France-Soir
Barrère Lucas AFP
EDF voit sa plainte rejetée et jette l'éponge. Le groupe français contestait depuis des mois l'attribution par la République tchèque d'un contrat de construction de deux réacteurs à une société sud-coréenne. Le gouvernement tchèque a salué la décision du tribunal régional qui a rejeté la requête.
Le projet en République tchèque avait suscité une vive controverse, suite notamment à la contestation judiciaire d'EDF. Le projet concerne la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires sur le site de Dukovany, dans le sud du pays. Ce chantier, jugé stratégique par les autorités tchèques, vise à renforcer l'indépendance énergétique du pays, à réduire la dépendance au charbon, à s'affranchir des importations de pétrole et de gaz russes tout en augmentant la part du nucléaire dans la production nationale d'électricité.
EDF conteste...
À l'été 2024, le gouvernement tchèque a attribué le marché à la société sud-coréenne Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP), qui a été sélectionnée pour construire les deux unités pour un montant estimé à environ 200 milliards de couronnes tchèques chacune (soit environ 8 milliards d'euros par réacteur), soit un total de 16 milliards d'euros pour l'ensemble du projet. KHNP s'est engagé à confier 60 % du travail à des entreprises tchèques et à débuter le chantier en 2029, avec une mise en service du premier réacteur prévue en 2036.
EDF avait également participé à l'appel d'offres puis a contesté l'attribution du marché à KHNP. L'entreprise française a déposé des plaintes auprès de l'autorité tchèque de la concurrence puis devant la justice tchèque, affirmant que la procédure d'attribution du marché n'avait pas été transparente et qu'elle n'avait pas respecté les principes d'équité et de conformité aux règles européennes.
Il était notamment question des subventions étatiques, selon le vice-président chargé du développement nucléaire international chez EDF, Vakis Ramanyet. S'appuyant sur des données publiques et des déclarations du gouvernement tchèque, le groupe affirme que l'offre de KHNP ne serait pas économiquement viable sans une aide publique illégale, ce qui aurait faussé la concurrence.
Le groupe a également souligné que sa propre offre était comparable en prix, avec un écart de seulement quelques pourcents, et qu'elle garantissait la technologie, les délais et les coûts de plus de la moitié du contrat. Toutefois, l'entreprise a précisé ne pas pouvoir assumer les risques liés aux procédures administratives locales. En outre, EDF avait affirmé que son offre garantissait une participation de 40 % aux entreprises tchèques, pouvant atteindre 60 % en cas de construction de quatre unités.
Débouté, EDF jette l'éponge
Suite au rejet de sa plainte par l'autorité tchèque de la concurrence, EDF, en disant se baser sur les règles européennes en matière de concurrence, a obtenu au début de ce mois de juin une injonction judiciaire suspendant temporairement la signature du contrat, afin de préserver ses chances dans un éventuel nouvel appel d'offres.
La société tchèque gérant le projet a saisi à son tour la Cour administrative suprême pour lever cette injonction. Le ministère tchèque de l'Industrie et du Commerce a de son côté affirmé que le contrat n'entre pas dans le champ d'application du règlement européen sur les subventions étrangères, la procédure ayant débuté avant son entrée en vigueur.
Mercredi, le tribunal de la deuxième ville du pays, Brno, a rejeté la plainte déposée par le groupe français. "La requête a été rejetée", a expliqué un porte-parole du tribunal.
Le ministre de l'Industrie, Lukas Vlcek s'est félicité du jugement sur le réseau social X, l'interprétant comme "la confirmation du fait que l'appel d'offres était transparent et conforme à la loi".
Le contrat, officiellement signé début juin, n'était pas remis en cause, mais une victoire du groupe français aurait pu lui permettre de réclamer un dédommagement financier. Disposant de huit jours pour faire appel, EDF a dit "prendre acte de la décision" et "ne compte pas mener d'autres actions en justice" concernant cet appel d'offres.
L'affaire est toujours en cours auprès de la Commission européenne, qui vérifie que l'attribution est bien en règle, alors que KHNP est soupçonné d'avoir touché des subventions qui faussent la concurrence au sein du marché unique.