03/07/2025 francesoir.fr  9min #283126

L'inaction judiciaire met-elle en danger l'intérêt supérieur de la nation ? Débat essentiel sur la défense nationale et l'inaction judiciaire suite à la plainte de Pellizzari contre Attal, Lecornu et Séjourné,

France-Soir

L'inaction judiciaire met-elle en danger l'intérêt supérieur de la nation – La plainte de Paul Pellizzari contre Attal, Lecornu et Séjourné : un débat sur la défense nationale et l'inaction judiciaire

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Le 2 avril 2024, Paul Pellizzari, général à la retraite, spécialiste de l'armement, a déposé une plainte devant la Cour de Justice de la République (CJR) à l'encontre de l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, du ministre des Armées Sébastien Lecornu et du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Stéphane Séjourné.  Cette plainte visait des faits allégués de livraison à l'Ukraine, depuis février 2022, de matériels militaires affectés à la défense nationale française, en violation présumée de l'article 411-3 du Code pénal. Ce dernier prévoit une peine de trente ans de détention criminelle et 450 000 euros d'amende pour quiconque livre à une puissance étrangère des matériels essentiels à la défense nationale. Une  seconde plainte, déposée par le général André Coustou, a également visé les mêmes ministres pour des motifs similaires

Contexte et fondements de la plainte

Selon Paul Pellizzari, les livraisons d'armements à l'Ukraine, incluant des équipements individuels (casques, gilets pare-balles, tenues NBC, armement léger) et des matériels majeurs (systèmes anti-char, pièces d'artillerie, défense sol-air, véhicules blindés, missiles air-sol, drones), auraient amputé les stocks français de 25 à 40 %.

Ces prélèvements, évalués à plus de 3,08 milliards d'euros entre février 2022 et décembre 2023, auraient affaibli les capacités de défense de la France, compromettant ainsi la sécurité nationale. Pellizzari a également dénoncé l'absence d'autorisation préalable du secrétariat général du gouvernement pour l'accord de coopération franco-ukrainien signé le 16 février 2024, qualifié de possible violation constitutionnelle ;

En parallèle, le général Coustou, alors président d'honneur de l'association Place d'Armes, a souligné que ces transferts pourraient franchir la ligne rouge de la cobelligérance, augmentant les risques géopolitiques pour la France.

Ces préoccupations font écho à des déclarations publiques du président Emmanuel Macron et du chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard, qui ont eux-mêmes pointé le risque sécuritaire posé par la Russie

Rejet de la plainte et mise en demeure

La CJR a déclaré la plainte de Pellizzari irrecevable, arguant que l'infraction, même si elle était établie, n'aurait pas causé de préjudice direct au plaignant. Cette décision a suscité l'indignation de Pellizzari, qui a adressé une mise en demeure au procureur général Rémy Heitz, également transmise au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme, pour exiger l'ouverture d'une enquête pénale.

Par ailleurs,  Pellizzari a lancé une pétition intitulée « Stop à la livraison d'armes illégales à l'Ukraine », qui a recueilli 11 000 signatures en quelques jours, visant à sensibiliser l'opinion publique et les médias.

Un écho international : la suspension américaine

Le 2 juillet 2025, les États-Unis ont annoncé la suspension de leurs livraisons d'armes à l'Ukraine, motivée par un audit révélant une diminution critique des réserves militaires américaines, selon  The Guardian et  Les Échos.

Cette décision fait écho aux préoccupations de Pellizzari, qui alertait dès 2024 sur les risques d'affaiblissement des capacités de défense française. Cette convergence entre les inquiétudes françaises et américaines soulève une question cruciale :

si les États-Unis, invoquant l'intérêt supérieur de leur nation, ont suspendu leurs livraisons, pourquoi la CJR et le parquet français n'ont-ils pas donné suite à une plainte dénonçant des faits similaires ?

Questions sans réponses

Face à l'inaction judiciaire, plusieurs interrogations émergent,

  • Investigations menées : quelles diligences le parquet a-t-il entreprises pour vérifier les faits dénoncés par Pellizzari, notamment au regard de l'article 411-3 du Code pénal ?
  • Contexte sécuritaire : comment justifier l'absence de suites alors que le président Macron et le général Burkhard ont eux-mêmes souligné la menace russe, rendant la préservation des moyens de défense cruciale ?
  • Inquiétudes citoyennes : face à la crainte d'un conflit militaire, comment le parquet peut-il ignorer une plainte dénonçant une atteinte potentielle à la capacité de défense nationale, en lien avec l'article 410-1 du Code pénal définissant les intérêts fondamentaux de la Nation ?
  • Impact des prélèvements : les livraisons continues à l'Ukraine, accentuant la diminution des stocks français, ne justifient-elles pas une évaluation urgente de leur impact ?
  • Opportunité des poursuites : quels critères ont conduit à ne pas poursuivre, alors que les faits pourraient constituer une atteinte grave aux intérêts nationaux ?
  • Action d'office : le parquet a-t-il envisagé d'agir de son propre chef, comme le permet l'article 40 du Code de procédure pénale, pour enquêter sur ces faits ?
  • Conformité légale : le parquet a-t-il sollicité des informations auprès des ministères concernés pour vérifier la légalité des transferts d'armements ?
  • Transparence et indépendance : si des investigations ont eu lieu, quelles mesures ont garanti leur impartialité, vu la sensibilité du dossier ?

