19/04/2025 ssofidelis.substack.com  8min #275436

Briser le silence sur la lutte armée palestinienne - Un appel au respect du droit

Par Ramzy Baroud & Romana Rubeo, le 15 avril 2025

Nous avons interrogé le professeur Falk spécifiquement sur le droit du peuple palestinien à se défendre et, plus précisément, sur la lutte armée et sa conformité (ou non) avec le droit international.

Le 22 février 2024, Ma Xinmin, représentant de la Chine à la Cour internationale de justice (CIJ), a tenu des propos inattendus.

Son témoignage, comme celui d'un certain nombre d'autres personnes, devait aider la Cour internationale de justice (CIJ) à formuler un avis juridique critique et attendu depuis longtemps sur les conséquences juridiques de l'occupation de la Palestine par Israël.

Ma Xinmin  a exprimé la position chinoise, qui, contrairement au témoignage de l'envoyé américain, est en totale conformité avec le droit international et humanitaire.

Mais il a abordé un sujet tabou, que même les plus proches alliés de la Palestine au Moyen-Orient et dans les pays du Sud n'osaient aborder : le droit de recourir à la lutte armée.

"Le recours à la force par le peuple palestinien pour résister à l'oppression étrangère et achever la création d'un État indépendant est un droit inaliénable",

a déclaré l'ambassadeur chinois, insistant sur le fait que

"la lutte menée par les peuples pour leur libération, leur droit à l'autodétermination, y compris la lutte armée contre le colonialisme, l'occupation, l'agression et la domination des forces étrangères, ne saurait être considérée comme un acte terroriste".

Comme on pouvait s'y attendre, les commentaires de Ma Xinmin n'ont pas eu beaucoup de retentissement : ni les gouvernements ni les universitaires, y compris ceux de gauche, n'ont saisi cette opportunité pour approfondir la question. Il est bien plus commode d'assigner aux Palestiniens le rôle de victimes ou de méchants. Un Palestinien qui résiste, qui a le pouvoir d'agir et de contrôler son propre destin, est toujours dangereux.

Les remarques de Ma Xinmin, cependant, sont tout à fait conformes au droit international. Nous ne pouvions donc pas passer à côté de l'occasion d'aborder ce sujet dans une récente UNMISSABLE: Do Palestinians Have the Right to Resist? w/ Richard Falk avec le professeur Richard Falk, éminent spécialiste du droit international et ancien rapporteur spécial des Nations unies pour la Palestine.

Falk n'est pas seulement un expert juridique, aussi accompli soit-il dans ce domaine. C'est également un intellectuel brillant et un historien avisé. Bien qu'il s'exprime avec beaucoup de prudence, il peut être très direct et ne mâche pas ses mots. Ses idées peuvent sembler "radicales", mais uniquement si ce terme est pris dans le sens restrictif qu'en donnent les médias grand public et le monde universitaire.

Falk ne parle pas "de bon sens", selon ce qu'entend Gramsci, mais de discours parfaitement rationnel, même s'il est souvent en contradiction avec la pensée dominante.

Nous avons interrogé le professeur Falk sur le droit du peuple palestinien à se défendre et, plus précisément, sur la lutte armée et sa conformité (ou non) avec le droit international.

"Oui, je pense que c'est une interprétation correcte du droit international, une interprétation dont l'Occident, dans l'ensemble, ne veut pas entendre parler",

a déclaré Falk en réponse aux commentaires de Ma Xinmin du 24 février.

Falk a précisé :

"Le droit de résistance a été affirmé durant le processus de décolonisation dans les années 1980 et 1990, et cela inclut le droit à la résistance armée. Cependant, cette résistance est soumise au respect des lois internationales de la guerre".

Même le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme  stipule

 qu'"il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression".

Israël ne respecte pas le droit international de la guerre. La situation à Gaza, par exemple, est l'une des violations les plus flagrantes du  mépris total d'Israël non seulement du droit de la guerre, mais aussi de l'ensemble du dispositif juridique international et humanitaire.

Les Palestiniens, eux, qui sont en état de légitime défense permanente, sont animés par un ensemble de valeurs différentes de celles d'Israël. L'une d'entre elles consiste à être pleinement conscients de la nécessité de maintenir la légitimité morale de leurs méthodes de résistance.

