09/04/2025 vududroit.com  12min #274389

Trump et les droits de douane : réparer 40 ans de néolibéralisme ?

« Eh bien dis donc, il met un sacré bazar le Trump avec son histoire des droits de douane. Qu'est-ce qu'il cherche à obtenir ?

• Rien du tout ! Il est complètement fou et fait n'importe quoi. C'est un genre nazi qui mange les petits-enfants, qui a un ego démesuré et qui veut se venger de tout le monde.

• Tu crois ?

• Évidemment ! Je l'ai lu dans le Figaro, entendu sur BFM et surtout sur toutes les chaînes du service public. Si tout le monde est d'accord comme ça, c'est que c'est vraiment un cinglé. J'ai même écouté Valerie Hayer et Stéphane Séjourné, c'est dire.

• Comme Poutine alors ? Fou à lier, nazi qui mange les petits-enfants, qui veut tuer tout le monde, ils cochent exactement les mêmes cases. Sauf que Poutine en plus il a 31 cancers et qu'il va mourir en 2022. »

J'étais rassuré, je me suis dit le Donald il va se casser la figure, donc on va pouvoir continuer à préparer la guerre qu'on va faire à la Russie que comment on va leur mettre la pâtée. Et puis je suis tombé sur un drôle d'article. D'un nommé Steve Miran qui a l'air d'avoir l'oreille de Donald Trump.  Publié sur le site de la Maison-Blanche, sur la page de Donald Trump lui-même, il raconte un certain nombre de choses intéressantes.

D'abord, avec un culot d'acier et une joviale mauvaise foi, le gars pas gêné, nous explique que le monde traverse une ère de paix et de prospérité jamais vues dans l'histoire grâce aux États-Unis, à leur puissance militaire et au dollar comme monnaie de réserve. Alors en plus de dire merci, il demande au reste du monde de désormais passer à la caisse. « Nous les Américains, on travaille dur (sic) pour votre bien-être, mais maintenant faut partager l'effort ». Il nous explique en détail comment faire ça, et conclut : « Le monde peut conserver le parapluie de défense et le système commercial américains, mais il doit commencer à en payer sa juste part. »

Alors comme il serait plus intelligent d'écouter ce que raconte Poutine, il faudrait faire de même avec Donald Trump au lieu de passer son temps à l'insulter.

En fait, l'enjeu est simple, il s'agit de réparer 40 ans de néolibéralisme infligé aux États-Unis et à l'Occident désormais maladif. C'est probablement trop tard.

Et nous on va dérouiller.

Regis de Castelnau

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Remarques du président de la CEA, Steve Miran, à l'occasion de l'événement organisé par l'Institut Hudson

Aujourd'hui, j'aimerais évoquer la manière dont les États-Unis fournissent ce que les économistes appellent les « biens publics mondiaux » au monde entier. Premièrement, les États-Unis fournissent un parapluie de sécurité qui a permis la plus grande ère de paix que l'humanité ait jamais connue. Deuxièmement, ils fournissent le dollar et les titres du Trésor, des actifs de réserve qui rendent possible le système commercial et financier mondial, lequel a soutenu la plus grande ère de prospérité que l'humanité ait jamais connue.

Ces deux aspects nous coûtent cher. Côté défense, nos hommes et femmes en uniforme prennent des risques héroïques pour rendre notre nation et le monde plus sûrs, préservant ainsi nos libertés génération après génération. Et nous taxons lourdement les Américains qui travaillent dur pour financer la sécurité mondiale. Côté financier, la fonction de réserve du dollar a provoqué des distorsions monétaires persistantes et contribué, avec les barrières commerciales injustes imposées par d'autres pays, à des déficits commerciaux insoutenables. Ces déficits commerciaux ont décimé notre secteur manufacturier et de nombreuses familles ouvrières et leurs communautés, facilitant ainsi les échanges commerciaux entre non-Américains.

Permettez-moi de préciser que par « monnaie de réserve », j'entends toutes les fonctions internationales du dollar, y compris l'épargne privée et le commerce. J'ai souvent cité l'exemple suivant : lorsque des agents privés de deux pays étrangers distincts échangent entre eux, ces échanges sont généralement libellés en dollars, en raison du statut des États-Unis comme fournisseur de réserves. Ces échanges impliquent une épargne placée en titres en dollars, souvent des bons du Trésor. De ce fait, les Américains ont payé pour la paix et la prospérité, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour les non-Américains.

Le président Trump a clairement indiqué qu'il ne tolérerait plus que d'autres nations profitent de notre sang, de notre sueur et de nos larmes, que ce soit en matière de sécurité nationale ou de commerce. L'administration Trump a déjà, au cours de ses cent premiers jours, pris des mesures énergiques pour réorienter nos relations en matière de défense et de commerce afin de placer les Américains sur un pied d'égalité. Le président a promis de reconstruire notre base industrielle défaillante et de rechercher des conditions commerciales qui accordent la priorité aux travailleurs et aux entreprises américains.

