Journal dde.crisis de Philippe Grasset
14 avril 2025 (18H00) – On reprend un texte court et très intéressant de notre Constantin von Hoffmeister, souvent présent dans nos pages et colonnes. Hoffmeister détecte, dépèce et dénonce une des pires maladies de la modernité en perdition, pour tenter non pas de se défendre mais d'achever son œuvre de mort, pour empêcher que son autodestruction née de sa surpuissance puisse également terrasser ce qui s'apprête à la remplacer. Cette maladie se nomme "xénophilie" et se présente comme une inversion, non pas de la xénophobie qu'elle prétend combattre, mais de la polyphonie harmonique des civilisations que tout esprit haut survivant de cette tempête qu'est notre monstrueuse GrandeCrise devrait songer à appeler pour cette grande tâche : une polyphonie harmonique des civilisations pour « Un orchestre de civilisations »
Hoffmeister la définit notamment, cette xénophilie qui sonne comme une syphilis mangeuse de cerveau :
« Elle sert de miroir inversé à la xénophobie et constitue une haine de soi masquée par la compassion... »
Son attaque critique contre le globalisme en tant qu'une sorte de secte comme un mélange disgracieux et pervers de fausse religion et de culte aveugle, est désormais une démarche courante qu'on rencontre dans nombre de réflexions, – surtout dans les grands pays civilisationnels (Russie, Chine, Inde) et les dissidents des pays-phares du bloc-moderniste.
Note de PhG-Bis : « Je me permets d'introduire un rapide aparté sur vous savez quoi... En France, pays de tant d'ambitions et de novations, le modèle de la "Grande Nation" et "la fille ainée de l'Église", le pénible parcours de la laïcité et le naufrage ultra-rapide du catholicisme ne suffiront pas à transformer l'ensemble en un pays musulman comme le craignent les accusateurs du Grand Remplacement. Même les musulmans de ‘Soumission' s'apercevront que cette syphilis-xénophilie à-la-française leur interdit tout établissement durable. »
Cela pour suggérer de tempérer dans une certaine mesure l'emportement héroïque de Hoffmeister pour le "monde multipolaire" conçu comme « Un orchestre de civilisations ». Je la recommanderais aussi bien pour Douguine, cette tempérance, si je ne distinguais chez le Russe une sorte de fatalisme héroïque propre aux Slaves qui résonne à mes oreilles comme une sorte de mise en garde, qui n'empêche ni la joie de ce combat, ni une bonne rincée de vodka la soir, face au feu de bois ; c'est, dans son cas, une façon de dire :
« Oui, parfaitement, c'est bien la voie qu'il faut rechercher, mais nous avons encore quelques obstacles à franchir et nous ignorions radicalement ce que le Ciel nous réserve comme issue acceptable par où II nous invitera fermement à passer... »
Oh, ce n'est qu'une divergence tactique, de type chronologique, dans la même puissante vague stratégique qui aujourd'hui soulève et secoue furieusement le destin du mone. C'est dire que je ne soulève aucune critique sévère à l'encontre de Hoffmeister, mais simplement je soutiens cette conversation que nous avons tous sur les champs de blé d'or et les multiples horizons vers où nous mènent nos âmes résistantes et notre volonté de fer.
Il faut se mettre à ces conversations. Il faut s'y mettre comme l'on fait autour d'un cadavre qui commence à puer et qu'il va falloir songer à enterrer. Vous voyez, je ne songe même pas à m'inquiéter de la façon dont nous nous débarrasserons du bloc-moderniste. C'est déjà fait.
Ce qui m'inquiète surtout, – ou qui m'indispose, qui m'exaspère, dirais-je tout aussi bien – c'est de constater combien de par chez nous les diverses populations, les populaces en errance, refusent de se rendre à l'évidence de la puissance inimaginable de cette crise. Ils sont là, accrochés à ce qu'ils jugent être "leurs biens", aimables avec tout ce qui fait matière et surtout rien de l'esprit ni de l'âme, à repousser le diable qu'ils croient combattre alors qu'ils en sont les jouets. Mes contemporains m'indisposent et m'importunent au plus haut point et au-delà de tout, lorsque je les considère avec cet oeil. Ils souffrent, se plaignent, appellent à la révolte, et ils ne font rien qu'acquiescer aux arguments de ceux qui sont la cause de tous leurs tourments.
