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Trump déclare la guerre aux prix exorbitants des médicaments : une victoire en vue pour les patients américains ? Analyse.

Le Collectif Citoyen, France-Soir

Trump déclare la guerre aux prix exorbitants des médicaments : une victoire en vue pour les patients américains ? Analyse

13 mai 2025 – Le président Donald Trump a signé, le 12 mai 2025, un décret exécutif visant à instaurer une tarification de type « nation la plus favorisée » (Most-Favored-Nation, MFN) pour les médicaments sur ordonnance aux États-Unis. Cette mesure ambitieuse,  détaillée sur le site officiel de la Maison-Blanche, cherche à réduire les coûts exorbitants des traitements pour les patients américains, mais elle suscite déjà de vives réactions, tant dans les médias que sur les réseaux sociaux.

Un décret pour répondre à une problématique majeure

Le décret s'attaque à une inégalité de longue date : les États-Unis, qui représentent moins de 5 % de la population mondiale, financent environ 75 % des profits pharmaceutiques mondiaux, selon les chiffres avancés par la Maison Blanche. Cette disparité découle d'une stratégie des fabricants pharmaceutiques, qui offrent des remises importantes à l'étranger tout en imposant des prix élevés aux patients américains pour compenser ces rabais. Par exemple, un traitement contre le cancer peut coûter 30 à 80 % moins cher dans d'autres pays développés, comme le souligne un  Reuters ce 12 mai 2025.

Pour remédier à cette situation, le décret ordonne au secrétaire à la Santé et aux Services sociaux (HHS), Robert F. Kennedy Jr., de fixer, dans un délai de 30 jours, des prix cibles pour les médicaments alignés sur ceux pratiqués dans les pays comparables. Si les fabricants ne s'alignent pas, des mesures coercitives sont prévues : l'importation de médicaments à bas coût sous la section 804(j) de la Federal Food, Drug, and Cosmetic Act (FDCA), ou même la révocation par la FDA des approbations pour des médicaments mal évalués ou faisant l'objet d'un marketing hors indication.

Les points clés du décret

Le décret, intitulé « Fournir aux patients américains le prix des médicaments d'ordonnance de la nation la plus favorisée », repose sur plusieurs axes majeurs :

  • Fixation des prix cibles : le HHS, en coordination avec d'autres agences, doit communiquer des prix cibles aux fabricants pharmaceutiques pour aligner les coûts aux niveaux des autres nations développées.
  • Importation de médicaments : si les prix ne baissent pas, le secrétaire à la Santé devra certifier que l'importation de médicaments est sûre et économiquement avantageuse pour les consommateurs.
  • Sanctions contre les pratiques anticoncurrentielles : le décret cible les tactiques des laboratoires, comme les accords avec les fabricants de génériques pour retarder l'entrée de versions moins chères sur le marché.
  • Révision des exportations : le département du Commerce est chargé d'examiner les exportations de médicaments et d'ingrédients actifs qui contribuent aux écarts de prix mondiaux.

Une prise de parole remarquée de Robert F. Kennedy Jr.

Lors de la conférence de presse suivant la signature du décret, Robert F. Kennedy Jr., secrétaire à la Santé et aux Services sociaux, a pris la parole pour défendre cette initiative, déclatant : « Ce décret est une étape cruciale pour mettre fin à l'exploitation des patients américains par Big Pharma. Les prix des médicaments doivent refléter une justice mondiale, et non un système où les États-Unis subventionnent les soins de santé des autres nations. » Il a également ajouté que cette politique devrait rallier les progressistes américains, une position qui a surpris certains observateurs compte tenu de son association avec une administration républicaine.

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Cette déclaration, relayée par  The Guardian, a renforcé la tonalité combative de l'événement, où Trump était également flanqué de Mehmet Oz, administrateur des centres pour Medicare et Medicaid.

« Un décret totalement parfait », analyse Jeffrey Tucker

L'économiste Jeffrey A. Tucker, président de l'Brownstone Institute, a apporté 𝕏 une perspective favorable dans une interview. Selon lui, ce décret représente « un mouvement énorme vers la concurrence sur le marché, visant à briser le cartel pharmaceutique américain qui surchargait les contribuables depuis des décennies ». Tucker souligne que « personne n'avait eu le courage de faire cela auparavant, et c'est une chose évidente, de bon sens ».

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Il critique également le système actuel, où les brevets, notamment grâce à la Bayh-Dole Act, permettent une « monopolisation industrielle légale ». Selon lui, les États-Unis subventionnent indirectement le reste du monde en payant des prix exorbitants, alors que d'autres pays bénéficient de prix normaux, parfois dix fois moins élevés. Tucker estime que ce décret, bien que controversé, pourrait forcer une réforme structurelle de l'industrie pharmaceutique.