Une inaction judiciaire contestée

L'absence de réponse du parquet, combinée au rejet de la plainte par la CJR, alimente les critiques sur l'indépendance des institutions judiciaires françaises.

Des commentateurs, comme sur Résistance Républicaine, qualifient ce rejet de révélateur d'une « tyrannie » où les institutions seraient inféodées au pouvoir politique. L'article de France-Soir intitulé «  Ces hommes qui disent non à Macron, non à la guerre » met en lumière une opposition croissante à ces livraisons, perçues comme un affaiblissement stratégique de la France face à un contexte géopolitique tendu

Et dans l'intérim, c'est le lanceur d'alerte Paul Pellizzari qui s'est vu sanctionné puisque qu'il a fait l'objet d'une procédure disciplinaire et a été radié des cadres de seconde section avec au passage une atteinte son honneur. Un homme aux états de service parfait, ayant servi la Patrie pendant des décennies, s'est vu mentionné dans un article erroné publié par l'AFP qui aura demandé par moins de 15 droits de réponses avant que l'AFP ne se résigne à corriger les fausses informations qu'elle avait publiées sur lui. Si la France traite ses enfants prêts à sacrifier leur vie pour la nation, sans leur donner le respect et la considération dus, et que le procureur ne fait pas son travail, on est en droit de se poser la question de savoir si l'état de droit règne toujours en France.

Mobilisation citoyenne face au silence institutionnel

Face à l'inaction judiciaire, une mobilisation citoyenne s'est organisée.  Une résolution citoyenne, portée initialement par Place d'Armes et signée par plus de 30 000 personnes, réclamait un débat public sur les livraisons d'armes et l'engagement militaire français en Ukraine.

Cette initiative a été relayée par le sénateur Alain Houpert, qui a  déposé une résolution au Sénat pour répondre aux préoccupations des citoyens. Déposée au nom d'un groupe par son président ou par tout député, la proposition de résolution fait l'objet d'un double contrôle. Aux termes de l'article 34-1, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a la faculté de la déclarer irrecevable avant son inscription à l'ordre du jour s'il estime que son adoption ou son rejet est de nature à engager sa responsabilité ou si elle contient des injonctions à son égard. A l'heure des présentes, le sénateur Houpert déclare

« le gouvernement n'a pas déclaré son inscription à l'ordre du jour irrecevable, mais aucun vote dessus n'est fixé, ce qui est anormal, elle est déposée depuis le 22 avril ».

Devant ce silence institutionnel, un mouvement transpartisan, le Groupement Citoyen France Libre (GCFL) s'est constitué pour que « cette résolution très importante fasse l'objet d'un débat au plus vite », comme l'explique l'un des membres du GFCL.

Le 22 mai 2025, le GCFL écrivait aux chefs des groupes parlementaires à l'Assemblée nationale et au Sénat, demandant un rendez-vous pour discuter de ces enjeux, notamment au regard des articles 35 et 53 de la Constitution. L'article 35 impose au gouvernement d'informer le Parlement dans les trois jours suivant une intervention militaire à l'étranger et de soumettre toute prolongation au-delà de quatre mois à un vote. Le GCFL a également dénoncé l'absence de communication officielle sur une possible présence de troupes françaises en Ukraine, malgré des rumeurs persistantes depuis 2022. Les déclarations du président Macron, le 5 mars 2025, évoquant un éventuel déploiement de troupes et la mutualisation de l'arme nucléaire, renforcent l'urgence d'un débat parlementaire.

Pourtant, malgré des courriers recommandés et des plis d'huissier, aucune réponse n'a été reçue des groupes parlementaires, accentuant le sentiment d'opacité et de déni de contrôle démocratique.

Conclusion

La plainte de Paul Pellizzari, le rejet par la CJR et l'inaction du parquet soulèvent des questions fondamentales sur la protection des intérêts fondamentaux de la Nation, notamment la gestion des ressources militaires françaises et la responsabilité des décideurs politiques. La suspension des livraisons d'armes américaines en juillet 2025 corrobore les inquiétudes de Pellizzari, tandis que la mobilisation citoyenne, portée par plus 30 000 signataires et relayée par le sénateur Houpert, reflète une défiance croissante envers les institutions.

L'absence de débat parlementaire, malgré les obligations constitutionnelles, et le silence des autorités face aux demandes citoyennes interrogent la transparence et la légitimité des décisions prises.

Dans un contexte géopolitique tendu, la justice et le Parlement ont-ils réellement agi dans l'intérêt supérieur de la France, ou ont-ils manqué une opportunité d'examiner une question vitale pour la sécurité nationale ?

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