Allez, retour à Constantin von Hoffmeister.
J'enchaîne son texte directement, sans l'apparat habituel des ‘Ouverture Libre'...
« La xénophilie, suicide civilisationnelLa xénophilie est plus que de la curiosité ou une admiration respectueuse pour l'étranger. C'est une maladie psychologique qui afflige les civilisations en fin de vie. Elle sert de miroir inversé à la xénophobie et constitue une haine de soi masquée par la compassion. Elle se manifeste dans le monde occidental par une obsession pour l'exotisme, une frénésie de déconstruction des traditions, des symboles et des structures au service d'un faux universalisme. Sous couvert de tolérance, la xénophilie exige l'effacement des frontières – géographiques, culturelles et métaphysiques. C'est le sida spirituel de peuples épuisés qui ont abandonné toute volonté de survie et cherchent la rédemption en se dissolvant dans le magma mondial.
Cette attirance morbide pour l'étranger s'accroît grâce à la trinité impie de l'unipolarité, du libéralisme et du globalisme. L'ordre mondial unipolaire, mené par l'hégémonie déclinante de l'atlantisme, impose sa domination militaire et économique tout en promouvant la standardisation anthropologique. Le libéralisme, métastasé en libéral-totalitarisme mondial, enseigne que toutes les identités restent des masques interchangeables, abandonnés au nom de la « liberté » – une « liberté » définie comme consommation et conformité. Le globalisme, bras administratif de cette idéologie, écrase la diversité enracinée sous la monoculture bureaucratique et financière. Sous ce régime, la xénophilie devient permise et obligatoire – célébrée comme une vertu dans un monde où toutes les valeurs subissent une inversion.
Le monde multipolaire émergent offre une alternative radicale : un orchestre de civilisations – chacune avec sa mélodie, son rythme et son âme propres. Ce monde naît de la vitalité de la différence plutôt que de l'uniformité. Chaque peuple doit assumer sa propre identité avec une volonté héroïque – archéofuturisme, tradition tournée vers l'avenir. La xénophilie, dans ce contexte, agit comme un poison qui sape la souveraineté ethnique. Elle affaiblit le système immunitaire des civilisations, les rendant vulnérables à l'invasion – par des organismes et des idées parasites.
Un véritable dialogue et une véritable coopération intercivilisationnelle – au sein d'un ordre multipolaire – reposent sur des identités fortes et conscientes d'elles-mêmes. La préservation et la résurgence des particularités ethnoculturelles constituent un impératif moral et une nécessité stratégique dans la lutte contre le Léviathan mondial unipolaire. Lorsque les peuples comprennent qui ils sont, ils entrent en relation avec les autres en position de force et de dignité. La xénophilie cède la place à une nouvelle éthique : l'exophilie sans haine de soi – le respect de l'Autre fondé sur la loyauté envers soi. Le monde aspire à des nations enracinées, dressées telles les piliers d'une cathédrale de civilisations.
La lutte contre la xénophilie devient un combat pour le respect de soi civilisationnel. C'est refuser de s'agenouiller devant des idoles importées tout en profanant ses propres autels. Chaque peuple, pour perdurer, doit d'abord s'aimer lui-même – en comprenant clairement que l'identité naît de la volonté, de la défense et de l'expérience vécue. À l'ère de la renaissance multipolaire, l'ère de l'uniformité planétaire s'efface, tout comme les idéologies qui l'ont engendrée. La xénophilie, comme le mondialisme, appartient au passé – un passé de désintégration. L'avenir appartient à ceux qui se souviennent de qui ils sont. »