En une semaine, une cascade de pétitions de militaires a brusquement manifesté la prise de conscience par la société israélienne que la stratégie du gouvernement Netanyahou à Gaza ne permettrait ni de ramener les otages ni de vaincre le Hamas.
Les Israéliens commencent à prendre conscience des horreurs vécues par les Palestiniens, mais ils ont pour le moment de grandes difficultés à parler de ces crimes commis par certains de leurs concitoyens et ne parviennent pas à prendre en compte les 50 000 personnes assassinées à Gaza.
Quelques personnalités, comme l'ancien chef d'état-major, le général Dan Haloutz, décrivent désormais ouvertement le Premier ministre comme l'ennemi du peuple juif et demandent son arrestation. Cependant, ces figures publiques s'abstiennent de rappeler que les sionistes révisionnistes étaient les alliés de Benito Mussolini et d'Adolf Hitler contre le peuple juif. Il est encore trop tôt pour les Israéliens pour analyser ce qu'ils ont vécu ces dernières années.
Ce mouvement d'idées trouve sa racine dans la critique que Benyamin Netanyahou a entretenue depuis des années contre l'establishment militaire. Il s'est soudainement développé avec la guerre post-7 octobre à Gaza. Il s'agit donc à la fois d'une révolte contre le populisme des « sionistes révisionnistes » et contre le projet de guerre sans fin qu'ils portent.
• Un groupe de 970 réservistes de l'armée de l'air israélienne, dont certains à la retraite, a signé, le 10 avril, une pétition qui a déclenché une onde de choc à travers la société israélienne.
Les signataires appellent au retour immédiat des otages israéliens détenus par le Hamas par le biais d'un accord et à la fin des combats à Gaza, qui, selon eux, sont motivés par des considérations personnelles et politiques plutôt que par la sécurité de la nation. Ils ont également appelé le peuple israélien à formuler les mêmes exigences, où qu'il se trouve, et de quelque manière qu'il puisse les porter.
L'armée et le gouvernement les ont rapidement réprimandés, allant jusqu'à rejeter ceux qui servent encore, mais très rapidement, d'autres vétérans, réservistes et anciens membres de l'establishment de la sécurité se sont joints à l'appel. Parmi eux se trouvaient d'anciens chefs du Mossad et un chef d'état-major des FDI, qui ont qualifié les manœuvres gouvernementales « d'étouffement de la dissidence civile ».
• Le gouvernement a décidé que tous les signataires seraient renvoyés des armées, mais seuls 25 d'entre eux ont fait amende honorable et se sont retirés de la pétition. Quelques heures plus tard, 150 officiers de la Marine à la retraite ont signé leur propre texte. Ils y écrivent : « Renouveler la guerre nous éloigne de la libération des otages, met en danger nos soldats et nuit aux civils innocents. Au lieu de prendre des mesures ciblées pour faire avancer un accord de libération des otages, nous assistons à un comportement du gouvernement qui sape les fondements de l'esprit d'État, nuit à la confiance du public et suscite de sérieux soupçons quant au fait que les décisions de sécurité nationale sont dictées par des considérations illégitimes. »
• Benyamin Netanyahou, le Premier ministre, a répondu, le 11 avril, en disant que ces textes « étaient écrits par un petit groupe de radicaux, gérés par des organisations financées depuis l'étranger avec un seul objectif : renverser le gouvernement de droite. Ce n'est pas une vague. Ce n'est pas un mouvement. C'est un petit groupe bruyant, anarchiste et déconnecté de retraités - dont la plupart n'ont pas servi pendant des années. »
• 1 525 militaires de l'Armored Corps (cavalerie blindée) ont, à leur tour, publié un texte, le 14 avril, à l'initiative du colonel Rami Matan, ancien commandant adjoint de la brigade Yiftah. Parmi les signataires, on trouve Ehud Barak (ancien Premier ministre et chef d'état-major des FDI), Amram Mitzna (ancien général et chef du Parti travailliste) et Amos Malka Halutz (ancien chef du Renseignement militaire).
• Plus de 250 vétérans de l'Unité 8200, l'unité de renseignement électronique, ont également signé une pétition, le 11 avril. Ils y écrivent : « Nous nous associons à l'appel des équipages pour exiger le retour d'urgence des otages, même au prix de la fin immédiate de la guerre. Nous soutenons et nous nous associons à la déclaration grave et inquiétante que, à ce stade, la guerre sert principalement les intérêts politiques et personnels et non les intérêts de sécurité. » Rapidement, ce texte a été signé par plus d'un millier de réservistes de l'Unité 8200. Puis, 500 entrepreneurs du secteur se sont joints à eux.