Je suis économiste et non stratège militaire. Je m'attarderai donc davantage sur le commerce que sur la défense, mais les deux sont profondément liés. Pour comprendre le fonctionnement, imaginez deux nations étrangères, par exemple la Chine et le Brésil, qui commercent entre elles. Aucun des deux pays ne dispose d'une monnaie fiable, liquide et convertible, ce qui rend les échanges commerciaux difficiles. Cependant, comme ils peuvent effectuer des transactions en dollars américains garantis par des bons du Trésor américain, ils peuvent commercer librement et prospérer. Ces échanges ne peuvent se produire que grâce à la puissance militaire américaine, qui garantit notre stabilité financière et la crédibilité de nos emprunts. Notre domination militaire et financière ne peut être tenue pour acquise ; l'administration Trump est déterminée à la préserver.

Mais notre domination financière a un coût. S'il est vrai que la demande de dollars a maintenu nos taux d'emprunt à un faible niveau, elle a également faussé les marchés des changes. Ce processus a imposé des fardeaux excessifs à nos entreprises et à nos travailleurs, rendant leurs produits et leur main-d'œuvre non compétitifs sur la scène mondiale, et a entraîné une baisse de plus d'un tiers de notre main-d'œuvre manufacturière depuis son pic de 1999 ainsi qu'une réduction de 40 % de notre part dans la production manufacturière mondiale.

Nous devons être capables de produire dans ce pays, comme nous l'avons constaté pendant la Covid, lorsque nombre de nos chaînes d'approvisionnement n'auraient pas pu survivre sans dépendre de notre plus grand adversaire, la Chine. Nous ne devons clairement pas dépendre de notre plus grand adversaire pour les équipements essentiels à la sécurité de notre population. Il ne faut pas non plus que notre plus grand adversaire bénéficie autant d'une architecture sécuritaire et financière internationale que nous finançons.

L'octroi d'actifs de réserve a d'autres effets secondaires regrettables. D'autres peuvent acheter nos actifs pour manipuler leur propre monnaie et maintenir leurs exportations à bas prix. Ce faisant, ils injectent tellement d'argent dans l'économie américaine que cela alimente les vulnérabilités et les crises économiques. Par exemple, dans les années précédant le krach de 2008, la Chine, ainsi que de nombreuses institutions financières étrangères, ont accru leurs avoirs en dette hypothécaire américaine, contribuant ainsi à alimenter la bulle immobilière, injectant des centaines de milliards de dollars de crédit dans le secteur immobilier sans se soucier de la pertinence de ces investissements. La Chine a joué un rôle important dans le déclenchement de la crise financière mondiale. Il a fallu près d'une décennie pour s'en remettre, jusqu'à ce que le président Trump nous remette sur les rails lors de son premier mandat.

À mon avis, pour continuer à fournir ces deux biens publics mondiaux, il est nécessaire d'améliorer le partage des charges à l'échelle mondiale. Si d'autres nations veulent bénéficier du parapluie géopolitique et financier des États-Unis, elles doivent assumer leur part et payer leur juste part. Les coûts ne peuvent être supportés uniquement par les Américains ordinaires, qui ont déjà tant donné.

Le meilleur résultat serait que l'Amérique continue d'instaurer la paix et la prospérité mondiales et demeure le fournisseur de réserves, tandis que les autres pays non seulement en récoltent les fruits, mais en supportent également les coûts. En améliorant le partage des charges, nous pouvons renforcer la résilience et préserver la sécurité et les systèmes commerciaux mondiaux pour de nombreuses décennies.

De plus, c'est essentiel non seulement pour l'équité, mais aussi pour les capacités. Nous sommes assiégés par des adversaires hostiles qui tentent d'éroder notre base industrielle et de défense et de perturber notre système financier ; nous ne pourrons fournir ni défense ni ressources de réserve si notre capacité industrielle est vidée de sa substance. Le président a clairement indiqué que les États-Unis étaient déterminés à rester le fournisseur de réserves, mais que le système devait être rendu plus équitable. Nous devons reconstruire nos industries afin de projeter la force nécessaire pour protéger notre statut de réserve, et pour ce faire, nous devons être en mesure de payer nos factures.

Quelles formes ce partage des charges peut-il prendre ? De nombreuses options s'offrent à vous, voici quelques idées :

  • Premièrement, d'autres pays peuvent accepter des droits de douane sur leurs exportations vers les États-Unis sans représailles, ce qui fournirait des recettes au Trésor américain pour financer la fourniture de biens publics. Surtout, les représailles aggraveraient la répartition des charges au lieu de l'améliorer et rendraient encore plus difficile le financement des biens publics mondiaux.
  • Deuxièmement, ils peuvent mettre fin aux pratiques commerciales déloyales et nuisibles en ouvrant leurs marchés et en achetant davantage aux États-Unis ;
  • Troisièmement, ils peuvent augmenter les dépenses de défense et les achats en provenance des États-Unis, en achetant davantage de produits fabriqués aux États-Unis, en allégeant la pression sur nos militaires et en créant des emplois ici ;
  • Quatrièmement, ils peuvent investir et implanter des usines aux États-Unis. Ils ne seront pas confrontés à des droits de douane s'ils fabriquent leurs produits ici ;
  • Cinquièmement, ils pourraient simplement émettre des chèques au Trésor pour nous aider à financer les biens publics mondiaux.

