France-Soir avec AFP
Javier Milei, président argentin et son ministre de l'économies Luis Caputo
L'Argentine du président libéral Javier Milei a vécu ce lundi son premier jour sans contrôle des changes depuis six ans, marqué par une faible dépréciation du peso, dépréciation que ses détracteurs imaginaient beaucoup plus conséquente, il y aura eu tout de même une forme d'attentisme, et l'absence d'une ruée panique vers le dollar.
"Aujourd'hui, nous sommes plus libres" a claironné dès le matin le président ultralibéral dans une interview radio, célébrant avec la levée du contrôle des changes la fin d'"un monstre", une "des chaines les plus lourdes" qui pesait sur l'économie.
Initialement proposé lundi à 1 250 pesos pour un dollar, le taux officiel s'est établi à 1 230 pour un dollar à la clôture des transactions, selon la banque publique Banco Nacion. Soit une dépréciation d'environ 12 % par rapport à vendredi. Mais largement dans la bande de flottement --de 1 000 à 1 400-- fixée par les autorités argentines.
Autrement dit, un flottement contenu, et sans ruée vers le "dollar refuge" de la part d'Argentins historiquement méfiants envers leur peso : ce qui était un scénario craint. Car depuis lundi, ils peuvent avoir accès illimité au billet vert dans leurs transactions bancaires, au lieu de la limite de 200 dollars par mois depuis six ans.
Signe de relative tranquillité, du moins d'attentisme, le taux de change informel, parallèle, proposé dans la rue s'établissait à un peu moins de 1 300 pesos pour un dollar, pas si éloigné du taux officiel.
"Tout le monde attend de voir ce qui se passe", diagnostiquait pour l'AFP, sans donner son nom, l'un de ces cambistes officieux -illégaux mais totalement tolérés- dans une rue du centre de Buenos Aires.
"Il faut baisser un peu les attentes de ce premier jour", a tempéré Santiago Furiase, membre du directoire de la Banque centrale, sur la chaîne LN+. "Ceci va être un processus".
Vendredi, adossé à un prêt massif (20 milliards de dollars, dont 12 disponibles dès mardi) du FMI, le gouvernement avait annoncé une levée du contrôle des changes, instauré depuis 2019 pour endiguer la fuite de capitaux. Et un flottement semi-libre du peso, que les marchés considéraient de longue date surévalué.
"Aujourd'hui, il n'existe plus de +dollar officiel+, il y a un seul dollar qui est le dollar du marché", s'est félicité M. Milei.
L'injection d'argent frais du FMI, mais aussi de la Banque mondiale, et de la Banque interaméricaine de développement (42 milliards de dollars au total) est considérée comme cruciale par le gouvernement pour reconstituer les réserves de la Banque centrale, stabiliser les changes, "exterminer l'inflation", selon le mot de Milei, et in fine relancer la croissance, après une année 2024 en récession (-1,8 %) pour cette 3ᵉ économie d'Amérique latine.
Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, était lundi à Buenos Aires pour rencontrer les autorités argentines, et offrir son soutien aux réformes. Des médias argentins ont spéculé qu'il pourrait annoncer à son tour une aide supplémentaire, ou une ligne de crédit, au gouvernement argentin.
Pour les sceptiques du plan Milei, le flottement semi-libre du peso est en fait une "dévaluation implicite", qui ne dit pas son nom, de la devise argentine. Avec la crainte d'une répercussion sur les prix, comme cela avait été le cas avec la brutale dévaluation (52 %) de décembre 2023, aux premiers jours de la présidence Milei.
L'inflation a depuis été contenue, ramenée de 211 % en interannuel fin 2023 à 59 % actuellement, au prix d'une drastique austérité budgétaire.
"Cette fois, c'est différent", a insisté Milei en écartant le risque d'inflation, car il a désormais tari l'émission monétaire. Il a affirmé qu'"au milieu de l'an prochain, le problème de l'inflation en Argentine sera terminé".
Car c'est, bien plus que l'accès libre ou pas au dollar, l'indicateur qui "parle" à des millions d'Argentins, dans un pays au salaire minimum d'un peu moins de 300 000 pesos (240 dollars), et la proportion d'emploi informel autour de 40 %.
"Pour moi, c'est impossible de parler de dollars" (parce qu'elle n'a pas de pesos pour en acheter), souriait lundi Carolina Ramírez, employée de maison de 52 ans. "Mais j'ai confiance. Le monsieur (Milei) est très intelligent. Il faut lui donner une chance".