12/05/2025 ssofidelis.substack.com  4min #277674

Gaza, ou le déni monstrueux et malsain de notre société

Par  Caitlin Johnstone, le 11 mai 2025

C'est à devenir fou. Comme tout cela est hypocrite et superficiel. Voilà un an et demi que le premier génocide diffusé en direct dans l'histoire se déroule sous nos yeux, et tout le monde fait comme si de rien n'était.

On assassine des enfants. On les affame. On leur balance des bombes militaires high-tech. On leur arrache des membres. On leur arrache les entrailles. On leur tire dans la tête. Ce n'est pas seulement "Israël" qui fait cela. C'est tout l'empire occidental qui est derrière ces atrocités.

Et pourtant, si vous allumez la télévision, vous verrez des gens célèbres rire et plaisanter à propos de futilités, exprimer des opinions politiques aussi superficielles et insignifiantes que celle de savoir s'il aurait fallu ou non faire un film Ghostbusters avec des femmes. Lisez les journaux, ils sont truffés de futilités sur les célébrités et les politiciens et sur la dernière gaffe pondue par Donald Trump. Dans les soirées, tout le monde jacasse de choses insignifiantes et crie "On ne parle pas de politique !" si vous essayez d'évoquer l'éléphant dans le salon, c'est-à-dire l'holocauste.

Les nouveaux lecteurs ne le savent peut-être pas, mais je m'amusais bien plus sur mon blog auparavant. Avec beaucoup d'humour. De la poésie psychédélique. De la spiritualité et de la philosophie. Mais depuis le début de l'holocauste à Gaza, j'ai souvent eu l'impression que ce genre d'écriture serait irrévérencieux et frivole. Presque sacrilège. J'aurais l'impression de me joindre à la folie de la culture dominante en tournant le dos à tous ces corps émaciés et à ces enfants mutilés.

C'est pourquoi, depuis un an et demi, je me contente principalement de faire ce que tout le monde devrait faire selon moi : dénoncer le génocide et dire qu'il faut qu'il cesse.

Avant, j'étais beaucoup plus poétique et créative dans ma manière de dénoncer la criminalité de l'empire, car sa dépravation est souvent difficile àappréhender pour la plupart des gens. Je cherchais donc toujours de nouvelles façons d'aider à voir sa monstruosité sous un jour nouveau. Maintenant qu'ils massacrent des enfants sous nos yeux, ce n'est plus vraiment d'actualité. Ce qu'il faut, c'est continuer à attirer l'attention de tous sur les horreurs qui nous sautent aux yeux.

Cette tâche ne devrait pas incomber aux universitaires militants et aux blogueurs anti-guerre méconnus. Tous les médias du monde devraient en faire leur priorité absolue.

Si nos médias faisaient preuve de lucidité et d'éthique, c'est ce qu'ils feraient. Tous les gros titres quotidiens seraient consacrés aux dernières atrocités commises par Israël et ses soutiens occidentaux à Gaza, en précisant clairement dans chaque titre le rôle de notre propre gouvernemment. Chaque conférence de presse serait monopolisée par des questions aux responsables occidentaux leur demandant pourquoi nous participons à un génocide et exigeant des réponses à la question de savoir quand cela cessera.

Mais nous avons droit à des titres évasifs tels que "Des Palestiniens meurent dans une explosion", généralement accompagnés de la mention "selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas", afin que les lecteurs ne créditent pas vraiment l'histoire. Et encore, cela n'arrive que dans les rares cas où les atrocités commises par Israël sont rapportées. Normalement, Gaza est considérée comme la cinquième roue du carrosse, bien moins importante que des injustices infiniment moins graves commises dans notre propre pays. La vie des Palestiniens a beaucoup moins de valeur que celle des Occidentaux, nos propres ressentis et notre confort étant largement privilégiés au détriment de la question de vie ou de mort du peuple palestinien.

C'est à devenir fou. C'est comme si nous étions tous couverts de sang, que le sang inondait nos salons et que des membres coupés jonchaient nos chambres et nos cuisines, mais que personne n'en parle. On essaie de dire "Qu'est-ce que c'est que tout ce sang et cette violence ?", et on nous fait taire en nous disant qu'il est inconvenant de parler de politique. Un flot rouge sang se déverse de la portière de votre SUV quand vous l'ouvrez pour récupérer votre enfant qui sort du foot, et tout le monde regarde ailleurs.

Voilà ce qui se passe. Nous savons ce qui se passe. Cela se passe sous nos yeux et nous faisons comme si de rien n'était. C'est tellement révoltant et frustrant qu'on se sent impuissant.

Mais nous continuerons à braquer les projecteurs sur Gaza, parce que franchement, que pouvons-nous faire d'autre ? L'alternative serait de rejoindre les dingues qui font comme si cela n'existait pas.

Au moins, ça nous permet de rester sains d'esprit. De préserver notre humanité. Même s'ils réussissent à faire disparaître toute vie palestinienne de Gaza, au moins, nous aurons empêché ces salauds de nous transformer en monstres psychopathes comme eux. Même si nous ne pouvons pas les empêcher de détruire Gaza, nous pouvons au moins les empêcher de détruire nos cœurs.

Traduit par  Spirit of Free Speech

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