Conséquences pour les différents acteurs

Pour l'industrie pharmaceutirque : les grandes entreprises pharmaceutiques, souvent surnommées "Big Pharma", pourraient voir leurs bénéfices sérieusement affectés. La menace de révocation des approbations par la FDA, mentionnée dans le post 𝕏 d'Emily Kopp, est particulièrement lourde. Moderna, par exemple, a vu son action plonger de 62,32 % sur cinq ans, passant de 449,38 $ en septembre 2021 à 25,13 $ le 12 mai 2025,

Le lobby pharmaceutique PhRMA a rapidement réagi, qualifiant le décret de  « mauvais marché pour les patients », selon le New York Times du 12 mai 2025, un média pro-démocrate censé prendre la défense des consommateurs !

Pour les consommateurs : les patients américains pourraient bénéficier de prix plus bas, notamment grâce à des programmes d'achat direct qui contourneraient les assurances. Cependant,  des experts interrogés par NPR mettent en garde : une baisse forcée des prix pourrait pousser certains fabricants à limiter l'offre de certains traitements, ce qui risquerait de perturber l'accès aux soins.

Pour les médecins : les médecins pourraient jouer un rôle accru dans la transparence des prix. Le décret encourage des pratiques qui permettraient aux professionnels de santé de mieux conseiller leurs patients sur des alternatives abordables, un point déjà abordé dans une  initiative antérieure de Trump sur l'insuline, datant du 15 avril 2025, où le prix de ce médicament vital avait été réduit à 0,03 $ pour les patients à faible revenu.

Réactions polarisées sur X et dans les médias

Sur X, les réactions sont mitigées. 𝕏 Trump Daily Posts salue le décret comme une « victoire pour les patients américains », tandis qu'Anna𝕏 R. Matson critique son manque de clarté juridique, estimant qu'il « risque de s'effondrer devant les tribunaux ». Le médecin Aaron Kheriaty 𝕏 met en garde contre les effets sur l'innovation : « Si les profits chutent, qui financera la recherche de nouveaux traitements ? »

De son côté, le directeur de la FDA Dr Marty Makary appelle à 𝕏 une réforme plus large :

« Réunissons les différentes sociétés pharmaceutiques autour d'une table et voyons si elles peuvent résoudre ce problème. Je les ai rencontrées et elles savent pertinemment que le prix de certains de ces médicaments est 5, 10, 12 fois plus élevé aux États-Unis qu'à Londres, en Allemagne ou en France. C'est absurde. Et cela n'a aucun sens pour aucun électeur. »

Dans les médias, le ton est tout aussi divisé. Reuters rapporte que des experts juridiques  doutent de la légalité du décret, arguant que certaines mesures, comme influencer les prix à l'étranger, dépassent l'autorité exécutive sans l'approbation du Congrès. NPR souligne  les défis logistiques, rappelant que des initiatives similaires sous la première administration Trump, comme l'importation de médicaments du Canada, avaient échoué en raison de blocages juridiques et pratiques. D'autres notent que la nomination de figures controversées comme Robert F. Kennedy Jr. au HHS pourrait compliquer la mise en œuvre, en raison de ses positions critiques envers l'industrie pharmaceutique.

Un décret dans la continuité des actions de Trump

Ce décret s'inscrit dans une série d'initiatives de Trump sur les prix des médicaments. En avril 2025, il avait déjà lancé une mesure pour  réduire le coût de l'insuline, et durant son premier mandat, une tentative d'indexation des prix sur ceux d'autres pays avait été bloquée par un tribunal, comme le rappelle Reuters. Cette nouvelle tentative pourrait donc se heurter aux mêmes obstacles, notamment en raison de l'opposition farouche des lobbies pharmaceutiques et des incertitudes juridiques.

Perspectives et défis à venir

Si le décret vise à rééquilibrer les coûts des médicaments, son application reste incertaine. Les fabricants pourraient contester les mesures devant les tribunaux, et l'absence de soutien clair du Congrès, pourrait limiter son impact. Par ailleurs, la coopération internationale, nécessaire pour ajuster les prix mondiaux, semble difficile à obtenir, surtout avec des figures comme Kennedy et Jay Bhattacharya (nommé à la tête des NIH) à des postes clés, connus pour leur scepticisme envers l'industrie.

En conclusion, ce décret représente une tentative audacieuse de s'attaquer à un problème de longue date, mais son succès dépendra de sa capacité à surmonter les défis juridiques, logistiques et politiques. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si les patients américains verront enfin une baisse significative des prix des médicaments, ou si cette réforme restera une promesse inachevée.

Il s'ajoute aussi à la liste qui s'allonge de jour en jour des décisions prises aux États-Unis en faveur des patients  :  fin du financement fédéral de la recherche sur le gain de fonction,  mise en place de tests placebo pour les vaccins, baisse des prix des médicaments ainsi que  les enquêtes du ministère de la Justice sur les pratiques contestées des revues scientifiques. Le vent continue de souffler dans la bonne direction.

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