Xavier Azalbert, France-Soir
Réforme de l'ACIP par Kennedy : 8 nouveaux membres, leurs liens d'intérêts et les réactions suscitées
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Le 9 juin 2025, Robert F. Kennedy Jr., secrétaire du Département américain de la Santé et des Services sociaux (HHS), a annoncé une décision sans précédent : la révocation des 17 membres de l'Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP), le comité chargé de conseiller le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) sur les politiques vaccinales aux États-Unis. Cette refonte annoncée par un tweet et détaillée dans un communiqué du HHS, vise à restaurer la confiance du public dans la science vaccinale en éliminant ce que Kennedy qualifie de « conflits d'intérêts persistants » et de « science biaisée » au sein de l'ACIP. Deux jours plus tard, Kennedy nomme huit nouveaux membres pour recomposer le comité, dont la prochaine réunion importante est du 25 au 27 juin 2025 pour discuter des recommandations vaccinales, notamment sur les vaccins contre le Covid-19 et le HPV. Qui sont les nouveaux membres, quels sont leurs éventuels liens d'intérêts et proximité avec la nouvelle administration. Quelles sont les réactions suscitées par ces nominations et les attentes pour la réunion à venir.
Présentation des huit nouveaux membres de l'ACIP
D'après le tweet de RFK Jr. « la liste comprend des scientifiques hautement qualifiés, des experts en santé publique de premier plan et certains des médecins les plus accomplis des États-Unis. ». Il insiste aussi sur leur engagement envers « la médecine fondée sur les preuves, la science de référence et le bon sens » ainsi que leurs exigences à demander « des données définitives sur l'innocuité et l'efficacité avant de faire de nouvelles recommandations en matière de vaccins. ».
Voila le profil, les liens d'intérêt et le role attendu pour chacun des membres dont 3 ont été interviewés par France-Soir.
Joseph R. Hibbeln, MD : psychiatre et neuroscientifique, ancien chef par intérim de la section des neurosciences nutritionnelles à l'Institut national de la santé (NIH). Hibbeln a dirigé des recherches sur l'impact de la nutrition sur la santé mentale et le développement neurologique, avec plus de 120 publications à son actif. Il a contribué à des recommandations de santé publique, notamment sur la santé maternelle et infantile.
- Liens d'intérêts : aucune information directe n'indique de liens financiers avec l'industrie pharmaceutique. Ses recherches ont porté sur les acides gras oméga-3 et le mercure, notamment une étude sur l'exposition prénatale au mercure et son lien (désormais infirmé) avec l'autisme. Son travail au NIH suggère une expertise indépendante. Il était mentionné dans le livre diagnostic de Kennedy « The Real Anthony Fauci» préfacé par le Professeur Perronne dans l'édition française.
- Rôle attendu : Hibbeln devrait apporter une perspective axée sur la nutrition et la santé mentale dans l'évaluation de la santé publique et des vaccins, en insistant sur des données probantes.
Martin Kulldorff, MD, PhD : biostatisticien et épidémiologiste, ancien professeur à Harvard Medical School, Kulldorff est co-auteur de la Great Barrington Declaration (2020), qui prônait une approche de « protection ciblée » face au Covid-19, critiquée pour son soutien à l'immunité collective par infection de masse. Il a servi dans des comités de sécurité vaccinale de la FDA et de l'ACIP. France-Soir est le seul média francophone à l'avoir interviewé à plusieurs reprises.
- Liens d'intérêts : Kulldorff a été licencié de Harvard pour des raisons liées à sa maladie génétique laquelle ne lui permettait pas se conformer à l'obligation vaccinale Covid-19. Il a donc une expérience personnelle avec les problèmes présentés par les vaccins covid. Aucune preuve de liens financiers avec l'industrie pharmaceutique n'est rapportée. Il était aussi cité dans le livre de Kennedy.
- Rôle attendu : Kulldorff devrait pousser pour une réévaluation des recommandations vaccinales, notamment sur le Covid-19, en insistant sur des données statistiques probantes permettant une analyse « plus objective etmoins partisane que celle des anciens membres ».
