06/06/2025 legrandsoir.info  4min #280258

 Les dockers de Fos-sur-Mer bloquent une cargaison d'armes destinée à Israël

Blocage à Marseille : les dockers bloquent un conteneur d'armes à destination d'Israël

GAROSCIO, Paolo

Le 4 juin 2025, les dockers de la CGT du port de Marseille-Fos ont refusé de charger un conteneur contenant environ 14 tonnes de pièces détachées pour mitrailleuses, à destination d'un navire battant pavillon israélien. Cette décision, assumée politiquement, a été rendue publique par une déclaration sans ambiguïté : « Nous ne participerons pas au génocide en cours à Gaza », ont affirmé les syndicalistes dans un communiqué repris par France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur.

La décision politique des dockers : une ligne rouge franchie ?

L'acte n'est pas isolé. Il s'inscrit dans une série d'initiatives syndicales revendiquées dans plusieurs ports européens (Gênes, Anvers, Barcelone), toutes centrées sur une même logique : bloquer les flux logistiques militaires vers Israël dans un contexte de guerre à Gaza que de nombreux acteurs qualifient de violations graves du droit international humanitaire.

À Marseille, l'opération a ciblé un conteneur embarqué à bord du cargo Marianne Danica, affrété par un transporteur danois pour le compte d'un client israélien. Le matériel militaire, à usage dual selon les documents douaniers, provenait de sous-traitants français spécialisés dans les pièces d'armement de précision.

Un embarras gouvernemental patent : ni condamnation, ni soutien

Côté gouvernement, la ligne officielle reste d'une extrême prudence. Le ministère de l'Économie, par la voix de la Direction générale des douanes, s'est contenté d'indiquer que « les autorisations d'exportation délivrées sont conformes aux engagements européens et aux exigences de la Position commune 2008/944/PESC », selon L'Humanité.

Cette absence de réaction politique tranchée révèle un malaise latent : d'un côté, la France continue d'honorer ses contrats d'exportation d'armement, même à destination d'un pays impliqué dans une guerre urbaine à forte composante civile  ; de l'autre, des agents publics - car les dockers sont, dans certains cas, assimilables à des personnels portuaires liés aux collectivités - prennent position sur le terrain, en contradiction avec l'État.

L'Assemblée nationale ne s'est pas encore saisie du sujet. Aucune question écrite ou intervention en séance n'a été enregistrée, mais plusieurs députés de gauche ont exprimé leur soutien aux dockers via les réseaux sociaux, évoquant un « acte de conscience civile ». À l'inverse, des représentants de la majorité évoquent en coulisses une potentielle violation du droit du commerce international et une « entrave à l'exécution légale d'un contrat ».

Les syndicats sur le front diplomatique : un tournant de l'action contestataire

Si l'acte des dockers est spectaculaire, c'est surtout sa résonance politique qui interpelle. Le syndicat CGT des dockers a explicitement rattaché son action à la campagne internationale pour l'embargo sur les armes à destination d'Israël, campagne relayée notamment par l'ONG Disclose, qui révélait dans une enquête du 3 juin que « la France s'apprête à livrer des équipements pour mitrailleuses vers Israël ».

Le positionnement syndical déborde ainsi la revendication sociale classique pour investir le champ géopolitique. Il participe d'une délibération publique sur la légitimité des exportations françaises d'armes, alors même que la doctrine Macronienne en la matière repose sur un équilibre stratégique entre soutien industriel à la base défense française et respect des principes humanitaires fondamentaux.

Or cette doctrine est aujourd'hui mise à mal. L'article 6 du Traité sur le commerce des armes, ratifié par la France, interdit les exportations susceptibles de « servir à commettre ou faciliter des violations graves du droit international humanitaire ». À ce stade, aucune révision des licences d'exportation à destination d'Israël n'a été annoncée, malgré les alertes réitérées d'ONG, de juristes et de diplomates.

Une remise en question des fondements de la souveraineté logistique

Plus largement, l'incident de Fos soulève une question politique majeure : dans quelle mesure les chaînes logistiques stratégiques françaises peuvent-elles rester sous le contrôle de l'exécutif dans un contexte de contestation locale active ? Ce n'est pas la première fois que des dockers bloquent des chargements controversés : en 2019, à Marseille déjà, une cargaison d'armes à destination de l'Arabie Saoudite avait été immobilisée sous la pression de syndicats et d'ONG.

Mais l'épisode de juin 2025 va plus loin. Il interroge la cohérence de l'État face à une contestation portée par des citoyens engagés, dans un moment où l'opinion publique française est de plus en plus sensible à la question gazaouie. Selon un sondage Ifop publié en mai, 63 % des Français se disent favorables à un embargo total sur les armes vers Israël.

 reseauinternational.net

 legrandsoir.info