Les tarifs douaniers méritent une attention particulière. La plupart des économistes et certains investisseurs les considèrent, au mieux contre-productifs, au pire terriblement néfastes. Ils ont tort.

L'une des raisons pour lesquelles le consensus économique sur les droits de douane est si erroné réside dans le fait que la quasi-totalité des modèles utilisés par les économistes pour étudier le commerce international supposent soit l'absence totale de déficit commercial, soit que les déficits sont de courte durée et se corrigent rapidement par des ajustements monétaires. Selon les modèles classiques, les déficits commerciaux entraînent un affaiblissement du dollar, ce qui réduit les importations et stimule les exportations, effaçant à terme le déficit commercial. Dans ce cas, les droits de douane pourraient s'avérer inutiles, car les échanges commerciaux s'équilibreront progressivement et, de ce point de vue, intervenir par le biais de droits de douane ne peut qu'aggraver la situation.

Cependant, cette vision est en contradiction avec la réalité. Les États-Unis accusent des déficits courants depuis cinq décennies, et ceux-ci se sont creusés de manière vertigineuse ces dernières années, passant d'environ 2 % du PIB sous la première administration Trump à un pic de près de 4 % du PIB sous l'administration Biden. Et ce, alors même que le dollar s'appréciait, et non se dépréciait !

Le long terme est là, et les modèles sont erronés. L'une des raisons est qu'ils ne tiennent pas compte de l'apport des États-Unis en monnaie de réserve mondiale. Le statut de réserve est important et, la demande de dollar étant insatiable, elle a été trop forte pour que les flux internationaux puissent s'équilibrer, même sur cinq décennies.

Des analyses économiques plus récentes 3 envisagent la possibilité de déficits commerciaux persistants qui résistent au rééquilibrage automatique, ce qui est plus conforme à la réalité aux États-Unis. Elles montrent qu'en imposant des tarifs douaniers aux pays exportateurs, les États-Unis peuvent améliorer les résultats économiques, augmenter les revenus et imposer d'énormes pertes à la nation soumise aux tarifs, même avec des représailles complètes.

En ce sens, l'analyse de ce que les économistes appellent « l'incidence » des droits de douane indique qu'une part importante et le poids de ces droits sont « payés » par le pays concerné. Les pays qui affichent d'importants excédents commerciaux sont assez rigides : ils ne trouvent pas d'autres sources de demande pour remplacer celle des États-Unis. Ils n'ont d'autre choix que d'exporter, et les États-Unis constituent le plus grand marché de consommation au monde. En revanche, les États-Unis disposent de nombreuses options de substitution : nous pouvons produire sur place ou acheter auprès de pays qui nous traitent équitablement plutôt qu'à des pays qui nous exploitent. Cette différence de levier signifie que ce sont les autres pays qui finissent par supporter le coût des droits de douane.

En 2018-2019, la Chine a supporté le coût des droits de douane historiques imposés par le président Trump en affaiblissant sa monnaie, ce qui a entraîné un appauvrissement de ses citoyens et une diminution de leur pouvoir d'achat à l'échelle mondiale. Les recettes douanières, financées par la Chine, ont servi à financer les baisses d'impôts décidées par le président Trump pour les travailleurs et les entreprises américaines. Cette fois-ci, les droits de douane contribueront à financer à la fois les baisses d'impôts et la réduction du déficit.

La baisse des impôts sur les Américains, financée en partie par les recettes provenant de l'étranger, créera une croissance économique, un dynamisme et des opportunités sans précédent pour notre pays, inaugurant ainsi le nouvel âge d'or du président Trump. La réduction du déficit contribuera à faire baisser les taux du Trésor, et donc les taux hypothécaires et les taux des cartes de crédit à la consommation, stimulant ainsi un boom économique.

Il est important de noter ici que les droits de douane ne sont pas simplement perçus pour générer des recettes. Par exemple, les droits de douane réciproques du Président visent à lutter contre les barrières tarifaires et non tarifaires, ainsi que contre d'autres formes de fraude, comme la manipulation monétaire, le dumping et les subventions, visant à obtenir un avantage indu. Les recettes constituent un effet secondaire positif et, si elles sont utilisées en partie pour réduire les impôts, elles peuvent contribuer à dynamiser la compétitivité et ainsi stimuler les exportations américaines.

Le partage des charges peut permettre aux États-Unis de continuer à dominer le monde libre pendant de nombreuses décennies. C'est une nécessité non seulement pour des raisons d'équité, mais aussi pour des raisons de faisabilité. Si nous ne reconstruisons pas notre secteur manufacturier, nous aurons du mal à assurer la sécurité nécessaire à notre sécurité et à soutenir nos marchés financiers. Le monde peut conserver le parapluie de défense et le système commercial américains, mais il doit commencer à en payer sa juste part.

Merci, et je serai ravi de répondre à vos questions.


[1]  fred.stlouisfed.org

[2]  data.worldbank.org

[3]  papers.ssrn.com

 vududroit.com