- app.videas.fr
Retsef Levi, PhD : professeur de gestion des opérations à la MIT Sloan School of Management, Levi est expert en analytique de santé et sécurité vaccinale. Il a co-écrit des études sur les risques cardiovasculaires des vaccins à ARNm contre le Covid-19, dont certaines ont fait l'objet de critiquées pour d'éventuelles failles méthodologiques de la part d'individus partisans des vaccins covid-19. En 2023, il a appelé à l'arrêt immédiat des programmes de vaccination à ARNm, alléguant des dommages graves, une position contredite par les données globales sur la sécurité des vaccins.
- Liens d'intérêts : aucune information ne mentionne de conflits financiers directs. Ses collaborations avec des agences de santé publique et ses recherches financées par des fonds académiques suggèrent une certaine indépendance, mais ses prises de position publiques contre les vaccins à ARNm le rapprochent du mouvement sceptique vaccinal.
- Rôle attendu : Levi pourrait chercher à remettre en question les vaccins à ARNm, en mettant l'accent sur les risques potentiels et en demandant des données plus détaillées.
Robert W. Malone, MD : médecin et biochimiste, Malone est connu pour ses contributions initiales à la technologie des vaccins à ARNm dans les années 1980 dont il est le pionner. Il a d'ailleurs exposé l'histoire de sa recherche dans ce domaine dans un long debriefing avec France-Soir en juillet 2021. En connaissance de cause, il a critiqué de manière virulente les vaccins à ARNm contre le Covid-19 et leurs effets indésirables que les autorités ont balayé d'un revers de la main. Malone parle « d'échec de ces thérapie vaccinales contre le covid, échec qui ne serait pas selon lui dû à la technologie mais qu'il attribue à la complexité du domaine thérapeutique ».
- Liens d'intérêts : Malone a conseillé le HHS et le Département de la Défense, mais aucune information ne confirme des liens financiers avec l'industrie pharmaceutique. Il a été un soutien du mouvement MAHA « Make America Healthy Again » et du débat scientifique fondé sur les preuves y compris les signaux faibles. Il fait aussi l'objet de mentions dans le livre de Kennedy sur Anthony Fauci
- Rôle attendu : Malone devrait plaidant pour des normes de sécurité plus strictes et adopter une posture plus critique envers les autorisations « en urgence » des vaccins à ARNm ainsi que les études manquantes afin d'avoir une analyse plus indépendante des bénéfices et des risques de ces vaccins. Il devrait aussi apporter une critique sur les évaluations contre placebo ainsi que celles des traitements précoces dont l'absence d'alternative thérapeutique est une des conditions pour l'autorisation d'urgence des vaccins.
- app.videas.fr
Cody Meissner, MD : professeur de pédiatrie à Dartmouth, expert en maladies infectieuses pédiatriques, Meissner a servi dans des comités de la CDC et de la FDA, y compris l'ACIP. Il a contribué à des recommandations vaccinales nationales et signé la Great Barrington Declaration.
- Liens d'intérêts : Aucun conflit financier n'est documenté. Meissner est perçu comme un expert très crédible, mais son association avec la Great Barrington Declaration et sa mention dans le livre de Kennedy suggèrent un alignement partiel avec les vues de ce dernier.
- Rôle attendu : Meissner pourrait jouer un rôle modérateur, apportant une expertise reconnue notamment en pédiatrie, tout en soutenant une réévaluation des recommandations vaccinales alignées sur les nouvelles directives de la FDA.
James Pagano, MD : Médecin urgentiste à la retraite avec 40 ans d'expérience, Pagano a travaillé dans divers hôpitaux, y compris des centres de traumatologie. Il est décrit comme un fervent défenseur de la médecine fondée sur les preuves, mais peu d'informations existent sur son expertise en vaccins.
- Liens d'intérêts : aucune information ne suggère de conflits financiers. Son profil discret et son statut de retraité limitent les indices sur ses affiliations.
