© WFP. Des habitants font la queue pour remplir leurs bidons d'eau dans la ville de Gaza.
Par ONU Info
Source : ONU Info
Alors que l'attention du monde se détourne vers Téhéran, les civils palestiniens continuent de mourir par centaines en tentant d'accéder à de la nourriture. Des responsables onusiens dénoncent un « carnage » et une déshumanisation systématique.
Des corps jonchent les couloirs d'hôpitaux. Des mères s'agrippent à leurs enfants blessés. Des enfants risquent leur vie pour quelques sacs de farine. Depuis la levée partielle du blocus israélien sur Gaza, il y a un peu plus d'un mois, les morts se multiplient aux abords des sites de distribution d'aide. « Le simple fait de vouloir survivre est devenu une condamnation à mort », dénonce Jonathan Whittall, chef du bureau humanitaire de l'ONU pour le territoire palestinien occupé.
« Ce sont des conditions créées pour tuer » - @_jwhittall, lors d'un point de presse à Gaza.« Ce à quoi nous assistons est un carnage. C'est la faim utilisée comme une arme. C'est un déplacement forcé. C'est une condamnation à mort pour ceux qui tentent simplement de survivre » t.co
- ONU Info (@ONUinfo) June 23, 2025
Le haut responsable onusien s'est exprimé dimanche, depuis Deir al-Balah, dans le sud de la bande de Gaza, où il a visité l'hôpital Nasser, « débordant de blessés ». Selon ses informations, plus de 400 personnes auraient ainsi trouvé la mort, en tentant notamment de rejoindre des points de distribution américano-israéliens « délibérément installés dans des zones militarisées ». Le 18 juin, « plus de 60 personnes ont été tuées et des centaines blessées lorsqu'un char a tiré sur une foule rassemblée dans l'attente de camions d'aide ».
Une stratégie létale et délibérée
Des tirs à balles réelles, des bombardements, des gangs armés, des embuscades : chaque tentative d'acheminement se transforme en guet-apens. « Ceux qui sont touchés se trouvent souvent hors de portée des ambulances. Des personnes sont portées disparues, présumées mortes », poursuit M. Whittall. Pour lui, il ne s'agit plus d'un enchaînement tragique de circonstances, mais d'un système de terreur. « Tout ce que je viens de décrire est entièrement évitable. Ce sont des conditions créées pour tuer ».
Loin d'être isolé, ce constat est partagé par plusieurs responsables onusiens. Philippe Lazzarini, chef de l' UNRWA - l'agence onusienne chargée des réfugiés palestiniens -, dénonce : « Le nouveau mécanisme dit "d'aide humanitaire" est une abomination qui humilie et avilit des personnes en détresse. C'est un piège mortel, qui coûte davantage de vies qu'il n'en sauve ». S'exprimant samedi à Istanbul, face aux ministres des affaires étrangères des membres de l'Organisation de la coopération islamique (OCI), M. Lazzarini a accusé la communauté internationale de passivité coupable : « Ce drame est l'aboutissement de vingt mois d'horreur, d'inaction et d'impunité ».
Francesca Albanese, Rapporteure spéciale de l'ONU, va plus loin encore dans un message posté le 22 juin : « Que l'État accusé de génocide et de famine soit chargé de "distribuer l'aide" est absurde et obscène : une insulte à la décence humaine. Qualifier cela d'"humanitaire" est un camouflage humanitaire », dénonce l'experte indépendante sur le réseau social X.
© UNICEF/Eyad El Baba. Un garçon d'un an dont la famille a été déplacée à plusieurs reprises est soigné pour malnutrition à Gaza.
Une population piégée et affamée
Derrière les mots, une réalité humanitaire effondrée. Près de deux millions de personnes sont aujourd'hui concentrées dans moins de 20 % du territoire gazoui. Les hôpitaux sont submergés, les entrepôts de l'ONU vides, l'eau potable quasiment inexistante, les égouts débordants. Des enfants attendent des heures devant des camions-citernes qui, souvent, n'arrivent jamais.
L' UNICEF recense en moyenne plus de 110 admissions pour malnutrition infantile chaque jour depuis janvier. « La faim gagne du terrain », alerte Jonathan Whittall. Et les rares convois parvenus jusqu'à Gaza sont interceptés ou pillés. « Les autorités israéliennes nous empêchent de distribuer cette aide via les mécanismes que nous avons établis et dont nous savons qu'ils fonctionnent. Nous avons un plan. Mais nous en sommes empêchés à chaque étape ».
L'UNRWA, pilier humanitaire en péril
Dans ce chaos, l'UNRWA tient encore debout. Plus de 15.000 consultations médicales sont assurées chaque jour, selon Philippe Lazzarini. Mais à quel prix ? « Au moins 318 membres du personnel ont été tués depuis le début du conflit, souvent avec leurs familles ». Depuis janvier, une loi israélienne interdit les activités de l'agence dans les zones sous contrôle israélien, y compris Jérusalem-Est. Le personnel international a été expulsé.
Alors que l'UNRWA fait face à une « campagne de désinformation virulente », ses ressources fondent. « La situation financière de l'UNRWA est critique. Sans financements supplémentaires, je serai contraint de prendre très prochainement des décisions sans précédent ». Le risque d'un effondrement de l'Agence est réel - avec, pour conséquences, une détresse accrue pour les réfugiés palestiniens et une déstabilisation régionale redoutée.
Pression internationale, justice absente
Les appels se multiplient pour que les États rompent le silence. Jonathan Whittall réclame des sanctions, de la pression politique et un « cessez-le-feu durable, en accord avec les décisions de la Cour internationale de Justice ».
« Ce à quoi nous assistons est un carnage. C'est la faim utilisée comme une arme. C'est un déplacement forcé. C'est une condamnation à mort pour ceux qui tentent simplement de survivre », résume M. Whittall. « Pris dans leur ensemble, ces faits donnent l'impression qu'il s'agit de l'effacement pur et simple de la vie palestinienne à Gaza ».
Source : ONU Info
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