30/04/2025 reseauinternational.net  6min #276456

Le projet de gazoduc transcaspien deviendra-t-il une réalité ?

par Pierre Duval

La Turquie s'est positionnée en «hub» gazier faisant le lien entre le Caucase et l'Europe. Le Turkménistan dispose des quatrièmes réserves mondiales de gaz naturel, mais il reste dépendant des exportations vers la Chine et, dans une moindre mesure, vers la Russie et l'Iran. Depuis mars dernier, le gaz naturel turkmène coule un peu vers la Turquie.

Conformément à  l'accord signé le 11 février 2025 entre la compagnie énergétique turque Botas et Turkmengaz, l'approvisionnement en gaz naturel turkmène à la Turquie a commencé le 1er mars 2025. «Les livraisons de gaz naturel turkmène à la Turquie débuteront le 1er mars 2025 et seront effectuées via l'Iran dans le cadre d'un système de troc»,  a stipulé Ahmet Demirok, ambassadeur de Turquie au Turkménistan.

«Cet événement est le fruit de nombreuses années de négociations et marque une étape importante dans le renforcement de la coopération énergétique entre les deux pays. L'accord prévoit la fourniture de jusqu'à 2 milliards de mètres cubes de gaz par an», a-t-il ajouté. Il a, par ailleurs, souligné que «cet accord constituait une étape importante pour garantir la sécurité énergétique de la Turquie et de la région dans son ensemble», insistant sur le point que «le Turkménistan était un partenaire fiable sur le marché mondial de l'énergie». Selon l'ambassadeur, «la Turquie souhaite à long terme mettre en œuvre le projet de gazoduc transcaspien, qui augmentera le volume des approvisionnements en gaz du Turkménistan et l'acheminera vers le marché européen», est-il précisé. L'objectif de la Turquie est de devenir un centre de transit et d'énergie macrorégional.

Dans une interview à la presse, Alparslan Bayraktar, ministre turc de l'Énergie et des Ressources naturelles a, selon le site Business Turkmenistan  fait savoir qu'«il est prévu à long terme de livrer 15 milliards de mètres cubes via un gazoduc à travers la mer Caspienne sur 20 ans, avec un volume total de 300 milliards de mètres cubes».

Évoquant le rôle de la Turquie dans le transport du gaz naturel turkmène vers l'Europe, Demirok a insisté: «Depuis l'indépendance du Turkménistan, plusieurs documents ont été signés et d'importantes réunions ont eu lieu entre les autorités turques et turkmènes compétentes afin de renforcer la coopération énergétique. La question du transport du gaz naturel turkmène vers notre pays et, via la Turquie, vers l'Europe, est depuis longtemps à l'ordre du jour. Compte tenu de l'instabilité politique et économique mondiale actuelle, ainsi que des préoccupations environnementales croissantes telles que la transition écologique, nous pensons que le moment est opportun pour transporter le gaz turkmène vers les marchés occidentaux. Nous pensons que cette fenêtre d'opportunité ne restera pas ouverte éternellement et que la coopération doit commencer dès que possible».

Le Turkménistan est un carrefour stratégique. Soulignant l'importance du Turkménistan pour les voies de transport, Demirok a expliqué que «ce corridor commence en Turquie, traverse la Géorgie, l'Azerbaïdjan et la mer Caspienne, puis traverse le Turkménistan, l'Ouzbékistan, le Kirghizistan ou le Kazakhstan pour rejoindre la Chine». Il a rajouté: «Dans ce contexte, les ports d'Alat en Azerbaïdjan, d'Aktau au Kazakhstan et de Turkmenbashi au Turkménistan sont utilisés pour le transport combiné à travers la mer Caspienne. Le Turkménistan est un carrefour stratégique reliant l'Est et l'Ouest via la mer Caspienne et la Chine, ainsi que le Nord et le Sud via la Russie, le Kazakhstan, l'Iran et le Pakistan. La stratégie du Turkménistan visant à relancer la Grande Route de la Soie s'inscrit dans le cadre de l'initiative chinoise «la Ceinture et la Route». Le Turkménistan développe un système logistique multifonctionnel et harmonisé dans les axes Est-Ouest et Nord-Sud et vise à exploiter pleinement le potentiel du transport intercontinental par rail, route et air et à établir des terminaux logistiques aux carrefours clés».

Le Turkménistan, pays d'Asie centrale aux immenses ressources énergétiques,  se targue de sa capacité à fournir du gaz à l'Europe en cas de construction d'un gazoduc transcaspien, tentant de relancer ce projet à la faveur de la guerre en Ukraine.

De son côté, l'Union européenne  cherche «à relancer ce projet de gazoduc reliant le Turkménistan à l'Europe en impliquant des énergéticiens européens car les tensions entre l'UE et la Russie liées à la crise ukrainienne poussent les Européens à diversifier leurs approvisionnements en gaz, assurés pour près d'un tiers par Moscou», avertit Challenges.

Ce projet qui doit permettre d'acheminer du gaz du Turkménistan jusqu'en Europe via la Mer caspienne, l'Azerbaïdjan et la Turquie est paralysé depuis des années en raison d'incertitudes politiques, juridiques, financières et environnementales.

Le Turkménistan et la Turquie ont signé l'année dernière un accord-cadre pour la fourniture de gaz au projet de gazoduc transanatolien (TANAP). «Mais, Pour se connecter à TANAP, le Turkménistan doit construire sa propre liaison sous la mer Caspienne dont le statut juridique ne fait l'objet d'aucun accord, la Russie et l'Iran considérant en conséquence que la réalisation de cette liaison nécessite le consentement des cinq pays riverains», conclut le magazine hebdomadaire économique français.

Le Turkménistan et l'Iran ont, ainsi, signé  un accord dans le domaine de la coopération gazière pour livrer du gaz à la Turquie.

 Le hic est qu'actuellement le gaz naturel turkmène est dans la capacité de fournir en gaz naturel à environ seulement 1,5 million de ménages turcs.

Le flux de gaz en provenance du Turkménistan est bien trop faible pour suffire à la stratégie européenne de contourner la Russie. Le projet de pipeline sous-marin en mer Caspienne est loin de pouvoir se réaliser. Alors, le projet de gazoduc transcaspien ne deviendra pas encore une réalité surtout que les États-Unis de Trump envisagent de remettre en service les gazoducs de Nord Stream et de travailler avec la Russie pour importer le gaz naturel russe qui pourra inonder l'Europe.

source :  Observateur Continental

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