- Rôle attendu : Pagano devrait apporter une perspective clinique, notamment dans la gestion des situations médicales critiques et maladies infectieuses. Certains lui reprochent son manque d'expérience spécifique en vaccinologie cependant le role de l'APIC ne se limite pas à cette expertise étant donné les conditions pour l'autorisation d'urgence des vaccins et l'absence d'alternative thérapeutique. On peut donc attendre de sa part une critique dépassant les limites de la vaccination pour s'insérer dans la santé publique au sens large. Défenseur de la médecine fondée sur les preuves, il pourrait exiger des tests contre placebo ou même des demandes de tests contre les alternatives thérapeutiques.
Vicky Pebsworth, OP, PhD, RN : infirmière avec un doctorat en santé publique, Pebsworth est directrice régionale de l'Association nationale des infirmières catholiques et membre du conseil de la National Vaccine Information Center (NVIC), un groupe critiqué pour sa désinformation vaccinale. Elle a servi dans des comités de la FDA et a témoigné sur les blessures vaccinales présumées de son fils.
- Liens d'intérêts : son association avec le NVIC, qui promeut des exemptions vaccinales et des liens non prouvés entre vaccins et autisme pourrait représenter un conflit idéologique. Aucun lien financier direct avec l'industrie n'est rapporté.
- Rôle attendu : Pebsworth devrait défendre des positions critiques envers les vaccins, en se concentrant sur les effets secondaires rapportés, la bioéthique, le consentement libre et éclairé et la voix de ceux qui ont été réduit au silence depuis de nombreuses années ou en déshérence médicale de par la difficulté d'obtenir la reconnaissance des effets indésirables.
Michael A. Ross, MD : professeur d'obstétrique et de gynécologie, Ross a servi dans un comité de la CDC sur la prévention du cancer du sein et du col de l'utérus. Il est partenaire opérationnel chez Havencrest Capital Management, une firme d'investissement en santé, et a conseillé des organisations comme l'American College of Obstetricians and Gynecologists.
- Liens d'intérêts : son rôle chez Havencrest, qui investit dans des entreprises de biotechnologie, pourrait poser des questions de liens d'intérêts, bien que rien ne lie directement ses activités aux fabricants de vaccins.
- Rôle attendu : Ross pourrait apporter une perspective sur les vaccins HPV et la santé des femmes, mais ses affiliations d'investisseurs pourraient compliquer son objectivité médicale tout en apportant le point de vue financiers. Un role trop souvent oublié dans l'analyse des bénéfices risques et des preuves soumises par les laboratoires. En tant que partenaire dans une firme d'investissement, il sait donc à quoi s'attendre dans la présentation « marketing ou embellie des données » visant à l'obtention d'une autorisation – le saint graal pour bien des labos.
Réactions aux nominations
Les nominations ont suscité des réactions polarisées, reflétant la fracture autour des vaccins et thérapies géniques aux États-Unis :
Parmi les soutiens, des organisations comme Children's Health Defense (fondée par Kennedy) et des utilisateurs de X, comme @MarieDuke44719, ont salué la réforme comme une étape pour contrer l'influence des lobbys pharmaceutiques. David Mansdoerfer, ancien responsable du HHS, a qualifié les nominations de « victoire pour le mouvement de liberté médicale ». Ces voix estiment que les nouveaux membres apporteront une transparence, une rigueur scientifique nécessaires et que « tout a été fait dans les règles pour constituer cette liste de nominations ».
