le lait s'est tari, juste un silence si pesant qu'on s'étoufferait dedans.
Ils disent que c'est la journée des enfants, comme si les enfants n'avaient pas déjà été glissés dans des sacs mortuaires sans histoire au coucher, devenus des berceuses maculées de gravats, des noms prononcés une fois, puis plus jamais.
17 954 n'est pas un nombre. Mais un cimetière d'anniversaires jamais célébrés. Un cri si douloureusement contenu qu'il en devient insoutenable. Voilà ce qui se passe quand le monde apprend à compter les cadavres plus vite qu'il n'apprend à pleurer.
274 bébés trop frêles pour crier, trop innocents pour survivre. Encore roses, encore enroulés dans l'utérus, certains n'ont même jamais ouvert les yeux, mais ils étaient pourtant perçus comme une menace suffisante pour être enterrés.
52 morts de faim. 17 morts de froid. Pas parce que le monde a oublié, mais parce qu'il s'est souvenu, et n'a pas bronché. Parce que l'aide passait pour un risque, et la faim pour une arme, et le chagrin, juste un autre sujet de conversation.
Ils sont morts avec des noms que vous n'entendrez jamais. Des noms prononcés dans des berceuses brisées, chuchotés à l'oreille des morts. Ils sont morts avec leurs joues si douces qu'on pouvait les embrasser, mais on ne trouve plus de lèvres assez courageuses pour les rejoindre.
39 384 orphelins. Des enfants qui ne savent que ressentir quand on passe en premier. Qui rêvent de bras désormais disparus. Et qui finissent par se blottir dans les recoins de chambres froides, tentant de se rappeler ce qu'on ressent dans les bras de quelqu'un.
Personne ne leur dit plus bonne nuit. Personne ne les appelle par leur nom. Ils se réveillent comme de petits fantômes trop têtus pour disparaître, trop perdus pour trouver le repos.
700 ont été enlevés. Arrachés en silence. Portant encore le même pantalon avec des chats de dessins animés, des chemises empreintes de peur. Certains n'ont pas parlé depuis que la porte s'est refermée. 1 055 derrière les barreaux pour le crime d'avoir grandi du mauvais côté du génocide. Et le monde débat encore du nom à choisir pour le désigner.
Et qu'en est-il de ceux qui restent ? Restés pour être moins qu'eux-mêmes — des chiffres, des données, un flot de bandages et de regards vides. Des yeux qui ne cilleront plus jamais. Des bras impuissants. Des jambes qui se souviennent d'avoir couru avant de disparaître.
Chaque jour, 15 enfants de plus sont brisés sans que les médicaments puissent rien y faire. Et ils ont dit, ils ont dit, que c'était leur journée.
Mais ils ne veulent pas d'une putain de journée. Ils veulent des bras qui les portent, pas des frappes aériennes. Ils veulent retrouver leurs pères, pas de compassion étrangère. Ils veulent des jambes qui les soutiennent, pas des béquilles livrées par avion avec les communiqués de presse.
Ils veulent être plus qu'une tragédie concentrée dans le temps.
Ils veulent que leurs noms survivent aux gros titres. Ils veulent être des noms, pas des numéros, pas des dommages collatéraux, pas un silence drapé dans le jargon médiatique.
S'il reste bien une chose à sauver en ce monde, ce sont les enfants, pas seulement ceux qui respirent encore, mais ceux qui sont enfouis dans des tombes et dont les histoires continuent de fleurir dans leur gorge. Ceux qui sont derrière des barreaux d'acier et rêvent enchaînés. Ceux qui apprennent à dessiner des drones avant de connaître l'alphabet. Ceux qui ont arrêté de parler parce que chaque mot les a trahis.
Ils n'ont pas besoin de hashtags. Ils ont besoin de votre indignation. Celle qui peut briser le silence. Qui peut faire trembler les statues. Ils ont besoin de la rage enfouie en vous pour vous réveiller et agir.
Ils ont besoin de vous pour ne plus prétendre qu'être neutre est une arme. Pour désapprendre le confort. Pour enfin ressentir le cri qu'ils ravalent depuis plus de 75 ans.
Pas de journée. Pas de messages.
Juste l'heure des comptes.
Marginalia Subversiva