• 1 500 vétérans des unités d'infanterie des FDI, des parachutistes et des forces spéciales, dont les commandos d'élite Sayeret Matkal, Shayet 13 et Shaldag ont également signé une pétition, le 11 avril, appelant à la fin de la guerre. Ils y écrivent : « Nous sommes déterminés à exercer nos droits civils et à mettre en garde contre la poursuite de ces combats à long terme qui mettent en danger la vie des otages, des soldats et des civils, et semblent se poursuivre en raison de considérations politiques. »
• Le 13 avril, 250 vétérans du Mossad ont signé une lettre demandant de mettre fin à la guerre et de libérer les otages. Parmi les signataires figurent Danny Yatom, Efraim Halevy et Tamir Pardo (tous trois anciens directeurs de l'agence), ainsi qu'un ancien chef adjoint du Mossad et des dizaines de hauts fonctionnaires à la retraite.
• Le 14 avril, 100 anciens élèves du Collège de sécurité nationale - où les hauts responsables de l'armée, de la défense et du gouvernement poursuivent leurs études avant de prendre des rôles clés à la direction - ont signé une lettre similaire. Selon eux, les soldats et les civils ne devraient pas être laissés pour compte, et la solidarité est la valeur morale suprême. Mais depuis un an et demi, « l'État d'Israël n'a pas réussi à réaliser cette valeur ».
• Shin Bet Veterans for Democracy, un groupe composé de centaines d'anciens combattants du Shin Bet qui ont rejoint le mouvement de protestation contre le « coup d'État » judiciaire, a publié une déclaration de soutien aux « pétitions de nos frères d'armes », qu'ils ont dit « exprimer la profonde détérioration de la confiance du public dans le gouvernement ».
• Le 14 mars, plus de 3 000 responsables de l'éducation ont signé une pétition demandant la fin de la guerre et le retour de tous les otages. Ils la présentent comme « un appel à refuser, c'est un appel pour sauver des vies ».
• Environ 200 diplômés du prestigieux programme Talpiot, qui combine des études de mathématiques et de sciences avec le service militaire dans la recherche et le développement technologique, ont signé une lettre, publiée le 15 avril, pour demander le retour des otages et la fin de la guerre, ainsi que leur soutien aux réservistes de l'armée de l'air. « L'appel à sauver les civils et les soldats en captivité est un appel moral de base sur l'échelle des valeurs selon laquelle nous avons été éduqués et selon lequel nous avons servi », ont-ils écrit.
• Une lettre publique, signée, le 16 avril, par 200 commissaires de police, commandants et officiers de la police israélienne, a demandé le retour de tous les otages, même au prix de la fin de la guerre.
• Environ 250 vétérans et réservistes de l'unité de commando naval d'élite Shayet 13, dont certains ont également déjà signé la pétition des forces spéciales, ont publié leur propre lettre ouverte, le 15 avril.
• Environ 120 anciens combattants, officiers et réservistes, identifiés par leur prénom, l'initiale de leur nom et leur dernier grade, ont signé une lettre, publiée le 15 avril, à l'attention des membres de la Division des opérations spéciales de la direction du Renseignement militaire. « Nous, qui avons servi pendant de nombreuses années au cœur de la sécurité israélienne, sous les gouvernements de droite et de gauche, et en tant que citoyens patriotes et respectueux de la loi, nous déclarons clairement que le gouvernement israélien et l'homme à sa tête constituent une menace claire et immédiate pour la sécurité israélienne et la vie des otages. »
• Environ 500 diplômés du cours d'officiers d'élite de la marine israélienne, dont quatre anciens commandants de la marine israélienne, ont signé une lettre demandant « la fin de la guerre, un réexamen de la politique et l'intégration des mesures diplomatiques pour ramener les otages et le retour de la sécurité en Israël ».
Cet article est extrait du numéro 129 de "Voltaire, actualité internationale". Le monde change vite. Abonnez-vous à notre lettre confidentielle hebdomadaire ; une source exceptionnelle d'information sur la transition vers un monde multipolaire.