De nombreuses organisations médicales, comme l'American Medical Association (AMA) et l'American Public Health Association, ont dénoncé la révocation brutale des 17 membres et la composition du nouveau panel. Le Dr Bruce Scott (AMA) a averti que cette décision, dans un contexte de baisse des taux de vaccination et d'épidémies de rougeole, pourrait « alimenter la propagation de maladies évitables par la vaccination ». Le Dr Paul Offit, expert en vaccins, a critiqué la présence de figures comme Malone et Pebsworth, qualifiées d'« anti-vaccins ». Le sénateur républicain Bill Cassidy, qui avait soutenu Kennedy après des assurances sur la stabilité de l'ACIP, a exprimé des craintes que le comité ne soit rempli de personnes « n'ayant que des soupçons sur les vaccins ». Des analystes financiers, comme Evan Seigerman de BMO Capital Markets, ont noté une inquiétude dans l'industrie pharmaceutique, avec des baisses des actions de Moderna et BioNTech. Aucune critique n'a vraiment porté sur les éléments de preuves sur l'efficacité des vaccins, ni les nouvelles directives de la FDA.
Le Dr Jason Goldman de l'American College of Physicians a déploré, sans plus de commentaires, le manque de transparence dans la sélection, notant que le processus habituel d'approbation, qui prend des mois voire des années, a été contourné. Il n'a pas non plus fait part des doutes légitimes sur les liens d'intérêt du panel précédent, préférant axer sa critique sur la rapidité de nomination et alimenter les doutes sur la légitimité du nouveau panel.
Attentes pour la réunion de l'ACIP du 25-27 juin 2025
La réunion de l'ACIP, prévue du 25 au 27 juin 2025 à Atlanta, sera un test crucial pour le nouveau panel. Voici ce que l'on peut attendre :
- Examen des vaccins Covid-19 et HPV : l'agenda inclut des discussions sur les recommandations pour les vaccins Covid-19 et HPV. Étant donné les positions de membres comme Levi, Malone et Kulldorff sur les vaccins à ARNm, il est probable qu'ils exigent des données de sécurité et d'efficacité plus strictes, ce qui pourrait retarder ou modifier les recommandations existantes. Le débat s'établira probablement sur l'utilité d'avoir ces données dans l'intérêt des patients. Une forme de première victoire pour la santé des américains.
- Révision du calendrier vaccinal : Kennedy a déclaré que le comité examinera également les données pour le calendrier vaccinal actuel. Cela pourrait inclure une réévaluation des vaccins pédiatriques, une démarche qui inquiète les critiques des nomination en raison des antécédents de certains membres, sans qu'ils ne prennent en considération les avantages de la médecine fondée sur les preuves.
- Polarisation et transparence : Les membres comme Pebsworth et Malone pourraient pousser pour des débats publics sur les effets secondaires des vaccins ou les alternatives thérapeutiques, tandis que Meissner et Hibbeln pourraient adopter une approche plus modérée. La capacité du comité à produire des recommandations basées sur des données probantes sera scrutée, surtout après les accusations de Kennedy sur les conflits d'intérêts des membres précédents, dont 9 sur 17 ont des liens qui interpellent.
- Impact sur la confiance publique : le comité devra démontrer une rigueur scientifique sans faille afin de répondre aux critiques qui ne manqueront pas de se lever. Il pourrait aussi répondre aux attentes des citoyens américains et de Kennedy de restaurer la confiance, bien que cela semble ambitieux pour une première réunion.
La refonte de l'ACIP par Robert F. Kennedy Jr. et la nomination des huit nouveaux membres marquent un tournant audacieux dans la politique vaccinale américaine. Si certains membres, comme Meissner et Hibbeln, apportent une expertise reconnue, d'autres, comme Malone, Levi et Pebsworth, suscitent des inquiétudes en raison de leurs positions critiques envers les vaccins. Mais n'est-ce pas le rôle d'un membre d'un tel comité d'avoir une approche critique ? Les réactions divisées reflètent la tension entre le désir de transparence et le risque de politisation de la science. La réunion du 25-27 juin 2025 sera déterminante pour évaluer si ce nouveau panel peut répondre aux attentes des Américains et de Kennedy tout en maintenant la crédibilité scientifique de l'ACIP.
Dans un contexte de méfiance croissante envers les institutions, le succès de cette réforme dépendra de la capacité des nouveaux membres à prioriser les données probantes afin de surmonter tous les biais idéologiques et autres procès d'intentions que l'on ne manquera pas de leur faire.