par Philippe Rosenthal
L'UE est devenue dépendante du marché chinois, mais elle craint pour sa sécurité et son économie tout en ne souhaitant pas mettre en colère les États-Unis.
Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, est arrivé à Bruxelles lundi, première étape de sa tournée européenne de six jours, pour un «dialogue stratégique de haut niveau» avec la Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-présidente de la Commission européenne, Kaja Kallas. Il se rendra, également, en Allemagne et en France.
«À l'invitation de Kaja Kallas, du ministre allemand des Affaires étrangères, Johann David Wadephul, du ministre français de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, Wang Yi, membre du Bureau politique du Comité central du PCC et ministre des Affaires étrangères, se rendra au siège de l'UE du 30 juin au 6 juillet pour tenir le 13ème Dialogue stratégique de haut niveau Chine-UE. Il se rendra en Allemagne pour tenir le 8ème Dialogue stratégique diplomatique et de sécurité Chine-Allemagne. Il ira en France pour tenir des entretiens entre les ministres des Affaires étrangères sino-français et il participera à une nouvelle réunion du Mécanisme d'échanges interpersonnels de haut niveau Chine-France. Lors de son séjour à Bruxelles, Wang Yi rencontrera et s'entretiendra également avec le Premier ministre belge, Bart De Wever, et le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, respectivement», avait annoncé la diplomatie chinoise.
Comme le soulignent les médias chinois, le dialogue entre la Chine et l'UE sur les questions de sécurité et d'économie contribuera à stabiliser leurs relations, un élément important dans le contexte des bouleversements géopolitiques mondiaux. De plus, ces rencontres devraient favoriser une compréhension «rationnelle et globale» de la Chine au sein de l'UE. Pékin reconnaît que les Européens ne font pas confiance à la Chine. Par exemple, ils pensent que Pékin utilise le chatbot DeepSeek pour mener des opérations d'espionnage contre l'UE et les États-Unis.
La mission de Wang Yi sera difficile. Il devra non seulement dissiper les soupçons de l'UE quant aux liens entre les entreprises chinoises opérant sur son territoire et les autorités de Pékin, mais aussi convaincre son pays hôte que l'État n'offre pas aux entreprises chinoises d'avantages concurrentiels sur l'immense marché intérieur de Chine.
Via le Global Times, la Chine, à travers Guo Jiakun, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré que «cette année marquait le 50ème anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et l'UE». «Dans un contexte de turbulences mondiales croissantes et d'unilatéralisme et de coercition économique endémiques, une communication stratégique renforcée et un dialogue et une coopération approfondis entre la Chine et l'UE bénéficieront aux deux parties et au monde», a-t-il ajouté. «La Chine et l'UE ont maintenu leur communication sur les questions commerciales et économiques, et nous sommes disposés à travailler avec l'UE pour mettre en œuvre l'important consensus atteint par nos dirigeants, pour renforcer les échanges de haut niveau et la coopération par le dialogue, et promouvoir le développement régulier et durable des relations Chine-UE», a-t-il complété. Pour Wang Yi, il est donc nécessaire de rechercher un consensus et de résoudre rapidement les litiges.
Des analystes chinois ont déclaré dimanche que «cette visite devrait faciliter le dialogue entre la Chine et l'UE sur les questions sécuritaires et économiques, renforçant ainsi la confiance dans les efforts de coopération dans un contexte mondial d'incertitudes croissantes. De plus, les interactions de haut niveau et les dialogues institutionnalisés encourageront l'Europe à adopter une perspective plus rationnelle et plus globale à l'égard de la Chine». Les médias chinois attendent beaucoup de cette rencontre.
Le professeur Jiang, cité par le média national chinois de langue anglaise, a mis en avant les points spécifiques qui seront abordés par le ministre chinois dans chacun des trois pays. La Belgique étant censée être le «fluor» des relations sino-européennes, les discussions porteront principalement sur les questions financières et financières et technologiques. La Chine entretenant d'importants échanges commerciaux avec l'Allemagne, l'accent sera mis sur la coopération industrielle et technologique. En revanche, en France, les discussions porteront principalement sur les points névralgiques de la planète, notamment sur l'influence que la Chine et l'Union européenne devraient y exercer.
Le dialogue actuel, note Global News, «se déroule dans un contexte plus complexe, notamment avec la crise ukrainienne, avec les tensions accrues au Moyen-Orient, avec le protectionnisme commercial mondial accru, avec la concurrence intensifiée dans la transition vers les énergies vertes et les risques croissants de découplage technologique».
Et, comme la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a menacé la Chine sur la livraison de biens et de technologies susceptibles d'être utilisés dans des opérations militaires par la Russie, il est peu probable que les discussions se déroulent dans un climat serein.
Les perspectives de la visite de Wang Yi sont, également, compliquées par la décision de l'Allemagne de bloquer le chatbot d'intelligence artificielle (AI) chinois DeepSeek, accusé de transférer illégalement des données vers la Chine.
Pékin a estimé que cette décision de l'Allemagne résultait d'une approche non objective et partiale à l'égard de la Chine et de ses avancées dans le domaine des technologies de pointe. Cette position allemande crée des obstacles à la coopération sino-allemande, soulignent les experts chinois.
Les États-Unis entrent en scène, considérant la Chine comme leur principal rival pour la domination mondiale. Un responsable du département d'État a déclaré à Reuters que DeepSeek avait apporté et continuerait probablement d'apporter son soutien aux services militaires et de renseignement chinois.
Mais l'Union européenne est un marché vital pour la Chine qui représente une alternative aux États-Unis. De grands espoirs ont été placés dans ce marché. Mais, ils ne se concrétisent pas pleinement. L'UE a ses avis concernant la Chine, ses produits de haute technologie et sa politique industrielle. En outre, l'UE ne souhaite pas se rapprocher de la Chine au détriment de ses relations avec les États-Unis. Quant aux accusations contre le logiciel chinois DeepSeek, les Américains n'ont fourni aucune preuve à ce sujet, il est nécessaire de souligner.
L'UE bascule entre son alliance avec les États-Unis et son obligation de tenter de dompter le grand dragon chinois qui risque de la dévorer.
source : Observateur Continental