Ainsi, le "respect des lois de la guerre" impliquerait notamment l'engagement de protéger les civils, de respecter et de protéger "les blessés et les malades (...) en toutes circonstances", d'"éviter les souffrances inutiles" en  limitant les "mesures et méthodes de lutte" et de mener des attaques "proportionnées".

Ceci nous amène aux événements du 7 octobre 2023, l' opération Al-Aqsa Flood dans la région connue sous le nom d'"enveloppe de Gaza", au sud d'Israël.

"Dans la mesure des preuves tangibles d'atrocités commises lors de l'attaque du 7 octobre existent, celles-ci constitueraient des violations, mais l'attaque elle-même est, dans son contexte, tout à fait justifiable et attendue depuis bien longtemps", a déclaré Falk.

La déclaration ci-dessus est pour le moins bouleversante. Elle établit une distinction très claire entre l'opération elle-même et certaines allégations - dont plusieurs ont déjà été démenties  par des preuves - concernant ce qui aurait pu se passer durant l'assaut de la résistance palestinienne.

Voilà pourquoi Israël, les États-Unis et leurs alliés au sein des gouvernements et des médias occidentaux ont déployé des efforts considérables pour déformer les événements qui ont précipité les hostilités, recourant à des  mensonges éhontés tels que des viols collectifs, les  décapitations de bébés et le massacre gratuit de participants innocents à un festival de musique.

En créant ce récit fallacieux, Israël a réussi à détourner l'attention des événements qui ont précipité le 7 octobre et à mettre les Palestiniens sur la défensive, accusés d'avoir commis des atrocités innommables contre des civils innocents.

"L'une des tactiques utilisées par l'Occident et Israël est d'avoir presque réussi à sortir le 7 octobre de son contexte afin qu'il semble surgi de nulle part", selon Falk.

"Le secrétaire général de l'ONU a même été qualifié d'antisémite pour avoir simplement souligné le fait le plus évident : qu'on assiste à une longue histoire d'abus à l'encontre du peuple palestinien qui a abouti à cette situation", a-t-il ajouté, faisant référence à la simple  déclaration d'Antonio Guterres selon laquelle le 7 octobre "ne s'est pas produit dans le vide".

Les propos de Falk, figure emblématique et l'un des universitaires et défenseurs du droit international les plus influents de notre époque, devraient inspirer un véritable débat sur la résistance palestinienne.

L'histoire de la résistance palestinienne n'est pas une histoire de résistance armée en soi. Cette dernière n'est que la manifestation d'une longue histoire de résistance populaire qui touche tous les aspects de l'expression sociétale, allant de la culture à la spiritualité, en passant par la désobéissance civile, les grèves générales, les manifestations de masse, les grèves de la faim, etc.

Cependant, si les Palestiniens parviennent à inscrire leur résistance armée - tant qu'elle respecte les lois de la guerre - dans un cadre légal, alors les tentatives de délégitimer la lutte palestinienne, ou de larges pans de la société palestinienne, seront remises en cause et finiront par être vaincues.

Alors qu'Israël continue de jouir de l'impunité face à toute action significative des institutions internationales, ce sont les Palestiniens qui continuent d'être accusés, au lieu d'être soutenus dans leur lutte légitime pour la liberté, la justice et la libération.

Seules des voix courageuses, comme celles de Ma Xinmin et de Richard Falk, parmi tant d'autres, pourront corriger ce discours biaisé de l'histoire.

Traduit par  Spirit of Free Speech

* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de The Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six livres. Son dernier ouvrage, coédité avec Ilan Pappé, s'intitule "Our Vision for Liberation : Engaged Palestinian Leaders and Intellectuals Speak Out". Parmi ses autres livres, citons "My Father was a Freedom Fighter" et "The Last Earth". Ramy Baroud est chercheur principal non résident au Center for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web est  www.ramzybaroud.net

* Romana Rubeo est une écrivaine italienne et la rédactrice en chef de The Palestine Chronicle. Ses articles ont été publiés dans de nombreux journaux en ligne et revues universitaires. Elle est titulaire d'une maîtrise en langues et littératures étrangères et se spécialise dans la traduction audiovisuelle et journalistique.

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